« Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? ».
Le fameux effet papillon, ainsi exprimé par K. Lorenz, [1] ne devrait pas manquer d’interpeller tout observateur du climat sur les conséquences de la turbulence de sillage des quelques 900 GW éoliens qui affecterait aujourd’hui « toute la structure de la couche limite planétaire »[2]. Et dont il reste à démontrer que les effets bénéfiques sur le climat seraient supérieurs au réchauffement qui leur est aujourd’hui imputé.
De nombreuses études ont évoqué l’impact négatif des éoliennes sur le climat.Récemment, un article allemand [3] montrait la corrélation entre l’assèchement des sols et l’emplacement des 30 000 éoliennes d’Outre-Rhin.
Pourtant, en 2012, déjà, la NASA avait diffusé une étude de Zhou & al [7] qui avait attribué aux éoliennes un réchauffement de 0,72° en 9 ans, selon les observations de ses satellites, sur une région du Texas.
Malgré l’abondance de la littérature sur le sujet, il reste bien difficile à des non spécialistes de se forger, seuls, un avis éclairé dans ce domaine éminemment sensible du développement éolien.
L’avis du CNRS
C’est la raison pour laquelle il peut être opportun de revenir sur l’avis scientifique, politiquement correct et rassurant, publiée par le CNRS en 2014 [8], ainsi que sur les sources qui lui avaient alors paru dignes d’attention. En effet, les auteurs de cette étude, publiée sur Nature Communications [2] appartiennent majoritairement au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement, à l’Institut Pierre-Simon Laplace des Sciences et du Climat, au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ainsi qu’au CNRS.
Cette étude portant sur l’impact climatique des éoliennes européennes s’appuie sur des essais en soufflerie et sur la modélisation de l’évolution du climat selon 3 scénarios :
Sans éoliennes (CTL),
Avec les 101 GW installés en 2012 (CUR)
Et un 3ème scénario (SCEN) avec les 220 GW qui étaient prévus en 2020, afin d’en dégager les effets prévisibles au niveau de notre continent.
L’étude illustre notamment la différence entre les résultats de la modélisation du scénario de contrôle (CTL sans éolienne), avec le scénario SCEN (220 GW). Avec la moyenne hivernale, dans la colonne de gauche, et estivale, à droite, pour les températures (ci-dessous).
Mais aussi pour les précipitations journalières en mm, (c et d) et la pression atmosphérique au niveau de la mer (e et f) ci-dessous.
L’étude se veut rassurante et conclut à des effets certains mais « limités » avec un réchauffement maximum de 0,3° dans certaines régions à échéance 2020. Soit des valeurs « très faibles par rapport à la variabilité naturelle du climat ». Elle compare les conclusions de ses simulations à celles d’autres études qui avaient relevé un réchauffement de 0,7° par décennie dans les zones fortement implantées d’éoliennes, (études 91011) et une réduction des précipitations dépassant 10% (12) .
Pour rassurante qu’elle soit, cette étude du CNRS relève cependant que « l'effet atmosphérique le plus direct des éoliennes est une traînée supplémentaire et la génération de turbulence de sillage. » Et qu’en fait « toute la structure de la couche limite planétaire est affectée par la turbulence de sillage des turbines ». Et signale une extraction de la ressource potentielle du vent de l’ordre de 1W/m2 (étude 1314).
Elle mentionne également dans les résultats de ses simulations que « Les précipitations hivernales ont une structure plus inégale, mais une réduction significative a été constatée sur l'Europe occidentale atteignant 0,15 mm par jour, soit ~ 5 % des précipitations moyennes. La pression au niveau de la mer subit une variation maximale de 0,5 hPa, reflétant une augmentation du temps anticyclonique à travers l'Europe en hiver. (…) Elle induit de légers changements de circulation moyenne, avec des flux plus au sud sur la partie ouest du domaine et des flux au nord sur la partie est, modifiant ainsi l'advection de chaleur et d'humidité ». Mais relativise en continuant « Les réponses hivernales de la température et des précipitations restent cependant faibles par rapport à leur variabilité interannuelle respective, atteignant ~10% pour la température et 20% pour les précipitations dans certaines zones ».
Pour autant, il est troublant de constater la similitude globale entre les modélisations de ces « changements de circulation moyenne », « modifiant ainsi l'advection de chaleur et d'humidité » et les récents épisodes locaux de sécheresse, de canicule ou de douceur hivernale dans les régions précisément anticipées sur les illustrations reproduites ci-dessus.
Le propos n’étant pas d’en imputer quelque responsabilité que ce soit aux éoliennes, sans autre rigueur scientifique.
D’autres études concluent que les parcs éoliens réduisent la puissance du vent, notamment « ont le potentiel de modifier substantiellement la dynamique atmosphérique et de conduire à des réductions locales de la vitesse moyenne du vent s'étendant jusqu'à plus de 40 km sous le vent du parc» (étude 18) ou observent l’impact des éoliennes sur la croissance de la végétation. (étude 19)
Un remède pire que le mal
Mais, aussi faibles que soient les effets des éoliennes sur le réchauffement et la sécheresse, la raison impose de les comparer avec les bénéfices de leur réduction des émissions fossiles.
Une étude de 2018 de l’Université d’Harvard [20] s’est chargée de modéliser les variations journalières et saisonnières des températures liées aux éoliennes sur l’ensemble des États-Unis. Cette modélisation s’appuie notamment sur la quantité d’énergie extraite par les éoliennes, leurs effets sur le brassage entre les masses d’air de différentes altitudes ainsi que sur le gradient vertical du vent, c'est-à-dire ses différentes vitesses selon la hauteur.
La valeur obtenue par simulation, d’un réchauffement de 0.24°, correspond aux valeurs observées. L’étude considère que cet « effet de réchauffement est :
faible par rapport aux projections du réchauffement du 21e siècle,
approximativement équivalent à la réduction obtenue en décarbonant toute la production mondiale d'électricité,
et important par rapport à la réduction du réchauffement obtenue en décarbonant l'électricité américaine avec l’éolien ».
L’étude n’ignore rien, en fin de publication [21], des nombreux paramètres qui n’ont pas été traités par ses seuls effets des températures au niveau du sol, comme du fait qu’il s’agit d’un réchauffement instantané qui disparaîtrait avec la suppression des machines, contrairement à l’accumulation du CO2 évité ou de l’éventuel refroidissement de l’Arctique que montrent la plupart des modélisations des effets des éoliennes.
Mais à l’inverse, il convient de mentionner qu’un fossé semble séparer les émissions théoriquement évitées par les productions des éoliennes de celles qui le sont réellement [22], en raison de la dégradation des facteurs d’émission des centrales thermiques chargées de compenser leur intermittence, liée à leurs régimes partiels et à-coups de fonctionnement.
La sénatrice Loisier s’est inquiétée de cette différence entre théorie et pratique, liée à la dégradation des facteurs d’émission des centrales thermiques chargées du suivi de charge de leur intermittence, qu’aucun organisme ne semble en charge d’évaluer. [23]
Pour conclure
Eu égard à l’évolution spatiale des sécheresses actuelles et aux événements climatiques soudains,
laissons les auteurs de notre étude du CNRS conclure eux-mêmes en reprenant la fin de leur communiqué de 2014 : « Dans ce contexte, il est nécessaire de produire de nouvelles études utilisant d’autres modèles et différents scénarios de développement de production d’énergie éolienne pour déterminer précisément quelles seront les conséquences d’un déploiement encore plus massif de l’éolien à l’horizon 2050. Une question essentielle sera d’évaluer les effets d’un doublement voire d’un triplement des puissances étudiées ici, s’agissant de l’ordre de grandeur envisageable dans les quarante prochaines années. »
Ces études devront être comparées avec celles des effets climatiques bénéfiques réels du développement éolien sur le climat, selon chaque contexte local. A long terme car les éoliennes peuvent éviter l’accumulation de CO2, mais aussi à court terme, car les effets de l’évolution des précipitations revêtent déjà un caractère d’urgence, à l’instar de ceux des températures.