Congés payés et arrêts maladie : au tour du Conseil constitutionnel de se prononcer

Alors que l’ensemble des entreprises françaises attendent avec impatience l’action du gouvernement ou du législateur sur la question de l’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie suite aux arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre dernier, hasard du calendrier, c’est désormais au Conseil constitutionnel qu’il revient de se pencher sur cette question.

Dbuisson
Par Diane Buisson Publié le 2 décembre 2023 à 9h00
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congés payés, arrêt maladie, conseil constitutionnel - © Economie Matin
32%32% des arrêts de travail sont liés à la fatigue.

Une salariée en arrêt pour maladie simple du 10 novembre 2014 au 30 décembre 2014, puis pour accident du travail du 31 décembre 2014 au 13 novembre 2016 et à nouveau pour maladie simple du 19 novembre 2016 au 17 novembre 2019, s’est vu refuser par la Cour d’appel de Bourges l’octroi du paiement d’une indemnité de congés payés de quatre semaine pendant la durée de suspension de son contrat de travail.

Dans le cadre du pourvoi formé contre cette décision, la salariée a déposé deux questions prioritaires de constitutionnalité, visant à contester la conformité des textes du Code du travail en matière de congés payés et de maladie à la Constitution française. Par une décision du 15 novembre dernier, la Cour de cassation a accepté de transmettre ces deux questions au Conseil constitutionnel, la constitutionnalité des dispositions du Code du travail visées n’ayant jamais encore été tranchée. (Cass. Soc. QPC 15 novembre 2023 n°23-14.806)

  • Première question : le fait de priver le salarié en arrêt maladie de l’acquisition de congés payés est-il conforme au droit au repos ?

Le 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 dispose que : Elle [La Nation] garantit à tous, notamment à l’enfant, la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence”.

Sur ce fondement le Conseil de constitutionnel a déjà reconnu la valeur constitutionnelle du droit au repos par une décision du 13 janvier 2000 (n°99-423 DC), principe qui a été utilisé pour valider la réforme des 35 heures ou pour reconnaitre le droit au repos hebdomadaire. Ce principe constitutionnel a également été utilisé par la Cour de cassation pour construire sa jurisprudence sur le forfait en jours.

Dans ses décisions le Conseil constitutionnel souligne que le législateur peut choisir les modalités qui lui paraissent le plus appropriées pour garantir ce droit au repos, le Conseil constitutionnel devant uniquement vérifier que les modalités retenues ne sont pas manifestement inappropriées à la finalité poursuivie.

Le Conseil constitutionnel va donc devoir ici vérifier si le fait de priver le salarié en arrêt maladie de l’acquisition de congés payés est inappropriée à garantir le droit au repos du salarié.

  • Seconde question : Pour l’acquisition des droits à congés payés des salariés dont le travail de travail est suspendu en raison de la maladie, le fait d’opérer une distinction selon l’origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie (les salariés en maladie professionnelle continuent d’acquérir des congés pendant une année), est-il une rupture d’égalité devant la loi ?

Il s’agit ici pour le Conseil constitutionnel de se prononcer sur le principe d’égalité devant la loi qui doit être « la même pour tous » conformément à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

De façon constante, le Conseil constitutionnel juge que le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte « soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». (CC 11 octobre 2018 n°2018-738 QPC)

Sur ce fondement le Conseil constitutionnel avait notamment abrogé les dispositions du Code du travail selon lesquelles le licenciement pour faute lourde était privatif de l’indemnité à congés payés car cette disposition ne s’appliquait pas aux salariés dont l’employeur était affilié à une caisse de congés payés (dans le bâtiment notamment) ce qui revenait à traiter différemment des salariés se trouvant dans une situation identique (licenciés pour faute lourde).

Le Conseil constitutionnel va donc devoir trancher la question de savoir si la distinction entre un salarié en arrêt pour maladie non professionnel et un salarié en arrêt pour maladie professionnelle ou accident du travail se trouvent dans des situations différentes permettant un traitement différent.

La réponse du Conseil constitutionnel à ces deux questions, qu’il devra rendre sous trois mois, n’est pas évidente, et l’alignement sur les décisions rendues récemment n’est pas acquis.

En effet, le Conseil constitutionnelle devant se pencher uniquement sur un contrôle de constitutionnalité (conformité à la constitution) et en aucun cas sur un contrôle de conventionnalité (droit européen), il n’est donc en aucun cas lié par les décisions européennes et les arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre dernier.

En revanche si le Conseil constitutionnel venait à décider de l’inconstitutionnalité des textes litigieux, il contraindrait le législateur à devoir très rapidement modifier le Code du travail sur ces questions.

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Dbuisson

Diane est associée au sein du département Droit social du cabinet Redlink qu’elle a rejoint dès sa prestation de serment en octobre 2011. Elle intervient en droit social, tant en conseil qu’en contentieux. Elle conseille les clients du cabinet sur toutes les questions relatives à législation en droit du travail et en protection sociale, sur des questions relatives tant aux relations individuelles que collectives de travail. Ses analyses sont régulièrement publiées dans la presse juridique française.

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