Cancer du sein : une variante agressive déclenche une campagne de recherche

Le cancer du sein triple négatif est une forme difficile à traiter qui représente 15 % du nombre total des cas. Certaines chimiothérapies, qui stimulent le système immunitaire ou qui provoquent l’implosion des cellules tumorales, ouvrent des perspectives de rémission.

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Par Horizon Publié le 5 janvier 2023 à 6h19
Cancer Du Sein Triple Negatif Recherche
Cancer du sein : une variante agressive déclenche une campagne de recherche - © Economie Matin
15%15% des cancers du sein sont de type triple négatif.

Le cancer du sein est un des cancers les plus fréquents chez les femmes. Rien qu'en Europe, il cause près de 92 000 décès par an. Bien que ce chiffre soit incontestablement élevé, les taux de survie s'améliorent. Les avancées en matière de prévention, de détection et de traitement assurent à une patiente une chance de survie de 90 %..

Mais une variante particulièrement agressive va à contre-courant de cette tendance : le cancer du sein triple négatif (TNBC), ainsi dénommé en raison de l'absence de trois types de protéines cellulaires. Les tumeurs de cette catégorie représentent environ 15 % des cas de cancer du sein et s’accompagnent d’un pronostic bien plus défavorable que pour les autres types de cancer.

Triple difficulté

Les tumeurs se développent plus rapidement, se généralisent plus fréquemment avant d'être découvertes et sont plus susceptibles de réapparaître après leur traitement. Sans compter qu’une résurgence du TNBC dans d'autres organes est souvent synonyme de mort précoce, faisant chuter les taux de survie à 11 %.

Il n'existe actuellement aucun traitement spécifique au cancer du sein triple négatif. Ce type de cancer exige généralement l'ablation chirurgicale de la tumeur, puis l’administration d'un cocktail de médicaments de chimiothérapie connus pour leur efficacité contre d'autres types de cancer. Mais les résultats sont souvent aléatoires et temporaires.

« Après un certain temps, le corps produit généralement des défenses contre ce cocktail qui cesse d'être efficace », a expliqué le docteur Andreia Valente, coordinatrice d'un projet financé par l'UE visant à rechercher des traitements contre le cancer du sein triple négatif. « Lorsque cela se produit, la tumeur devient généralement multirésistante, ce qui signifie qu'elle ne répond à aucun autre type de traitement de chimiothérapie, et le cancer devient alors très agressif. »

Le docteur Valente, qui travaille à l'université de Lisbonne au Portugal, et sa partenaire de recherche, le docteur Helena Garcia, coordonnent CanceRusolution, une initiative Women TechEU d'un an qui se terminera fin mai 2023.

Métaux rares

Les travaux se concentrent sur le ruthénium, un métal rare, blanc argenté, connu pour être correctement assimilé par le corps humain. D'après les premières expériences, il semble que le médicament à base de ruthénium mis au point par l'équipe du projet stoppe la croissance des cellules du cancer du sein triple négatif et les empêche de se propager.

Une deuxième série d'essais, cette fois sur des animaux, devrait bientôt démarrer. Parallèlement, les chercheurs analyseront le profil de sécurité du médicament pour s'assurer de sa toxicité pour les cellules cancéreuses et de son innocuité pour le reste de l'organisme.

La chimiothérapie est connue pour ses effets secondaires particulièrement sévères, allant des nausées et d’un manque d'appétit jusqu’à l'épuisement et la perte des cheveux. Ces effets sont dus au fait que les médicaments qui s'attaquent aux cellules à croissance rapide d'une tumeur tuent généralement aussi des cellules saines.

Les premiers résultats obtenus par CanceRusolution suggèrent qu'un médicament à base de ruthénium provoquerait moins d'effets secondaires chez les patientes, les cellules saines semblant ne pas être affectées.

« Jusqu'à présent, sur le plan de la toxicité, le médicament semble satisfaisant », a indiqué le docteur Garcia. « Nos études révèlent que 24 heures après l'administration du médicament, la concentration du composé reste élevée dans la tumeur, mais qu'elle a pratiquement disparu dans le sang environnant et dans l'urine. Ce qui veut dire que les effets secondaires de notre médicament devraient être limités. »

Caractéristiques des cellules

Une cellule mammaire saine est remplie de récepteurs, à savoir des protéines exprimées à la surface de la cellule. Ces récepteurs permettent à la cellule de réagir aux hormones (par exemple, en se développant pendant la grossesse) et à d'autres molécules vitales qui contrôlent la croissance, la division et la réparation de la cellule.

La plupart des cellules cancéreuses possèdent également des récepteurs. Pour établir un diagnostic précis, un clinicien analysera un échantillon de tissu mammaire malade afin de découvrir quels récepteurs (appelés biomarqueurs dans ce contexte) sont exprimés.

On trouve généralement trois biomarqueurs dans les tumeurs mammaires. Des médicaments ont donc été mis au point pour les cibler tous les trois.

Mais le cancer du sein triple négatif est un cas particulier. Il ne possède aucun de ces biomarqueurs et, par conséquent, ne laisse entrevoir aucun moyen d’empêcher la tumeur de se développer.

L'approche du cheval de Troie

Le médicament mis au point par l'équipe portugaise contourne ce problème en l'administrant sous la forme d'une nanoparticule qui pénètre dans la tumeur par le biais d’anomalies au niveau du système d'approvisionnement en sang de la tumeur. Une fois à l'intérieur, il s'ouvre, à la manière d'un cheval de Troie, pour libérer l'ingrédient actif.

Il cible un composant complètement différent des cellules du cancer du sein triple négatif, le cytosquelette, le réseau complexe de filaments protéiques interconnectés qui remplit l'intérieur de la cellule et joue le rôle d’échafaudage.

« Le médicament détruit alors les fondations de la cellule », a déclaré le docteur Garcia. « Si son cytosquelette n’est pas fonctionnel, la cellule n'a aucun moyen de survivre. Elle se désintègre. »

Grâce à un nouveau financement, les chercheurs pensent que leur médicament pourrait être prêt pour des essais sur l’humain d'ici deux ans.

Groupe hétérogène

Considérer le cancer du sein triple négatif comme un seul type de cancers du sein serait trop simpliste, puisqu’il s'agit en réalité d'un groupe de cancers très diversifié.

Les chercheurs ne disposent toutefois d’aucune classification des sous-types de ce groupe. Une telle approche leur permettrait pourtant d'identifier de nouveaux biomarqueurs qui, on l'espère, ouvriraient la voie à de nouveaux traitements personnalisés.

La classification des patientes en fonction du caractère précis de leur tumeur et la recherche de nouvelles cibles pour les traitements du cancer du sein triple négatif sont au cœur d'un autre projet financé par l'UE, intitulé P70-IMMUNEBREAST.

Au terme de l'étude de 350 échantillons de tissus cancéreux, les chercheurs du projet ont mis au point un système de classification basé sur la quantité de « kinases », à savoir une enzyme et un autre biomarqueur du cancer, exprimée par une tumeur.

De précédentes recherches ont démontré la présence d’un type particulier de kinases, dénommé P70S6K, à des niveaux élevés dans les tumeurs du cancer du sein triple négatif.

« Ce qui nous intéresse, c'est le lien entre cette kinase et la réponse immunitaire de l'organisme », a expliqué le docteur Rebeca Jimeno, chercheuse. « Les tumeurs se développent dans notre corps et, lorsque tout va bien, notre système immunitaire les reconnaît et les détruit. »

La question est de savoir pourquoi ce système échoue parfois.

Les aspects de l'immunité

Le docteur Jimeno, qui travaille au Centre national espagnol de recherche sur le cancer, a découvert que lorsque des niveaux élevés de kinases P70S6K sont exprimés, le nombre de cellules B est plus faible dans une tumeur.

Les cellules B reconnaissent, infiltrent et finissent par détruire les cellules cancéreuses. En d'autres termes, la P70S6K permet au cancer de se cacher du système immunitaire et de se développer sans être dérangé.

L'une des prochaines étapes de la recherche consiste à trouver un inhibiteur approprié pour cette kinase.

« Des médicaments sont à l'essai, mais je pense qu'il faudra quelques années avant d'en trouver un qui soit bien toléré par l'organisme », a précisé le docteur Jimeno.

Elle garde l'espoir qu'un remède sera un jour trouvé.

« Nous avons déployé des efforts considérables pour trouver une solution à ce besoin, et je suis convaincue que nous y parviendrons, en avançant pas à pas dans nos recherches », a-t-elle conclu.

Les recherches réalisées dans le cadre de cet article ont été financées par le biais des Actions Marie Skłodowska-Curie (MSCA) de l’UE. Ce document a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.    

Plus d’infos

Consultez les liens ci-dessous pour en savoir plus:

CanceRusolution

Women TechEU

P70-IMMUNEBREAST

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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