L’intelligence artificielle (IA) excite les investisseurs. Peut-être un peu trop. Une dynamique familière refait surface, rappelant de mauvais souvenirs aux plus anciens observateurs. Mais l’histoire se répète-t-elle vraiment ?
Bourse : face à l’IA, l’ombre d’un krach façon dot-com se profile

La bourse tremble. En ce mois de mars 2025, vingt-cinq ans presque jour pour jour après l'effondrement de la bulle internet, les spéculations sur l’intelligence artificielle provoquent une onde de choc sur les marchés. Le Nasdaq 100 a effacé plus de 10 % en quelques semaines, tandis que les capitalisations géantes vacillent. Une question hante les analystes : sommes-nous en train de rejouer le cauchemar de l’an 2000 ?
Quand la Bourse regarde son passé : retour sur un krach oublié
À l’époque, c’était l’euphorie et puis la catastrophe. En mars 2000, la bulle internet a éclaté, entraînant une chute de 78 % du Nasdaq en l’espace de deux ans. Des entreprises sans chiffre d’affaires s’échangeaient à des milliards de dollars, jusqu’au jour où la réalité les a rattrapées. « Le Nasdaq Composite a culminé le 10 mars 2000. Trois ans plus tard, il avait perdu près de 80 % », rappelait Business Insider dans un article relayé par AOL le 16 mars 2025.
Ce traumatisme est encore vivant. Aujourd’hui, la montée en puissance de l’intelligence artificielle ravive les craintes : bulles spéculatives, valorisations déconnectées, engouement collectif. Les indices boursiers donnent des signes d’essoufflement : 13 % de baisse pour le Nasdaq en un mois selon Business Insider, avec des pertes de 10 à 12 % pour les poids lourds comme Nvidia, Apple ou Meta.
La Bourse et l’IA : euphorie programmée ou excès contrôlé ?
« Je pense que nous sommes passés de la peur à la cupidité. Et quand la cupidité s’installe, les valorisations deviennent indistinctes », a déclaré Vinod Khosla (Khosla Ventures) dans Economic Times, le 24 mars 2025. Voilà qui résume bien l’état psychologique des investisseurs.
La comparaison est tentante : capitalisations démesurées, engouement pour une technologie encore en maturation, valorisations futures qui font fi des réalités comptables. L’explosion de l’IA a généré une augmentation de plus de 22 000 milliards d’euros en capitalisation depuis fin 2022, selon Mitrade. Mais certains y voient des différences fondamentales. « Ce n’est pas une bulle. Dans une vraie bulle, tout le monde gagne de l'argent. Ce n’est pas le cas aujourd’hui », tempère Brian Belski (BMO) dans Business Insider, cité le 16 mars 2025. Il rappelle que le marché des introductions en bourse (IPO) est atone, et que les valorisations sont soutenues par des profits bien réels, comme ceux de Nvidia, dont le bénéfice net a augmenté de 788 % depuis 2023.
Bulles, IA et Bourse : quand la peur de manquer provoque la chute
Un parfum d’anxiété plane pourtant sur les places financières. L’indice S&P 500 a lui aussi fléchi. Les experts évoquent l’effet FOMO – fear of missing out –, qui pousse les gestionnaires d’actifs à surinvestir dans les valeurs IA, comme l’avaient fait leurs prédécesseurs pour les .com.
« La bulle dot-com avait raison sur la promesse technologique. Mais elle est arrivée avec 10 ou 15 ans d’avance. Aujourd’hui, la technologie est là », affirme Giuseppe Sette (Reflexivity), relayé par AOL. Autrement dit, même si l’IA est tangible, son évaluation boursière pourrait être trop rapide, trop précoce, trop... exagérée.
Et les signaux se multiplient. Ted Mortonson (Baird) évoque les phases classiques d’un cycle boursier : enthousiasme, complaisance, inquiétude, panique. « Nous sommes actuellement dans la zone de pré-panique. Le marché va encore se replier début avril, avec des résultats décevants et des perspectives revues à la baisse », prévient-il.
L’histoire ne se répète jamais à l’identique, mais elle bégaie. L’intelligence artificielle est une révolution industrielle, comme l’a été Internet. Mais sur les marchés, la frontière entre anticipation visionnaire et emballement irrationnel est toujours aussi mince. Ceux qui l’oublient pourraient, encore une fois, payer le prix fort.