Climat : les crédits carbone ne servent strictement à rien

Les crédits carbone sont souvent présentés comme une solution miracle pour lutter contre le changement climatique. Cependant, une analyse de la Science Based Targets Initiative (SBTi) révèle une réalité bien plus sombre : ces mécanismes de compensation sont non seulement inefficaces, mais ils posent également des risques considérables pour les entreprises qui tentent d’atteindre la neutralité carbone.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 1 août 2024 à 7h30
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crédits carbone, inutilité, climat, réchauffement climatique, entreprise, argent - © Economie Matin
32 EUROSLe prix moyen d'un crédit carbone est de 32 euros.

Qu’est-ce que les crédits carbone ?

Les crédits carbone sont des certificats achetés par les entreprises pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Ces crédits sont générés par le financement de projets censés réduire ou éviter les rejets de GES, comme la prévention de la déforestation. En théorie, un crédit carbone équivaut à une tonne de CO2 évitée ou absorbée. Mais en réalité, ces crédits ne sont que des « certificats de papier » qui permettent aux entreprises de continuer à polluer tout en se donnant une image verte.

Elon Musk, patron de Tesla, en a fait son gagne-pain. Pendant des années, avant que Tesla ne devienne un constructeur confirmé, l’entreprise revendait des crédits carbone à d’autres sociétés, profitant du fait que sa production de voitures électriques était moins polluante. En 2020, Tesla a ainsi gagné 1,7 milliards de dollars en vendant des crédits carbone ce qui lui a permis de réaliser son premier bénéfice net de seulement… 700 millions de dollars. Un bénéfice donc uniquement lié à ces crédits inutiles.

Crédits carbone : l’évaluation sans concession de la SBTi

La Science Based Targets Initiative (SBTi) a publié fin juillet 2024 un rapport cinglant sur l’efficacité des crédits carbone. Après une analyse minutieuse de la littérature scientifique et des preuves disponibles, la SBTi conclut que « de nombreux types de crédits carbone sont inefficaces » et qu’ils représentent des « risques » pour les entreprises. Aucune « caractéristique ou condition opérationnelle associées à des projets ou des crédits carbone efficaces » n’a été identifiée par les experts.

Selon Doreen Stabinsky, membre du conseil technique de la SBTi, « cette évaluation des preuves de l'efficacité des crédits carbone renforce ce que nombre de scientifiques disent depuis des décennies : les crédits carbone, quels qu'ils soient, ne devraient pas être utilisés pour compenser des émissions provenant des énergies fossiles. »

Des risques majeurs pour les entreprises qui veulent agir pour le climat

Les entreprises qui s’appuient sur les crédits carbone pour atteindre leurs objectifs climatiques se trouvent dans une position vulnérable. Non seulement ces crédits ne contribuent pas réellement à la réduction des émissions, mais ils peuvent aussi freiner la transition vers des pratiques plus durables. En misant sur ces mécanismes de compensation, les entreprises risquent de ralentir leurs efforts pour adopter des technologies propres et des processus moins polluants.

De plus, la SBTi a connu une vive contestation interne en avril 2024, lorsque l’organisation a envisagé d’autoriser les entreprises à utiliser des crédits carbone pour compenser leurs émissions indirectes de GES. Cette proposition a été critiquée par les ONG et les employés de la SBTi.

Que faut-il changer ?

Pour lutter efficacement contre le changement climatique, il est impératif de revoir en profondeur l’approche des crédits carbone. Les entreprises doivent être encouragées à réduire directement leurs émissions plutôt que de s’appuyer sur des mécanismes de compensation. Ce qui implique des investissements dans les technologies vertes, l’adoption de pratiques durables et une transition vers les énergies renouvelables.

Il est également essentiel de renforcer la réglementation et la transparence autour des crédits carbone. Les projets doivent être rigoureusement évalués et certifiés pour garantir qu’ils offrent des réductions réelles et vérifiables des émissions de GES.

Les crédits carbone : une illusion verte et dangereuse

Les crédits carbone, loin d’être la solution miracle qu’ils prétendent être, se révèlent être une illusion dangereuse. En perpétuant l’idée que l’on peut compenser les émissions sans changer les pratiques, ces mécanismes freinent la véritable transition écologique nécessaire pour sauver notre planète. Il est temps de remettre en question cette façade verte et de s’engager dans des actions concrètes et ambitieuses pour réduire nos émissions à la source.

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Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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