La hausse des marchés au premier trimestre a été suivie d’un mois d’avril plus agité. Comme la météo, les marchés peuvent être capricieux. Plusieurs facteurs ont rendu l’environnement géopolitique et économique plus complexe le mois dernier.
Bourse et marchés : Après la pluie, le beau temps ?
Premièrement, le conflit au Moyen-Orient a été source de volatilité. Bien que les marchés estiment qu’une guerre frontale entre Israël et l’Iran pourra être évitée, le prix du pétrole s'est rapproché de son plus haut niveau depuis un an et le prix du gaz a bondi. Dans une région qui produit 35 % du pétrole exporté à travers le monde et 14 % du gaz mondial, les effets d’une possible perturbation de la production sont une préoccupation majeure. Cependant, contrairement aux épisodes précédents, et même si les prix variaient brutalement en réaction aux événements géopolitiques, les producteurs de pétrole pourraient exploiter les abondantes capacités inutilisées afin de relancer la production sans tarder, ce qui contribuerait à atténuer l’impact de cette situation. Notre scénario central est qu’une escalade majeure des tensions dans la région et une augmentation soutenue des prix du pétrole semblent peu probables. Nous nous attendons à une stabilisation du prix du pétrole, aux alentours de 91 dollars/baril en septembre 2024 et à 87 dollars/baril en décembre.
Graphique 1. Le risque géopolitique a soutenu la hausse du prix du pétrole
Prix du pétrole en dollars/baril
Deuxièmement, dans un contexte d'inflation globalement élevée, les marchés s’interrogent sur les conséquences d’une hausse des prix du pétrole sur l’économie en général. Au risque géopolitique s’ajoute donc le risque économique. Les investisseurs ont commencé à intégrer la possibilité que l’économie américaine puisse faire face à un scenario de stagflation, scénario qui serait synonyme d'une forte inflation et d'une croissance atone. Ce scenario nous semble peu probable. L’examen de l’ensemble des données depuis la fin du quatrième trimestre 2023 montre une économie qui se redresse et non qui stagne. Bien que la croissance américaine ait ralenti au premier trimestre, le PIB des Etats-Unis s'est établi à 1,6% en rythme annualisé, contre 3,4% au quatrième trimestre 2023. Les détails du rapport montrent que la croissance est bien plus forte par rapport à ce que le chiffre suggère. Les dépenses de consommation ont augmenté de 2,5 %, soit moins que prévu, mais il s’agit tout de même d’une solide augmentation. La consommation de services a augmenté de 4 %, son plus haut niveau depuis le T3 2021, tandis que les biens de consommation ont baissé de 0,4 %, pénalisés par la baisse des ventes de véhicules. L’investissement non résidentiel et l’investissement résidentiel ont également augmenté à un bon rythme. En revanche, les inventaires et les exportations nettes ont impacté négativement la croissance trimestrielle. Les dépenses publiques ont également ralenti, passant à 1,2 % comparé à 4,6 % lors du trimestre précédent.
Dernièrement, la hausse du prix du pétrole et les chiffres d’inflation supérieurs aux attentes ont contribué à la récente remontée des taux. Les investisseurs n’attendent plus des baisses de taux aux États-Unis pour cette année. Les bons du Trésor américain se traitent désormais à 4.6%, 70 points bases de plus par rapport au niveau en début d’année. Encore une fois les investisseurs s’inquiètent que la remontée des taux puisse avoir un impact négatif sur les investissements et la consommation des ménages. En réalité l’économie américaine est aujourd’hui moins sensible aux taux d’intérêts. A la différence de la plupart des économies d’Asie et d’Europe, l’économie américaine est essentiellement une économie de services. Les secteurs tels que les technologies de l’information, les voyages, la santé, le divertissement, les services financiers, la logistique ou le commerce en ligne ont moins d’intensité capitalistique que l’industrie. Les prestataires de services ont besoin de moins d’usines et de machines financées par l’emprunt. À cet égard, l’économie américaine se distingue de celle de la Chine ou de l’Allemagne, voire de l’économie américaine de la période du premier retournement des taux de 1979-1980, qui était alors plus gourmande en capital.
En conséquence, même après un retour de la volatilité sur les marchés, notre scénario de référence d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine reste inchangé avec une probabilité d’occurrence de 60 %. La croissance économique devrait ralentir cette année, et l’inflation renouer progressivement avec une tendance baissière. Nous ne voyons pas l’économie américaine entrer en récession. La Réserve fédérale (Fed) devrait ainsi être en mesure de commencer à réduire ses taux en septembre. Quant au conflit au Moyen-Orient, il devrait, selon nous, rester contenu. Dans ce scénario, le S&P 500 pourrait, selon nous, atteindre les 5200 en fin d’année et le rendement des bons du Trésor à 10 ans revenir vers 3,85% à mesure que les investisseurs intègreront un cycle de baisse des taux de la Fed plus conséquent l’an prochain. Dans ces conditions, les obligations de qualité devraient afficher un profil risque-rendement attrayant.
Un scénario baissier (probabilité à 20 %) pourrait se matérialiser si les investisseurs venaient à redouter une surchauffe de l’économie américaine. Dans ce scénario, une croissance « trop forte » de l’économie américaine et les inquiétudes autours de la politique budgétaire des États-Unis pousseraient le rendement des bons du Trésor à 10 ans vers les 6%. Dans ce cas, le S&P 500 retomberait, selon nos estimations, à 4400 et une allocation à des actifs alternatifs serait alors sans doute essentielle pour stabiliser les portefeuilles.
Notre scénario haussier (probabilité à 20 %) correspond à une situation de désinflation marquée aux États-Unis et d’anticipations positives quant à la croissance de l’intelligence artificielle (IA). Ce scénario suppose un certain optimisme des investisseurs pour ce qui est des perspectives de l’IA, le maintien d’une croissance américaine solide et un retour de l’inflation sur une trajectoire baissière. Dans un tel scénario, le S&P 500 pourrait grimper jusqu’à 5500 (même avec des bons du Trésor à 10 ans à 5%) sur fond de croissance des bénéfices supérieure aux attentes.