Journée mondiale de l’épargne : La France un peuple d’épargnants

Le 31 octobre 2024, nous célébrerons le centenaire de la Journée mondiale de l’épargne. Proclamée à la suite du 1er Congrès international des caisses d’épargne, qui rassemblait 27 nations à Milan le 31 octobre 1924, cette journée mondiale avait pour objectifs premiers de favoriser la collaboration entre les établissements financiers et de promouvoir les vertus et les bienfaits de l’épargne.

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Par Philippe Crevel Publié le 1 novembre 2024 à 9h00
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Journée mondiale de l’épargne : La France un peuple d’épargnants - © Economie Matin
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La France est un pays d’épargnants : 70 % des Français déclarent épargner au moins une fois dans l’année (Enquête 2022 AG2R LA MONDIALE/Amphitéa/Cercle de l’Épargne « Les Français, l’épargne et la retraite »). 82,2 % des Français ont un Livret A (Observatoire de l’épargne rapport annuel 2024) et 41 % des ménages ont un contrat d’assurance vie. Par ailleurs, le taux d’épargne est, en France, de 17,9 % du revenu disponible au 2e trimestre 2024 (INSEE), le deuxième le plus élevé de l’Union européenne après celui de l’Allemagne.

L’abondance de l’épargne est un atout pour la France. Elle finance les dépenses publiques et l’investissement des entreprises. Le Livret A contribue par exemple à la construction des logements sociaux et aux investissements des collectivités locales. L’assurance vie et le Plan d’Épargne Retraite sont quant à eux des vecteurs clefs du financement de l’État et des entreprises. L’épargne d’aujourd’hui, c’est l’investissement de demain, l’emploi et la croissance d’après-demain. La tentation est grande d’augmenter les prélèvements sur l’épargne celle-ci étant, à tort, considérée comme de l’argent qui dort. Or, il ne dort pas loin de là !

L’épargne : une tradition française

Pourquoi les Français épargnent-ils ? Ils le font à la fois par précaution, pour préparer l’avenir et par habitude. Il est fréquemment répété que les racines paysannes expliqueraient la propension à l’épargne. Les paysans étaient contraints de mettre de l’argent et des semences de côté durant la belle saison, mais ces racines sont de plus en plus lointaines…

L’épargne repose donc sur des traditions familiales profondément ancrées. Les parents ou les grands-parents ouvrent un Livret A à leurs enfants ou petits-enfants dès leur naissance et y versent leurs étrennes.

La France est un des rares pays à pratiquer, avec un zèle tout particulier, l’épargne réglementée, une épargne dont les modalités de fonctionnement et de rémunération sont fixées par l’État. Il y a plus de 200 ans, le Livret A a été créé à des fins pédagogiques afin d’inciter les Français à tenir une comptabilité et à mettre de l’argent de côté. Il l’a été également pour financer l’État après les guerres napoléoniennes qui avaient gravement déséquilibré les comptes publics. L’épargne est en France, plus qu’ailleurs, associée aux politiques publiques. L’assurance vie, s’est développée durant la Restauration en lien avec les besoins de l’État.

Quand la peur des lendemains alimente l’effort d’épargne

L’État providence est particulièrement développé, les dépenses sociales représentant plus d’un tiers du PIB ; or cela n’empêche pas les Français d’épargner massivement par crainte d’être confrontés à un problème de revenus. Les Français sont naturellement inquiets. 71 % des actifs déclarent ainsi que leurs futures pensions seront insuffisantes pour vivre correctement à la retraite (enquête 2024 Amphitéa/Cercle de l’Épargne). Plus de la moitié d’entre eux épargnent en vue de leur retraite (58 % dans l’enquête précitée).

Depuis 2019, le taux d’épargne des ménages s’est accru de plus de trois points. La succession des crises (Covid, guerre en Ukraine, vague inflationniste) a amené les Français à épargner davantage. De manière contre-intuitive, quand les prix augmentent, malgré la baisse de leur pouvoir d’achat, les Français mettent plus d’argent de côté. Par crainte de ne pas pouvoir faire face aux dépenses de demain et d’après-demain, ils économisent aujourd’hui. Cela vaut également quand les impôts sont orientés à la hausse.

À la différence des États-Unis, les ménages, en France, n’ont pas puisé dans leur cagnotte covid. Ils l’ont même renforcée depuis 2021. Si des facteurs conjoncturels expliquent ce comportement, le vieillissement démographique joue également un rôle indéniable.

Les Français, des épargnants avisés

Les épargnants français sont souvent décriés pour leur refus de la prise de risques, dépeints comme de mauvais gestionnaires de leur argent qui manquent de connaissances financières. Or, ils sont plus aguerris qu’il n’y paraît et ne diffèrent guère des ressortissants des autres pays de la zone euro. Les Français veulent une épargne sûre, liquide et, autant que possible, bien rémunérée. Ils adaptent donc leurs placements pour concilier au mieux ces différents objectifs.

Dans les années 1980 ils avaient massivement investi dans les SICAV monétaires, avant de privilégier les fonds euros de l’assurance vie dans les années 1990/2000. En 2022 et 2023, ils ont opté pour les livrets réglementés et les dépôts à terme qui offraient un bon rendement. Avec la baisse actuelle des taux courts, ils changeront sans nul doute leurs préférences.

Les épargnants français auraient comme principal défaut de ne pas prendre de risques et de ne pas investir suffisamment dans l’économie réelle. Les gouvernements successifs ont pourtant créé de nombreux de produits d’épargne réglementée : Livret A, LDDS, LEP, Livret Jeune, etc. dotés d’avantages fiscaux. La France aide toutes les catégories de placements, du court au long terme.

Des changements de comportement

Malgré l’appétence des Français pour les produits de taux, depuis plusieurs années, ils sont de plus en plus nombreux à opter pour les placements « actions ». Le succès des contrats multisupports d’assurance vie, la progression du nombre de PEA (près de 5,3 millions de détenteurs en juin 2024 selon la Banque de France, soit 1,2 million de plus qu’en juin 2017) et le bon démarrage du Plan d’Épargne Retraite sont autant de signes encourageants.

Le PER est, en 2024, le troisième produit préféré des Français après l’assurance vie, qui a retrouvé la tête du classement cette année, et le Livret A (Enquête 2024 Amphitéa/Cercle de l’Épargne). Il se hisse sur le podium 5 ans après le début de sa commercialisation. Il répond aux besoins et aux attentes des ménages français inquiets pour leur niveau de vie à la retraite. En constante progression depuis sa création, il comptait plus de 10 millions de titulaires et un encours avoisinant les 110 milliards d’euros à la fin mars 2024 (source : Direction général du Trésor). Le PER tire son succès de sa grande souplesse. La faculté de choisir entre une sortie en rente ou en capital, l’accès à une gestion profilée (prenant en compte l’âge du titulaire et son appétence aux risques) ainsi que le régime de déduction fiscale du PER ont ainsi séduit un actif sur quatre.

La stabilité avant tout

L’assurance vie, premier placement financier des ménages en volume avec 1 970 milliards d’euros d’encours à la fin août, est le principal vecteur de l’épargne longue en France. L’amélioration du rendement des fonds euros depuis 2022 et la bonne tenue des unités de compte, qui représentent près de 40 % de la collecte, lui permettent de maintenir sa place de choix.

La poursuite de la réorientation de l’épargne des ménages vers les placements longs, afin de soutenir le financement des entreprises et de la transition écologique, suppose une stabilité juridique et fiscale. À ce titre, l’alourdissement des impôts et taxes, par nature anxiogène, serait susceptible de contrarier cette réallocation. Aujourd’hui, la France ne manque pas d’épargne mais d’épargne longue.

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Depuis 2004, Philippe Crevel occupe les fonctions de Secrétaire général du Cercle des Epargnants, un think tank consacré à l'épargne et à la retraite. Il est également conseiller auprès de la direction générale de Generali depuis 2007. Il est le représentant de Generali au sein de la Commission « développement durable » de l'Association Française de l'Assurance (AFA) qui réunit les assureurs et les mutualistes. Membre du comité scientifique du Fonds GIS Future, Fonds ESG de Generali Investments, Philippe Crevel est administrateur de la Mutuelle de l'Ile de la Cité.

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