Énergie, défense : duo France – Allemagne, fin d’une illusion

Depuis toujours pour s’affirmer dans le contexte européen, l’Allemagne s’est efforcée de tenir à distance ses concurrents. Le développement s’imposait pour un pays, affranchi par les traités du coût d’une politique de défense et d’une part importante de réduction de sa dette pour la réunification Est-Ouest du pays.

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Par Jacques Martineau Publié le 24 octobre 2023 à 14h30
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Énergie, défense : duo France – Allemagne, fin d’une illusion - © Economie Matin
6%En 2022, seulement 6% de l'électricité allemande était de source nucléaire.

Les 3 axes de la politique allemande

1er axe - La production d’électricité dépend de 3 sources : depuis plus d’une dizaine d’années, la chancelière Angela Merkel, sous influence de sa coalition, a développé une politique anti-nucléaire. L’Allemagne s’appuie sur des « centrales à charbon » ; le « gaz russe » importé (Nord Stream 2) ; le « complément renouvelable » (champs d’éoliennes marines et panneaux solaires). L’« énergie nucléaire » sera définitivement en extinction en 2024. La fourniture de gaz dépendait d’une entente cordiale et précieuse entre l’Allemagne et la Russie.

2ème axe - L’exportation d’une part importante de ses produits industriels vers la Chine : pour exemple le soutien et le développement de son industrie automobile, avec sous-traitance de ses produits manufacturés et dérivés dans les pays de l’Est de l’UE (coûts salariaux réduits). Montage final en Allemagne (qualité, sécurité). Promotion d’un haut savoir-faire avec investissements d’usine à l’étranger pour des gammes privilégiées, appréciées par ses premiers clients, la Chine et les États-Unis, le Moyen-Orient et les pays européens les mieux lotis.

3ème axe - La protection américaine en matière de défense avec l’OTAN. Depuis la création de l’Allemagne, après la deuxième guerre mondiale, elle faisait partie des pays désarmés. L’effort de protection militaire était sous tutelle des États-Unis et progressivement sous-couvert de l’OTAN. Comparativement à la France, le % de PIB de l’Allemagne consacré à la défense était limité et très faible. Avec le traité de Maastricht, les protecteurs sont les Etats-Unis et l’OTAN, une sécurité garantie.

La crise économique et la guerre en Ukraine bouleversent la « donne »

1/ L’approvisionnement en gaz russe c’est fini (guerre, sanctions économiques et destruction de Nord Stream 2). Cette situation modifie la nature et l’origine de la ressource énergétique. L’invasion de l’Ukraine a bouleversé l’équilibre allemand en matière énergétique. Avec les consignes occidentales et les contraintes de l’OTAN, l’Allemagne subit la pénurie de plein fouet. Le seul palliatif conduit à une dépendance quasi-totale au gaz naturel liquéfié (GNL) sous la houlette totale des États-Unis. Les usines de transformation du gaz sont déjà en place.

2/ L’exportation vers la Chine est en baisse (stratégie et économie). Pékin n’a plus les mêmes taux de croissance. Sa politique économique est plus difficile à apprécier. Le régime de Pékin ne peut plus se contenter d’importer sans compter et d’oublier le contexte international, avec la guerre en Ukraine. Les exportations allemandes vers la Chine n’ont peut-être plus le « vent en poupe ». Que peut-il se passer si les produits chinois se trouvent à leur tour en difficulté ?

3/ La guerre entre l’Ukraine et la Russie modifie la « donne » en matière de défense. Elle est assimilable à un conflit armé Est-Ouest, pour les pays de l’Union européenne. Aides et fournitures d’armements confirment cet engagement dans le cadre de l’OTAN. Les coûts engendrés par la guerre en Ukraine ne sont plus supportables par les Etats-Unis à l’avantage des pays de l’OTAN. Chacun devra désormais prendre sa part. L’Allemagne ne peut plus se dérober. Elle doit s’impliquer dans la constitution de son propre système de défense.

Sous contrôlé de l’UE : conséquences dans les relations Franco-Allemande

La Chine va continuer à fournir l’Europe en matière de produits industriels, automobiles, etc. (exportation et investissement sur le continent). L’Allemagne conservera un certain équilibre commercial, moins lucratif. De son côté, la France en dépend, excepté pour la fabrique de batteries et de véhicules à petite échelle.

Sur le plan de la défense peu de changement stratégique, et, pour les équipements, ce sont les américains qui dominent au travers de l’OTAN, surveillance, protection et fourniture de matériels. L’Allemagne va payer. La France, puissance nucléaire n’est pas concernée, sauf pour son marché militaire à l’exportation dans l’Union européenne. Elle est marginalisée et c’était déjà fait.

L’approvisionnement et la production d’énergie électrique, sont une source de conflit majeur. Difficile d’admettre que l’Allemagne fasse mine d’ignorer son retard en matière de production électrique. Les faits montrent qu’elle ne se contente pas d’une attitude passive. Par ses actions discrètes, non seulement l’Allemagne perturbe le marché, mais elle a un objectif clair affaiblir l’industrie française et EDF qui lui font concurrence avec le nucléaire. Un prix européen de l’électricité, aligné sur le prix du gaz : c’est un scandale.

Il n’y a jamais eu de couple franco-allemand. Avec la complicité de l’Union européenne, ce n’est pas le chancelier Olaf Scholz qui dira le contraire. Nos politiques ne peuvent plus nous faire croire qu’ils l’ignoraient. Et si l’Allemagne n’avait jamais été un modèle à suivre ?

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Après un long parcours scientifique, en France et outre-Atlantique, Jacques Martineau occupe de multiples responsabilités opérationnelles au CEA/DAM. Il devient DRH dans un grand groupe informatique pendant 3 ans, avant de prendre ensuite la tête d'un organisme important de rapprochement recherche-entreprise en liaison avec le CNRS, le CEA et des grands groupes du secteur privé. Fondateur du Club Espace 21, il s'est intéressé aux problèmes de l'emploi avec différents entrepreneurs, industriels, syndicalistes et hommes politiques au plus haut niveau sur la libération de l'accès à l'activité pour tous. Il reçoit les insignes de chevalier de l'Ordre National du Mérite et pour l'ensemble de sa carrière, le ministère de la recherche le fera chevalier de la Légion d'Honneur.

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