La finance responsable : faut-il choisir entre le cœur et la raison ?

Comment la finance peut-elle être plus vertueuse ?

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Par Sébastien Bonte Publié le 5 mars 2023 à 12h29
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La finance responsable : faut-il choisir entre le cœur et la raison ? - © Economie Matin
87%87% des consommateurs français désirent investir dans des modes de livraisons plus soucieux de l’environnement.

Face aux scandales qui ternissent le monde de la finance, nul ne conteste aujourd’hui qu’il faut qu’elle soit durable et permette des « Investissements Socialement Responsables » (ISR). Et nous pouvons nous réjouir de l’avènement en cours des critères extra-financiers pour évaluer non seulement la performance financière d’un investissement mais aussi ses impacts Environnementaux, Sociaux et dans une bonne Gouvernance (ESG).

Mais ce qu’on oublie, c’est que la finance n’est qu’un outil, celui qui permet d’utiliser l’argent. Et un outil n’a pas à être responsable ! C’est à l’individu qu’il faut s’adresser, au financier donc, car c’est la personne qui peut développer une éthique dans l’usage et la finalité de l’outil. Si des critères tels l’ESG, l’ISR et autres normes de taxonomie peuvent aider à réguler et encadrer, il faut aller plus loin. Ne pourrait-on pas évaluer la finance durable avec une autre grille de lecture ?

C’est ainsi que nous proposons de revenir aux personnes et aux quatre vertus cardinales qui peuvent animer tout un chacun : la prudence, le courage, la justice et la tempérance. Inspirantes en ce qu’elles forment un tout, ces quatre vertus pourraient être un référentiel qualitatif, une boussole morale pour le financier.

A notre sens, deux vertus étroitement liées doivent être particulièrement remises en avant dans notre sujet : celle de justice et celle de tempérance. En effet, le rendement exigé et l’appétit généré par l’argent – l’avidité – peuvent conduire à nier la justice, celle-là même qui garantit de prendre soin des personnes : collaborateurs, fournisseurs, clients… Au-delà d’un certain niveau de profit, il convient de se demander : n’est-on pas dans l’excès ? À qui « profite » le profit ? C’est la tempérance qui doit nous inciter à prendre des décisions qui ne soient pas uniquement fondées sur la maximisation de la rentabilité et ainsi garder une certaine forme de sobriété, complétée par la vertu de justice qui nous aide à prendre en considération les personnes concernées par la décision.

Dans le capital investissement, ce sont plus de 10 milliards qui sont investis chaque année dans notre pays. Or, le capital risque ne permet de flécher que 1 milliard vers les jeunes entreprises innovantes. Ce que cela nous montre, c’est une posture des investisseurs, celle de l’intérêt pour la gestion de l’argent qui, avec le moins de risque possible, génère des intérêts les plus élevés possibles. Ce raisonnement qui priorise toujours le rendement n'est pas compatible avec la prise de risque et l’attention portée à autrui. Si dans la finance, on ne manque pas de courage, c’est la prudence poussée à l’extrême qui empêche la prise de risque - qui mériterait d’ailleurs d’être davantage encouragée et remerciée par les pouvoirs publics. Car cette prise de risque, c’est d’abord le courage de faire confiance à mon alter égo, l’entrepreneur, pour lâcher prise sur mes certitudes et m’engager sur un chemin où rien n’est certain. Mais cette vertu de courage doit être doublée de celle de prudence, pour alors faire preuve de discernement et permettre les conditions d’un investissement sain avec cœur et raison.

Si les vertus cardinales sont des renforts éclairants, elles ne peuvent s’appliquer qu’à des personnes. Or, le système aujourd’hui n’évalue les vertus des financiers qu’après coup, et essentiellement en cas de chute comme l’ont démontré la crise de 2008 ou plus récemment le scandale des maisons de retraite.

En plus des vertus cardinales, nous proposons deux lignes directrices qui peuvent nous guider en amont d’un investissement.

Finance = bénéfice, mais lequel ? Et au profit de qui ?

Revenir à l’étymologie nous permet de comprendre ce que doit être la finance responsable : bénéfice vient du latin bene et facere qui signifie bien et faire. On peut donc revenir à la définition littérale du beneficium qui signifie le bienfait. Or, ces dernières décennies, les financiers ont malheureusement limité la notion de bénéfice à celle comptable du résultat et donc des profits générés. Alors que les financiers doivent se demander plutôt quels « bienfaits » ils génèrent, et au profit (pro facere – faire pour) de qui !

Pour garder cette question en tête, il faut se rappeler que l’argent est un outil et non la finalité ou autrement dit, que l’argent doit rester serviteur et ne pas devenir le maître. Pour lui conserver cette place, il faut sortir des systèmes spéculatifs et anonymes, pour revenir à un usage en circuit court qui matérialise une transaction, celle-ci restant un échange entre des personnes.

Aujourd’hui, le lien entre finance et bien commun est souvent mis en avant. Il s’agit alors de concentrer les investissements dans des activités à impact et dans des secteurs en lien avec l’avenir de notre humanité : notre santé, notre alimentation, notre environnement, notre habitat ou notre éducation. Mais ces biens communs évitent souvent de parler de la place centrale qu’est le bien des personnes. Et de la visée que nous, financiers, devons avoir en permanence de contribuer à la dignité et l’épanouissement des personnes sur l’ensemble de leurs dimensions : matérielle, sociale, intellectuelle, culturelle et même – dimension essentielle et fondatrice souvent mise sous le tapis, spirituelle. C’est en tant que personnes, attentives au soin d’autres personnes, que les investisseurs peuvent être des investisseurs responsables et apporter leur pierre à la construction d’une société plus juste et plus durable.

Les vertus cardinales peuvent donc être la boussole proposée aux financiers qui doivent générer des « bénéfices » pour les personnes. Pour finir, nous emprunterons à la pensée sociale chrétienne l’attention aux plus fragiles comme l’aiguille qui montre le nord. Mais au-delà du partage des richesses financières créées, qui inclue une redistribution philanthropique et solidaire, nous pensons que c’est surtout en consacrant du temps, donc en étant en contact et relation avec des personnes vulnérables que l’investisseur deviendra responsable et trouvera son vrai bonheur, son propre épanouissement personnel… Et chacun contribuera alors d’autant plus à une finance qui jouera son rôle de colibri au service du bien commun !

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président fondateur de ANGELOR

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