Alors que l’Europe s’est fixé pour objectif de devenir le premier continent neutre pour le climat d’ici 2050, Turku et Dijon figurent parmi les quelques villes qui cherchent atteindre ce but avec deux décennies d’avance.
Des villes finlandaises et françaises montrent la voie à suivre pour généraliser l’adoption de l’énergie propre en Europe
En 2029, Turku, la ville la plus ancienne de Finlande, célébrera ses 800 ans. À cette occasion, elle espère franchir une autre étape importante: devenir neutre sur le plan climatique. À 2000 kilomètres de là, Dijon, en France, souhaite y parvenir d’ici à 2030.
Ces deux villes participent à la mission «Villes», une initiative de l’UE qui ambitionne de rendre 100 villes neutres pour le climat d’ici la fin de cette décennie. Turku et Dijon sont aussi les membres phares du projet RESPONSE, financé par l’UE, dont le but est d’aider les villes opérer leur transition vers les énergies propres.
Villes expérimentales
«Nous trouvons des moyens inédits d’impliquer différents profils de citoyens», explique David Goujon, coordinateur du projet.
Les trois quarts des citoyens européens vivent en zone urbaine. Au niveau mondial, les villes représentent plus de 65% de la consommation énergétique mondiale et plus de 70% des émissions de gaz à effet de serre. Elles jouent donc un rôle clé dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Des technologies vertes très diverses ont été mises au point, des panneaux solaires jusqu’au quadruple vitrage, mais choisir la combinaison la mieux adaptée aux besoins particuliers d’une ville est loin d’être simple.
Le projet RESPONSE a présenté près de 100 propositions parmi lesquelles les villes peuvent choisir celles qui conviennent le mieux à leur situation. On peut citer en exemple la production de biométhane à partir de boues d’épuration, des thermostats résidentiels prédictifs et des systèmes de ventilation haute performance.
Le projet organise aussi des ateliers et des hackathons afin de sensibiliser les citoyens aux outils d’économie d’énergie disponibles afin de les encourager à moins consommer et de leur permettre de réduire leurs factures.
Des solutions très diverses seront testées à Turku et à Dijon, les deux «villes phares» du projet. Ces travaux serviront de base de travail à six villes «accompagnatrices», Bruxelles (Belgique), Saragosse (Espagne), Botoşani (Roumanie), Ptolemaïda (Grèce), Gabrovo (Bulgarie) et Severodonetsk (Ukraine).
Un des principaux objectifs est de créer des «quartiers à énergie positive» dans ces villes, c’est-à-dire qui produiront plus d’énergie qu’ils n’en consomment. Le but ultime est d’arriver à ce que ces quartiers produisent 20% d’énergie de plus qu’ils n’en consomment par an mais un équilibre positif doit au minimum être atteint.
Différences locales
L’idée est de répondre aux besoins de différents types de villes possédant leurs propres caractéristiques et à différents stades de leur transition vers le développement durable. D’après M. Goujon, de l’European Institute for Energy Research (EIFER), à Karlsruhe, en Allemagne, le but est ainsi de tester ce qui fonctionne auprès des différents types de population.
Avec ses universités et ses quelque 40 000 étudiants, Turku a le profil d’une ville à forte population estudiantine. De son côté, Dijon compte de nombreux foyers à faible revenu issus de nationalités très diverses.
« Nous sommes face à deux mondes très différents », ajoute M. Goujon.
L’équipe du projet RESPONSE espère que Turku et Dijon donneront envie à d’autres villes européennes de suivre leur exemple.
«Nous pourrions dire à la Commission européenne que certaines de ces solutions sont parfaites dans le cas de Dijon et d’autres très efficaces dans la situation de Turku. Les villes accompagnatrices peuvent alors prendre exemple sur elles», indique Monjur Murshed, un des coordinateurs du projet RESPONSE et chef de projet senior pour les communautés neutres pour le climat chez EIFER.
Au cours des six derniers mois, le projet RESPONSE a, entre autres, permis de rénover des bâtiments à Dijon et Turku et d’installer des menuiseries à quadruple vitrage et des technologies solaires.
Dans les deux villes, l’équipe teste différentes solutions de production d’énergie renouvelable adaptées à la communauté. Dans un quartier de Dijon, par exemple, 1 100 habitants participeront au deuxième trimestre 2023 à une initiative visant à produire de l’énergie solaire. Parmi les autres solutions envisagées dans les deux villes figurent un éclairage public intelligent, une infrastructure pour véhicules électriques et des systèmes d’énergie intelligents dans le cloud.
On devrait pouvoir commencer à identifier les solutions qui donnent les meilleurs résultats au cours de l’année à venir. MM. Goujon et Murshed considèrent que les objectifs d’énergie positive du projet pourraient être atteints d’ici 2024.
Achats respectueux de l’environnement
Un projet financé par l’UE intitulé XPRESS a cherché à inciter les urbanistes à davantage utiliser de solutions d’énergie renouvelable en réunissant des PME, les pouvoirs publics et des utilisateurs des technologies.
Parmi les outils développés figurent une base de données référençant les appels d’offres portant sur des solutions d’énergie renouvelable et les projets de marché publics écologiques lancés dans dix pays européens: Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Italie, Norvège, Portugal, Royaume-Uni, Slovaquie et Suède.
La base de données aide les PME à accéder aux appels d’offres portant sur des solutions d’énergie renouvelable. Par extension, elle encourage l’adoption de solutions innovantes par les villes et favorise ainsi des économies d’énergie plus importantes et la réduction des émissions de carbone.
XPRESS a essayé d’inciter les pouvoirs publics à tenir compte de l’impact à long terme des produits sur l’environnement tout au long de leur cycle de vie, et non à fonder leur choix uniquement sur le prix initial des produits.
«Le but est d’amener les pouvoirs publics à rédiger leurs appels d’offres en tenant compte de l’impact réel sur l’environnement dans le coût de l’achat», a déclaré Riccardo Coletta, coordinateur du projet, de l’Agence pour la promotion de la recherche européenne (APRE) à Rome, en Italie. «Lors d’un achat, on ne peut pas se contenter de tenir compte du prix payé pour un service, pour l’énergie ou pour les nouveaux véhicules d’une flotte de véhicules de transport public.»
Et M. Coletta de mentionner les avancées réalisées au niveau du transport électrique par la ville de Braga, au Portugal, qui était déterminée à encourager les mobilités douces grâce au développement de bus tout-électriques, à la promotion de l’utilisation de véhicules électriques et à la mise en place de bornes de recharge.
L’île danoise de Samsø, qui compte 4 000 habitants, est un autre cas notable. En 2007, elle est devenue la première île au monde à utiliser exclusivement des énergies renouvelables. L’implication de la population a joué un rôle clé dans les progrès rapides qu’a connus l’île.
D’après M. Coletta, des zones plus étendues peuvent s’inspirer de ces exemples.
«Une solution pourrait, par exemple, consister à commencer par produire de l’énergie renouvelable en impliquant de petites parties de la population puis à vendre l’énergie à d’autres communautés qui pourraient s’inspirer de cet exemple», indique-t-il. «Le changement est ainsi insufflé par la population elle-même.»
Les recherches réalisées dans le cadre de cet article ont été financées par l’UE. Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.
MISSION EUROPÉENNE: 100 VILLES NEUTRES POUR LE CLIMAT ET INTELLIGENTES D’ICI À 2030
Le 28 avril 2022, la Commission a communiqué les noms de 100 villes de l’UE qui participeront à la mission de l'UE visant à rendre 100 villes neutres pour le climat et intelligentes d'ici à 2030 (la mission «Villes»).
Ces 100 villes seront de véritables pôles d’expérimentation et d’innovation. Elles œuvreront pour une transformation dans les domaines de la protection de l’environnement, du numérique et de l’inclusion. Les collectivités locales, régionales et régionales, les citoyens, les entreprises et les investisseurs uniront leurs forces pour rendre des secteurs tels que l’énergie, le bâtiment, la gestion des déchets et les transports neutres pour le climat d’ici à 2030.
Ces 100 villes modèles seront de véritables pôles d’expérimentation et d’innovation et inciteront toutes les villes d’Europe à suivre leur exemple à l’horizon 2050.
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Mission européenne: Villes neutres pour le climat et intelligentes