La Cour des comptes de France publie ce mardi 12 mars 2024 son rapport annuel scrutant la trajectoire économique du pays en termes de déficit, de dette et autres. Or, l’institution émet de sérieuses réserves sur les ambitions et la solidité de cette trajectoire, spécialement concernant le déficit public et l’adaptation aux défis environnementaux.
Déficit : l’austérité annoncée est déjà insuffisante pour la Cour des Comptes
Déficit public : le manque d’ambition du gouvernement
Le rapport critique fortement la trajectoire du déficit public présentée par le gouvernement dans la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027. La Cour des comptes juge cette trajectoire « peu ambitieuse » et « fragile », soulignant trois faiblesses majeures : un scénario macroéconomique jugé trop optimiste dès 2024, un retour tardif du déficit public sous le seuil des 3% du PIB prévu seulement pour 2027, et des efforts de maîtrise des dépenses qualifiés d'inédits mais non documentés, renvoyés à la période 2025-2027.
Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, a mis en garde contre un respect incertain de l'objectif de déficit public à 4,4% du PIB pour 2024, malgré les récentes coupes budgétaires de dix milliards d'euros. La trajectoire gouvernementale, selon lui, manque d'ambition et intègre un déficit croissant de la Sécurité sociale, ne laissant aucune marge de manœuvre en cas de scénario économique moins favorable. « Cet objectif est loin d'être acquis ! La nouvelle de prévision de croissance à 1% pour 2024 reste toujours significativement supérieure au consensus. Nous partirons en outre d'un niveau bien plus élevé pour le déficit 2023. Enfin, les recettes décevantes de 2023 risquent de peser sur 2024 par effet de base », explique-t-il dans un entretien accordé au journal Les Echos. « L'objectif d'un déficit de 4,4% exigera sans doute des mesures d'économies supplémentaires. »
France : la dette explose et atteint de nouveaux records
L'analyse met également en exergue la charge croissante de la dette, qui devrait augmenter de dix milliards d'euros entre 2023 et 2024, atteignant 57 milliards d'euros. « Notre situation décroche non seulement par rapport aux pays traditionnellement vertueux comme l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche, mais aussi par rapport au Portugal, dont la dette publique est désormais inférieure à 100% du PIB. » La dette devrait en effet atteindre 109,7% du PIB en 2024 et 108,1% en 2027.
Et Pierre Moscovici prévient : pour réussir, le gouvernement devra chercher encore des économies, et même « des efforts d’économies sans précédent dans l’histoire récente ». Selon la Cour des Comptes, ce sont 50 milliards d’euros d’économies que l’exécutif devrait réussir à faire sur la période 2025-2027.
Comment ? C’est toute la question. Si pour Pierre Moscovici « il n’y a pas de secteur totalement sanctuarisé », ce qui signifie que des coupes pourraient encore être prévues au niveau des dépenses sociales, il n’est pas contre mettre à contribution les plus riches. « Cela n'empêche pas de jouer de la fiscalité comme d'un instrument de redistribution. Ou de lancer des prélèvements exceptionnels, temporaires - qui ne sont pas un « ISF vert » - comme pouvait l'envisager le rapport Pisani-Mahfouz. La Cour n'a pas à s'exprimer sur l'opportunité d'un tel choix, mais, à titre personnel, je pense que le débat mérite au moins d'être posé », déclare-t-il aux Echos.
Le gouvernement n’est pas prêt pour le changement climatique
Par ailleurs, le rapport ne se limite pas à une critique des prévisions budgétaires et de la gestion de la dette. Il adresse également un sérieux avertissement sur l'approche du gouvernement vis-à-vis du changement climatique. La Cour reconnaît une prise de conscience mais déplore l'absence d'une action publique cohérente, transparente et efficace en matière d'adaptation au changement climatique, notant un « kaléidoscope de réponses » souvent non articulées et critiquant le rôle de l'État qui ne parvient pas à définir clairement des objectifs et des trajectoires pour les atteindre.