La coalition gouvernementale en Allemagne en place depuis décembre 2021 souhaitait apporter un nouveau rythme à la transition énergétique de ce pays (« energiewende ») : c’est raté !
« Energiewende » : l’Allemagne « kaputt » ?
Le désastre constaté va-t-il s’amplifier jusqu’à l’effondrement ?
Des objectifs hors d’atteinte
L´atteinte des objectifs de l´accord de Paris sur le climat a été considérée comme la priorité absolue. Un approvisionnement en électricité climatiquement neutre était visé d´ici 2035, ainsi que l’accélération de la sortie de la production d´électricité à partir du charbon pour, « dans l´idéal », l´avancer à 2030 (alors qu’elle est actuellement prévue pour 2038)
La crise énergétique, née de la guerre en Ukraine, a changé la donne car l´Allemagne a été soudainement sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante. Les prix de l´énergie ont atteint des niveaux records et favorisé considérablement l´inflation qui a dépassé les 10%.
Presque 300 milliards d’euros ont été injectés pour soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile. Face à la menace d´une pénurie d´énergie, le gouvernement a appelé à la sobriété énergétique. La consommation d´énergie primaire a ainsi baissé de presque 5% par rapport à 2021.
La consommation de gaz a certes chuté de 15%, mais en revanche, celles des autres énergies fossiles a augmenté (3% pour le pétrole, 4,8% la houille et 5,1% le lignite), alors que la consommation d´énergie primaire reculait de 4,7% (3,9% corrigée des variations climatiques) par rapport à 2021 pour atteindre son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée.
Au total, la proportion des énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, houille et lignite) dans la consommation d’énergie primaire a augmenté de 77% en 2021 à 79% en 2022.
Des émissions de CO2 qui stagnent
En conséquence, les émissions de gaz à effet de serre stagnent au niveau de 2021 malgré une baisse de la consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables.
L´objectif national pour 2022 ne sera donc pas atteint alors que l´objectif climatique affiché pour 2030 est une diminution de 65% d´émissions par rapport à 1990.
La consommation d´électricité recule de 3,1% par rapport à 2021 (atteignant le niveau de l´année 2020 marquée par la Covid) à cause principalement du ralentissement économique et de la hausse des prix.
Si la part de la production d´électricité à partir du gaz baisse à 13,5% (15,4% en 2021), en revanche la part du couple lignite-houille augmente à 31,9% (28,3% en 2021) à cause de la réactivation courant 2022 des centrales à charbon en réserve.
La part du nucléaire baisse à 6% contre 11,8% en 2021 suite à la fermeture volontaire de 4 GW de capacités nucléaires fin 2021.
Des exportations vers… la France
Le solde exportateur d´électricité augmente pour la première fois depuis 2017 à presque 27 térawattheures (TWh) contre 19 TWh en 2021. Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et… du charbon en Allemagne, ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe.
Notamment, le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021, alors que depuis des années la France était exportatrice nette vers ses voisins.
Les objectifs de développement des énergies renouvelables à l´horizon de 2030 ont été fortement rehaussés par rapport au gouvernement sortant. Les 360 gigawatts visés nécessitent un quasi triplement de leur puissance déjà installée fin 2022 au cours des huit prochaines années… et la construction de nouvelles centrales à gaz !
Ça va mal finir…
Suite à la menace de pénurie d´énergie, née de la guerre en Ukraine, des mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité ont été prises : prolongation du fonctionnement des trois dernières centrales nucléaires jusqu´à mi-avril 2023, et réactivation « temporaire » des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´à fin mars 2024… tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon en 2030.
Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent car si l’Allemagne appliquait vraiment ses objectifs, sans le gaz russe et le charbon / lignite pour compenser les productions fatales intermittentes des éoliennes et autres panneaux photovoltaïques, elle serait rapidement « kaputt »…