Comme chaque année, la fin du mois de mars sonne le glas de la trêve hivernale, période qui interdit aux propriétaires d’expulser leurs locataires de leur logement. La Fondation Abbé Pierre s’inquiète de ce qui pourrait arriver aux plusieurs dizaines de milliers de personnes concernées… alors que les expulsions sont en forte hausse depuis des années.
Logement : la trêve hivernale se termine, alerte expulsions
Fin de la trêve hivernale : combien de personnes à risque d’expulsion ?
Le communiqué de presse de la Fondation Abbé Pierre du 26 mars 2024 est sans appel : « environ 140.000 personnes sont menacées d’être expulsées de leur logement en 2024 par les forces de l’ordre ou en quittant d’elles-mêmes leur logement sous la contrainte de la procédure ». Ce qui représente tout simplement l’équivalent de la ville de Clermont-Ferrand ou environ la moitié des habitants de Nice.
La Fondation tire la sonnette d'alarme, pointant une tendance à la hausse des expulsions, qui ont augmenté de 52% en dix ans. Alors qu’on avait enregistré 11.487 expulsions en 2012, elles ont été au nombre de 17.500 en 2022. Une réalité qui vient s'ajouter à la difficulté croissante d'accès au logement, exacerbée par la loi Kasbarian, perçue par l’association comme un pas en arrière dans la prévention des expulsions. Cette loi « a fragilisé 30 ans d’avancées dans ce domaine. Le discours qui l’a accompagnée a renforcé la confusion entre locataires en impayés et personnes n’ayant d’autre choix que de squatter », affirme-t-elle.
La justice n’est pas du côté des locataires en difficulté
Ce paysage sombre est d'autant plus contrasté par les efforts de certains bailleurs et préfets, dont les actions semblent aller à l'encontre des directives nationales visant à garantir un minimum de sécurité aux plus vulnérables. « Bien souvent, les expulsions se font sans proposition de relogement ou même d’hébergement, contrairement aux instructions données aux préfets », dénonce l’association. Et, dans le pire des cas, ces expulsions « outrepassent même la loi ».
Or, en France, la situation du logement est de plus en plus tendue et les personnes risquant de se retrouver à la rue ou l’étant déjà n’évoluent pas pour le mieux. « Le nombre de ménages expulsés s’ajoute aux 330 000 personnes sans domicile fixe, aux 2,6 millions de demandeurs de logement social et aux 93 000 ménages prioritaires DALO non relogés. » Pour rappel, Emmanuel Macron avait promis lors de ses vœux de 2018 une solution. « Je veux que nous puissions apporter un toit à toutes celles et ceux qui sont aujourd’hui sans abri », avait-il déclaré. « Il y a encore des situations qui ne sont pas acceptables. Que je n’accepte pas davantage que vous. »
Fin de la Trêve hivernale : comment mieux lutter ?
La Fondation Abbé Pierre appelle à une politique plus volontariste en matière de prévention des expulsions et d'accès au logement. La nécessité de trouver des solutions justes et pérennes est plus criante que jamais, dans un pays où le nombre de sans-abri et de demandeurs de logement social ne cesse de croître. « Mais de nombreux propriétaires refusent les aides et préfèrent procéder à l’expulsion », estime la fondation.
La situation du mal logement risque même d’empirer : le nombre de personnes vivant en France sous le seuil de pauvreté a augmenté ces dernières années dépassant la barre des 9 millions, précise la fondation Abbé Pierre. Ce qui augmente le risque d’impayés, qui sont en hausse de 3% dans le parc social en 2023. Résultat : il y a eu un « doublement de la mobilisation de la garantie Visale d’Action Logement entre mai 2022 et mai 2023 (Observatoire des impayés juillet 2023) ».