Les forces de l’ordre locales face aux crypto-criminels

À mesure que de nouveaux cas d’utilisation sur le Web3 émergent et que la réglementation autour de cette classe d’actifs naissante se met en place, les cryptomonnaies sont progressivement adoptées par le grand public. Cependant, l’adoption croissante des cryptomonnaies va de pair avec l’augmentation de la crypto-criminalité.

Gurvais Grigg (1)
Par Gurvais Grigg Publié le 13 février 2023 à 7h14
Entreprises Acceptant Cryptomonnaies
Les forces de l’ordre locales face aux crypto-criminels - © Economie Matin
44%La valeur du Bitsoin a chuté de 44% en un an au 13 février 2023.

La crypto-criminalité à son paroxysme en 2022

Du plus petit trafic de drogue au grand réseau de blanchiment d’argent, l'utilisation des crypto-actifs se répand dans le milieu de la criminalité traditionnelle. Bien que l'utilisation légitime des cryptomonnaies dépasse largement l’utilisation criminelle, la croissance de cette classe d'actifs dans son ensemble entraîne une forte augmentation de la valeur brute en euros des transactions illicites en cryptomonnaies.

On pense souvent à tort que la lutte contre la criminalité liée aux cryptomonnaies concerne uniquement les grandes agences nationales chargées de faire respecter la loi ou les unités d'élite de cybercriminalité. Cela s'est effectivement avéré pour des affaires où la sécurité nationale était en jeu, comme l'attaque par ransomware contre l’hôpital de Corbeil-Essonnes ou les attaques de ransomware des hackers russes de Lockbit qui ont publié des données personnelles de centaines de patients. En revanche, il ne faut pas oublier que ce type de criminalité fait des victimes aux profils divers et variés dans le monde entier. Pour y faire face, les organisations locales peuvent prendre des mesures immédiates en s’appuyant sur les bons outils.

Les conséquences monétaires et humaines désastreuses des escroqueries aux cryptomonnaies

Les escroqueries constituent la plus grande forme de crypto-criminalité et touche des millions de personnes, y compris des utilisateurs qui ont peu d’argent de côté. Au sein des marchés émergents, la situation peut être encore pire. Les arnaques familièrement appelées "dépeçage de porcs", qui combinent des stratégies d'escroquerie amoureuse et de fausses opportunités d'investissement, font des victimes dans le monde entier dont les escrocs eux-mêmes. Les auteurs de ces escroqueries sont parfois victimes de la traite d’êtres humains organisée par de puissants réseaux criminels qui les forcent à passer de longues heures à escroquer des résidents de pays plus riches.

Contrairement à l’idée reçue, il n'est pas nécessaire d'être un expert en cybercriminalité pour analyser ces arnaques. Avec les bons outils, il est possible de partir d’une information facilement accessible, telles que l'adresse de cryptomonnaie d'une victime, pour obtenir des informations nécessaires à une assignation à comparaître dans le but de démasquer l'escroc. L'objectif de tout escroc est de convertir les fonds volés en monnaie fiduciaire mais cela ne peut se faire que par le biais de plateformes d’échanges de cryptomonnaies centralisées. Or celles-ci sont soumises à des procédures de conformité en matière de lutte contre le blanchiment d'argent (Anti Money Laundering - AML) et de connaissance du client (Know Your Customer - KYC). Ainsi, les forces de l'ordre peuvent citer la plateforme d’échange à comparaître pour savoir qui contrôle cette adresse et, par la suite, user de techniques d'investigation plus traditionnelles. Les enquêteurs peuvent également utiliser des solutions d'analyse de la blockchain pour traquer les acteurs malveillants et tenter de récupérer les fonds des victimes, mais aussi identifier les autres victimes potentielles pour déterminer dans quelle mesure la fraude est répandue. Toutes les affaires n’étant pas aussi simples, il est nécessaire que les enquêteurs aient accès à la formation et la connaissance des principes fondamentaux de la cryptomonnaie.

Comment les forces de l'ordre locales peuvent-elles d'enquêter sur les crimes liés aux cryptomonnaies ?

Les arnaques ne sont pas la seule forme de crypto-criminalité à laquelle les forces de l'ordre locales doivent faire face. Les cybers attaquants ayant recours aux ransomwares ciblent fréquemment les écoles, les hôpitaux et d'autres infrastructures critiques. Malgré les mesures prises par les gouvernements pour lutter contre les activités illicites, ces dernières sapent la confiance dans les cryptomonnaies, déstabilisent les villes et coûtent beaucoup d'argent aux entreprises. En 2019, l'OCLCTIC (Office chargé de la cybercriminalité de la police judiciaire française) a saisi 674 bitcoins dans une affaire de piratage d'une plateforme de cryptomonnaies mettant fin à une certaine forme d'impunité des crypto-criminels en France. Depuis, en France, de nombreuses affaires impliquant des cryptomonnaies ont été résolues par les services d'enquête, comme en septembre 2020 où un réseau de financement du terrorisme utilisant des coupons prépayés en bitcoins vendus dans les bureaux de tabac a été démantelé montrant que cet actif n'est plus seulement utilisé par les cybercriminels. En octobre dernier, un hacker de 33 ans impliqué dans le ransomware Lockbit a été arrêté au Canada. Cette enquête menée par le FBI, Europol, la Gendarmerie royale du Canada et la gendarmerie française a démontré qu'il était possible d'obtenir des résultats sur des problématiques complexes impliquant l'utilisation de cryptomonnaies grâce à l'amélioration constante des outils d'investigation et à une meilleure connaissance de l’écosystème. Dans le même temps, de plus en plus d'unités régionales ont été confrontées à des cas d'utilisation de cryptomonnaies dans le cadre de délits mineurs.

La diversité et l'impact de ces menaces soulignent l'importance de la formation à l'analyse de la blockchain pour les forces de l'ordre locales et régionales. Les criminels causent des milliards de dollars de dommages chaque année et leur utilisation des cryptomonnaies est susceptible de s'intensifier tant ils adoptent constamment les dernières technologies pour leurs attaques. De plus, malgré la volatilité du marché, les cryptomonnaies représentent l’avenir avec un nombre d’utilisateurs qui augmentent continuellement mais elles créent de nouvelles opportunités pour les acteurs malveillants. Ainsi, si les agences locales souhaitent enquêter efficacement sur les affaires liées à la cryptomonnaies, elles doivent disposer des bons outils, des bonnes données et d’une formation adéquate.

Une réaction ? Laissez un commentaire

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre Newsletter gratuite pour des articles captivants, du contenu exclusif et les dernières actualités.

Gurvais Grigg (1)

Global Public Sector Chief Technology Officer, Chainalysis

Aucun commentaire à «Les forces de l’ordre locales face aux crypto-criminels»

Laisser un commentaire

* Champs requis