En novembre 2024, la France a atteint un nouveau sommet dans l’exportation d’électricité, dépassant le précédent record de 77 térawattheures (TWh) établi en 2002. Selon les données fournies par le Réseau de Transport d’Électricité (RTE), la France a déjà exporté 78 TWh et pourrait, selon les estimations, atteindre entre 85 et 90 TWh d’ici la fin de l’année.
Énergie : la France n’a jamais autant exporté d’électricité !
Ce record s'inscrit dans un contexte où la France, acteur majeur en Europe grâce à son mix énergétique bas carbone, voit ses exportations énergétiques croître sur fond de transition énergétique mondiale.
Exportations d’électricité : un rebond spectaculaire après la crise énergétique
L’année 2023 a marqué un tournant pour la France, qui, après une crise énergétique sévère en 2022, a progressivement rétabli sa capacité d'exportation. Cette crise, marquée par la guerre en Ukraine et des conditions climatiques défavorables, avait contraint la France à importer 16,5 TWh d’électricité en 2022.
En 2024, la situation s’est nettement améliorée grâce à un rétablissement de la disponibilité du parc nucléaire, qui a retrouvé une capacité de production de 47 GW, un niveau encore inférieur aux années 2010, mais suffisamment stable pour soutenir une hausse des exportations.
Année | Importation/Exportation d'électricité | Capacité nucléaire disponible | Énergies renouvelables disponibles |
---|---|---|---|
2022 | Importation nette de 16,5 TWh | Forte réduction (corrosion) | Sécheresse importante |
2023 | Exportation de 50,3 TWh | Rétablissement progressif | Rétablissement de la production |
2024 | Prévision : 85-90 TWh d’exportation | 47 GW, prévue à 50 GW début 2025 | Production éolienne et hydraulique accrue |
Plusieurs éléments expliquent cette hausse. D'abord, la production d'électricité nucléaire, qui reste l'épine dorsale du mix énergétique français, est revenue à un niveau stable grâce à la résolution partielle des problèmes de corrosion qui avaient affecté les réacteurs en 2022. Parallèlement, les énergies renouvelables ont bénéficié d’un contexte climatique favorable : les parcs éoliens, notamment en mer, comme ceux de Fécamp et de Saint-Brieuc, sont pleinement opérationnels, renforçant la capacité de production d’énergie bas carbone.
Les Français consomment moins d’électricité… la France exporte !
L'une des particularités de cette performance record réside dans la baisse de la demande intérieure d’électricité, favorisée par des mesures de sobriété énergétique et l'amélioration de l'efficacité énergétique dans les industries. Depuis 2022, la consommation nationale a baissé de 3,2 %, un déclin qui suit une tendance de plusieurs années, accentuée par les efforts de réduction de consommation initiés lors de la crise énergétique.
Cependant, cette baisse de la demande intérieure n'est pas sans ambiguïté. Elle reflète aussi un ralentissement économique, en particulier dans le secteur industriel, ce qui pourrait compliquer les objectifs de réindustrialisation du pays. Bien que cette sobriété contribue à dégager un surplus pour l’exportation, elle met en lumière une contradiction avec la volonté d'électrification accrue de la France pour atteindre ses objectifs climatiques.
Impact sur les factures des consommateurs
Les consommateurs français pourraient espérer une réduction de leurs factures. Cependant, les effets directs restent limités. Si certaines offres de marché permettent des économies de l’ordre de 20 % par rapport au tarif réglementé, la baisse des coûts pour les consommateurs dépendra de l’évolution globale du marché et de la capacité de la France à maintenir des prix de production compétitifs.
Energie : la France importe plus qu’elle n’exporte
Les revenus générés par ces exportations contribuent positivement à la balance énergétique. Selon les chiffres des douanes, le solde des matières énergétiques a enregistré un excédent de 4 milliards d'euros entre le deuxième et le troisième trimestre 2024, principalement grâce aux exportations d’électricité. Cependant, le déficit annuel reste encore élevé, avec une balance déficitaire de 13 milliards d’euros, largement causée par l’importation de gaz et de pétrole.
Période | Solde matières énergétiques | Exportation d'électricité | Déficit hydrocarbures |
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2e - 3e trimestre | +4 milliards d'euros | 78 TWh | - |
Année 2024 | -13 milliards d'euros | Prévision 85-90 TWh | Importations en hausse |
Les exportations d’électricité contribuent à diminuer ce déficit, mais elles demeurent insuffisantes pour combler totalement les coûts d’importation d’hydrocarbures.
Les perspectives énergétiques pour l’hiver 2024-2025 : entre espoir et prudence
Avec une capacité nucléaire prévue pour atteindre 50 GW en janvier 2025 et des réserves de gaz à 95 % de leurs capacités, les perspectives hivernales apparaissent favorables. RTE anticipe un risque faible pour la sécurité d’approvisionnement, même en cas de vague de froid intense. Cette prévision repose sur la pleine disponibilité des parcs éoliens et solaires, ainsi que sur la capacité des centrales à gaz et à charbon à assurer les pointes de consommation.
Cependant, des conditions climatiques extrêmes, comme une période prolongée sans vent ou un incident dans le parc nucléaire, pourraient compromettre cet équilibre. Dans un tel cas, des mesures d'ajustement et des importations ponctuelles seraient nécessaires pour maintenir l'approvisionnement.
Vers une stratégie durable d’exportation verte ?
Ce record d’exportation témoigne de la résilience de la France face aux crises énergétiques, grâce à un mix énergétique compétitif et bas carbone. Toutefois, la pérennité de cette dynamique repose sur plusieurs facteurs : la stabilité de la demande intérieure, l’essor des énergies renouvelables et l’évolution de la compétitivité des infrastructures de production.
La France semble bien positionnée pour rester un leader européen dans l’exportation d’électricité bas carbone, mais des défis se profilent. La transition vers un modèle énergétique entièrement décarboné exigera des investissements continus dans les infrastructures de production et de distribution, ainsi qu'une capacité à répondre à la demande croissante des voisins européens. Dans cette optique, la modernisation du réseau et le développement de solutions de stockage d'énergie pourraient jouer un rôle pour garantir la stabilité de l'approvisionnement et la compétitivité des exportations françaises.