Défense : 4 Français sur 10 ne veulent pas que leur épargne soit utilisée pour faire la guerre

Alors que la souveraineté européenne et la sécurité nationale s’invitent dans les débats politiques, l’investissement dans l’industrie de la défense divise les Français.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 19 mars 2025 à 10h37
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defense-francais-epargne-utilisee-pour-guerre - © Economie Matin
70 %70 % des Français estiment que le financement de la défense doit être une priorité.

La montée des tensions géopolitiques et la possible remise en question de l’engagement américain en Europe poussent la France à repenser le financement de sa défense. Si une majorité de Français soutient un renforcement budgétaire, les modalités de financement restent controversées. Deux initiatives récentes illustrent ces dynamiques : l’étude de La France Mutualiste, qui dresse un état des lieux de l’opinion publique, et le lancement du fonds Sienna Héphaïstos, destiné aux PME et ETI du secteur.

Une priorité budgétaire qui fait consensus

Le sondage mené par La France Mutualiste, en partenariat avec l’IFOP, met en lumière le fait que 70 % des Français estiment que le financement de la défense doit être une priorité. Une majorité de 63 % juge même nécessaire d’augmenter les dépenses militaires, notamment pour assurer l’autonomie stratégique du pays.

Toutefois, les nuances apparaissent rapidement. Si l’augmentation des budgets de défense est plébiscitée, 37 % des sondés conditionnent cette hausse à une coopération européenne renforcée. L’idée d’un effort isolé de la France divise. Quant aux réticences, elles concernent principalement le risque de cannibalisation budgétaire : 50 % des Français acceptent un effort financier, mais pas au détriment de secteurs essentiels comme la santé et l’éducation.

L’industrie de la défense elle-même est perçue comme un secteur clé pour l’économie et l’emploi. Trois Français sur quatre reconnaissent son rôle stratégique.

Financer la défense : un casse-tête français

Si le financement public fait relativement consensus, le financement privé soulève de vifs débats. L’idée d’un produit d’épargne dédié à la défense divise quasiment à parts égales : 44 % y sont favorables, contre 43 % d’opposants. L’extension du Livret A à la défense recueille 47 % d’opinions favorables, mais 43 % des sondés refusent cette perspective, préférant que ces fonds continuent de financer le logement social et les infrastructures locales.

Quant aux assurances vie, 42 % des Français accepteraient que leurs contrats investissent dans les entreprises du secteur de la défense, tandis que 45 % rejettent catégoriquement cette idée. Un rejet encore plus net concerne la réforme des retraites : 16 % des Français accepteraient de partir plus tard à la retraite pour financer la défense, tandis que 60 % s’y opposent fermement.

Certaines options de financement rencontrent davantage de soutien. La création d’un livret d’épargne spécifique dédié à la défense recueille 61 % d’opinions favorables. L’idée d’encourager les assureurs vie à investir dans ce secteur est validée par 42 % des sondés. Enfin, la création d’un emprunt d’État séduit 39 % des Français. Ces chiffres traduisent un besoin de pédagogie : la défense reste un sujet sensible, et les Français réclament des garanties de transparence et d’efficacité avant de voir leur épargne ou leur fiscalité impliquées dans l’effort national.

Le pari de Sienna Héphaïstos : financer la défense autrement

Face à cette équation complexe, Sienna Investment Managers propose une alternative : un fonds de dette privée, Sienna Héphaïstos, visant à mobiliser entre 500 millions et 1 milliard d’euros auprès d’investisseurs institutionnels. Ce fonds, qui bénéficie du soutien de La France Mutualiste, entend accompagner les PME et ETI du secteur, indispensables à la montée en puissance de la Base industrielle et technologique de défense (BITD).

L’objectif de ce fonds est de répondre à un besoin bien identifié : les sous-traitants de la défense manquent souvent d’accès au financement classique. Or, avec l’augmentation des carnets de commande liée aux nouvelles orientations stratégiques, ces entreprises doivent investir rapidement dans leurs capacités de production. Sienna Héphaïstos se positionne donc comme une source de financement sécurisé adaptée aux exigences spécifiques du secteur.

L’approche de ce fonds repose sur un encadrement strict, garantissant un financement encadré et transparent. Classé article 8 du règlement SFDR, il doit obligatoirement intégrer des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), ce qui l’oblige à privilégier des entreprises respectant certaines normes de durabilité et à exclure les activités interdites par les traités internationaux signés par la France et l’Italie.

Son objectif est clair : sécuriser un financement adapté aux besoins de production et d’innovation des entreprises de la BITD. Pour Laurent Dubois, Managing Director de la dette privée chez Sienna IM, la nécessité d’un financement privé est indiscutable. Selon lui, « Sans attendre de décision politique, réglementaire ou législative, la mobilisation de tous les acteurs financiers est vitale pour la sécurité et la paix en Europe ».

Défense et ESG : une équation possible ?

Autre question clé : le financement de la défense peut-il être compatible avec les principes de durabilité et de responsabilité sociale (ESG) ? Sur ce point, l’opinion publique reste partagée. Plus de la moitié des Français, soit 53 %, estiment qu’il est possible de concilier industrie de défense et critères ESG, mais sous certaines conditions. Parmi ces conditions figurent un encadrement strict des investissements, une transparence accrue sur l’utilisation des fonds, ainsi que l’inclusion de critères ESG, comme l’innovation technologique ou la réduction de l’empreinte carbone. L’emploi en France est également une préoccupation majeure pour ceux qui jugent la compatibilité envisageable.

Autrement dit, l’acceptabilité sociale du financement de la défense dépendra fortement de la capacité des acteurs financiers et publics à concilier sécurité et responsabilité économique. Sans cela, le financement du secteur pourrait se heurter à des résistances durables au sein de l’opinion publique.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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