Épargne retraite sous-développée : vous perdez de l’argent

Le dernier rapport de l’Institut Économique Molinari (IEM), dévoilé le 5 décembre 2023, met en lumière un problème majeur : un déficit conséquent dans l’épargne retraite, avec un manque-à-gagner de plusieurs dizaines de milliards d’euros pour les Français. Et en Europe, ce n’est guère mieux.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 5 décembre 2023 à 10h57
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epargne, retraite, argent, développement, pension, pertes - © Economie Matin
20%Les retraités représentent 20% de la population française.

Retraite : le problème du système par répartition

L'Europe, et particulièrement la France, fait face à une crise profonde en matière d'épargne retraite, selon le rapport de Nicolas Marques, directeur général de l’IEM. Historiquement, les systèmes de retraite européens reposent sur la répartition, une méthode où les pensions sont financées par les cotisations des actifs.

Or, cette approche devient de plus en plus coûteuse et risquée, notamment à cause du vieillissement démographique et du déséquilibre croissant entre le nombre de cotisants et de retraités. La Banque mondiale avait déjà théorisé en 1994 que les systèmes de retraite devraient reposer sur trois piliers, incluant la capitalisation, pour une meilleure résilience, souligne le rapport. Cependant, l'UE n'a pas pleinement réalisé cette complémentarité, et les régimes de capitalisation y sont peu développés, excepté dans quelques pays hors UE comme l'Islande, la Suisse ou le Royaume-Uni.

Epargne retraite : une perte de plus de 80 milliards d’euros pour les Français

En France, la situation est particulièrement inquiétante, souligne l’Institut. Le déficit d'épargne retraite atteint 32 % du PIB annuel, se traduisant par une perte de 80 milliards d'euros en 2021. Cette somme représente 24 % des dépenses de retraite du pays. Avec un effet néfaste sur la qualité de vie des retraités et la compétitivité économique globale.

« Etrangement, le statu quo français, accordant la primauté à la répartition et reléguant la capitalisation aux choix individuels est parfois présenté comme « social ». Dans un contexte de baisse de la natalité, c’est tout l’inverse. Il génère une fracture entre les individus, selon qu’ils bénéficient ou non de l’épargne retraite. Les premiers ont l’espoir d’éviter une baisse drastique de leur pouvoir d’achat à la retraite, les autres non », analyse Cécile Philippe, présidente de l’IEM.

Des centaines de milliards d’euros de pertes en Europe

Au niveau de l'Union Européenne, la perte moyenne annuelle due au sous-développement de l'épargne retraite est encore plus impressionnante, s'élevant à 348 milliards d'euros, soit 24 % du PIB de l'UE.

Ces pertes varient entre les pays, allant de 11% du PIB en Finlande à 36% en Grèce. En moyenne, ces pertes représentent 20% des dépenses de retraite dans l'UE, révélant, selon le rapport, un problème systémique qui nécessite une attention et des actions concertées à l'échelle européenne.

Développer l’épargne retraite : une nécessité

Le rapport souligne l'importance de soutenir les régimes de répartition par une généralisation de la capitalisation collective. Un tel rééquilibrage offrirait de multiples avantages, notamment l'amélioration de la compétitivité et du pouvoir d'achat, tant dans le secteur privé que public.

Les systèmes de capitalisation collective, comme ceux pratiqués par certains fonctionnaires et pharmaciens en France, sont présentés comme des modèles à suivre. Ils permettraient de réduire les inégalités patrimoniales et de protéger les salariés face à des partages de valeur ajoutée défavorables.

« Le sous-développement de l’épargne retraite coûte 80 milliards par an à la collectivité, nuit au pouvoir d’achat, à la compétitivité et aux finances publiques. Pour y remédier, il faudrait généraliser les capitalisations collectives sur le modèle des fonctionnaires (ERAFP) et des pharmaciens (CAVP). Cela permettrait de mieux mettre à contribution le capital au service des retraites, tout en évitant de céder aux sirènes de ceux qui appellent à financer les politiques publiques avec toujours plus de taxes, tout en passant sous silence les risques associés à cette démarche », affirme Nicolas Marques.

Trois axes pour combler le manque-à-gagner lié au sous-développement de l’épargne retraite

Dans le communiqué de presse accompagnant le rapport, l’Institut Economique Molinari donne les pistes pour améliorer la situation des retraites et de l’épargne retraite en France.

1) Mettre en place une capitalisation collective pour tous les salariés du privé, sur le modèle de l’ERAFP des fonctionnaires

Chaque salarié du privé aura un compte personnel, alimenté tous les mois par des cotisations patronales (1 % du salaire brut) et salariales (1 % du salaire brut).

Ces sommes seront versées à un Etablissement de retraite additionnelle des salariés du privé (ERASP). Copié sur le modèle de l’Etablissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP), il sera hébergé par l’Agirc-Arrco, ce qui permettra de bénéficier des avantages d’une gouvernance paritaire au sein d’une caisse de retraite ayant une forte légitimité.

Cette réforme se fera selon un principe de « neutralité pour la fiche de paie ». La création de l’ERASP se fera concomitamment à la réduction des fiscalités sur la fiche de paie non créatrices de droits (CSG-CRDS…) pour éviter toute dégradation de la compétitivité ou du pouvoir d’achat.

2) Fiabiliser les retraites financées par la répartition ou l’impôt

Commencer à provisionner les retraites des nouveaux fonctionnaires au sein du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), afin d’économiser l’argent public grâce aux gains générés par les placements comme le font la Banque de France ou le Sénat.

Réformer la Cnav pour qu’elle dispose de réserves permettant d’amortir les chocs, à l’instar de ce qui existe dans tous les régimes par répartition bien gérés en France (Agirc-Arrco…) ou à l’étrangers (Suède).

Mettre un terme aux tentatives d'intrusion de l'Etat dans la gestion des caisses de retraite bien gérées (Agirc-Arrco...).

3) Améliorer le volet épargne retraite de la loi PACTE

Supprimer le forfait social sur tous les versements opérés par les entreprises dans les produits PACTE, pour augmenter les montants crédités au compte des épargnants.

Neutraliser le calcul des plus-values sur tous les produits d’épargne retraite ou à long-terme, pour éviter de calculer des plus-values (fictives) sur l’inflation.

Améliorer la fiscalité des sorties en capital, en revenant sur toutes les dégradations opérées dans le cadre du processus d’harmonisation entre les produits existant avant la loi PACTE.

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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