L’ampleur inédite des plans pilotés par l’Union européenne (plus de 2 000 milliards d’euros sur 5 ans) prépare la transition vers l’économie de demain et devrait soutenir la croissance européenne à moyen terme.
L’impact des plans d’investissement européens sur la croissance sera encore plus important qu’attendu
L’Europe ne devrait pas échapper à une récession au tournant de l’année, à tout le moins dans le secteur industriel. L’économie doit absorber un choc énergétique inflationniste dans un contexte de ralentissement de la demande mondiale et de normalisation monétaire. Mais cette récession sera limitée notamment grâce aux soutiens budgétaires, le plus souvent ciblés sur les populations les plus vulnérables et sera suivie d’une reprise modérée à la faveur de l’atténuation des chocs. Après une année 2023 que l’on pourrait qualifier « d’année blanche » en termes de croissance, l’Europe devrait pouvoir bénéficier de perspectives de croissance favorables à moyen terme portées par des plans d’investissement exceptionnels.
La succession de crises ces dernières années a clairement révélé le besoin d’investir massivement : les tensions commerciales sino-américaines ont alerté sur les besoins d’investissements technologiques ; ensuite, la crise Covid et la guerre en Ukraine ont souligné la nécessité d’améliorer notre indépendance stratégique (sur les plans sanitaire, énergétique, alimentaire et militaire) ; enfin, les accidents climatiques ont rappelé l’urgence de la transition environnementale.
La crise sanitaire en mars 2020 a rendu nécessaire d’amplifier les efforts d’investissement réalisés à l’occasion du plan Juncker de 2015 (315 milliards d’euros) et prévus par le programme Invest EU de 2020 (500 milliards d’euros). Le Plan de relance pour l’Europe - Next Generation EU (NGEU) - voit ainsi le jour en juillet 2020 et l’UE convient alors d’investir plus de 800 milliards d’euros pour transformer l’économie européenne. La pièce maîtresse de Next Generation EU est le Fonds de Facilité pour la Reprise et la Résilience (FRR). Pour rappel, cet instrument propose des subventions et des prêts pour soutenir les réformes et les investissements dans les Etats membres de l’UE, dont la valeur totale s’élève à 724 milliards d’euros. Pour recevoir ces fonds, les Etats doivent élaborer des plans budgétaires décrivant la manière dont ils vont investir, tout en respectant les priorités de l’UE (transition verte et numérique notamment). Le reste des fonds de Next Generation EU – NGEU- (environ 83 milliards d’euros) est versé aux Etats membres par plusieurs programmes dont Invest EU afin de promouvoir l’investissement à moyen terme et de renforcer l’effet de levier. Ce principe de garantie budgétaire pour générer de l’investissement privé a déjà fait ses preuves via le Plan Juncker entre 2015 et 2018 et le relai pris par le programme Invest EU contribuera également à mobiliser des investissements privés en faveur des priorités de l’Union européenne, telles que le pacte vert et la transition numérique.
Impulsion publique et prise de conscience des acteurs économiques
Plus concrètement encore, la transmission des fonds européens (FRR) à l’économie réelle en Italie est particulièrement notable. Les dépenses d’investissement sont actuellement 20 points au-dessus de leur niveau d’avant crise Covid (graphe 1). L’Italie est le principal bénéficiaire du FRR avec presque 200 milliards d’euros de dotations (69 mds de subventions et 123 mds de prêts) et la part réservée à l’investissement est dominante (2/3 du montant, graphe 2).
Le plan NGEU associé au budget « classique » à long terme de l’UE de 1 200 milliards d’euros constitue ainsi un paquet inédit de mesures pour relancer l’investissement jamais financé en Europe. Cette dernière dispose ainsi de plus de 2000 milliards d’euros au total sur 5 ans pour reconstruire son économie de l’après-Covid et effectuer l’ensemble des transitions nécessaires à sa transformation.
Notre scénario peu consensuel d’un « boom sur l’investissement » à moyen terme repose donc d’une part sur les montants colossaux mis sur la table par l’UE et d’autre part sur la prise de conscience de l’ensemble des acteurs économiques (Etats, entreprises et banques centrales) de la nécessité d’allonger l’horizon et d’accélérer les transitions et de ce fait d’investir massivement via une impulsion publique.