L’UE peut jouer un rôle majeur dans la lutte conjointe contre les menaces écologiques et sociales : Sandrine Dixson-Declève

Confrontée à des crises environnementales, géopolitiques et économiques, l’Europe est en mesure d’exercer un véritable leadership dans les domaines de la neutralité climatique et de l’égalité sociale, estime une conseillère occupant un poste clé.

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Par Horizon Publié le 30 décembre 2022 à 6h18
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L’UE peut jouer un rôle majeur dans la lutte conjointe contre les menaces écologiques et sociales : Sandrine Dixson-Declève - © Economie Matin
8%8% de la population de l'UE ne peut pas se chauffer convenablement.

Alors que le changement climatique s'accélère, l'Union européenne peut servir de guide pour préserver l'équité sociale dans la transition vers une énergie propre, estime une conseillère haut-placée de l'UE.

Sandrine Dixson-Declève, présidente du groupe d'experts de la Commission européenne sur l'impact économique et sociétal de la recherche et de l'innovation (ESIR), a déclaré que les pays de l'UE sont bien placés pour démontrer qu’il est possible d’abandonner les combustibles fossiles tout en luttant contre la pauvreté. Selon elle, aucun de ces deux objectifs ne doit être atteint au détriment de l'autre.

Fronts multiples

« Le modèle social des pays de l’UE est globalement bien meilleur que celui de la plupart des pays du monde », a déclaré Mme Dixson-Declève, également coprésidente du groupe de réflexion mondial Club de Rome, dans un entretien accordé ce mois-ci. « Nous savons que le contrecoup social pourrait être énorme si nous ne nous montrons pas prudents. Le populisme pourrait progresser. »

La fréquence et la gravité croissante des vagues de chaleur, des tempêtes et des inondations liées au réchauffement de la planète obligent le monde à agir dans l’urgence sur plusieurs fronts.

Les efforts portent principalement sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre des centrales électriques, des usines, des bâtiments et des transports, qui sont à l'origine de la crise. Le grand public s’intéresse de plus en plus à la question de l'adaptation au changement climatique, à savoir s'accoutumer aux effets du changement climatique contre lesquels il est déjà trop tard pour lutter.

Mais un troisième besoin, souvent négligé, consiste à garantir la paix sociale à mesure que les économies délaissent le pétrole, le gaz naturel et le charbon au profit de sources d'énergie renouvelables telles que l’énergie éolienne et solaire.

Même au sein de l'UE, relativement prospère, la « pauvreté énergétique » reste endémique. Selon Eurostat, environ 35 millions de personnes, soit 8 % de la population de l'UE, n'étaient pas en mesure de chauffer leur logement de manière adéquate en 2020.

Bien que les menaces associées au changement climatique soient généralement abordées en termes de seuils environnementaux susceptibles de déclencher des perturbations encore plus décisives, l'impact sur les sociétés se manifestera avant que ces « points de non-retour » ne soient atteints, selon Mme Dixson-Declève.

« Certes, les points de non-retour environnementaux seront atteints, mais ce sont les points de non-retour sociaux qui exploseront et nous empêcheront de nous impliquer dans nos sociétés d'une manière saine, stable et pacifique », a-t-elle précisé.

Écologique et social

L’Europe a pour ambition de devenir le premier continent neutre pour le climat d’ici 2050. Pour parvenir à cet objectif, l'UE a décidé de porter à 55 % au moins son objectif de réduction des émissions à l’horizon 2030, contre les 40 % précédemment convenus, par rapport aux niveaux de 1990.

L'objectif plus strict de 2030 s’inscrit dans un paquet de projets législatifs européens sur le climat, appelé « Fit for 55 » (« Ajustement à l’objectif 55 »), que la Commission a proposé dans le courant de l’année 2021. Il s'agit d'un pilier du « Pacte vert pour l'Europe » visant à rendre l'économie de l'UE plus durable, plus compétitive et plus inclusive.

« Les filets de protection sociale dont nous disposons actuellement sont importants, mais la tâche de l'UE sera de conserver son statut de leader mondial en ce qui concerne la prise en compte conjointe des questions écologiques et sociales », a affirmé Mme Dixson-Declève.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, il y a dix mois, l'UE n’a eu de cesse de remédier à sa dépendance aux combustibles fossiles russes. Pour y parvenir, la Commission a dû passer à la vitesse supérieure au niveau de certains éléments du Pacte vert, notamment en augmentant les parts de marché des énergies renouvelables et les fonds européens consacrés à la transition énergétique.

Compte tenu de l'embargo imposé par l'UE sur le charbon et le pétrole russes et de la baisse sensible des importations de gaz en provenance de Russie, les responsables politiques s'inquiètent de l'éventualité d'une pénurie d'énergie en Europe cet hiver. Sans compter que l'inflation est élevée dans l'ensemble de l'UE et que l'économie européenne s'affaiblit.

« La situation est grave sur le plan de la pauvreté énergétique. Ceci va se traduire par une pauvreté dans les transports », a ajouté Mme Dixson-Declève.

C'est dans ce contexte qu'un débat s'est ouvert dans les cercles politiques européens pour déterminer si l'UE doit débloquer davantage de fonds pour aider les États membres à atteindre leurs objectifs écologiques.

Les partisans d’une augmentation des fonds citent en exemple le programme de financement européen sans précédent intitulé NextGenerationEU, décidé par les chefs de gouvernement à la fin de 2020 afin de surmonter le marasme économique causé par la pandémie de Covid-19 et de renforcer la résilience.

« Chèque de solidarité »

Mme Dixson-Declève ne laisse aucun doute sur sa position.

« Dans des moments de tension comme ceux que nous connaissons actuellement, il sera probablement judicieux que nous unissions nos forces, dans toute l'Europe, pour faire en sorte de mobiliser de nouveaux fonds », a-t-elle expliqué. « J'ai plaidé pour un paquet européen, c'est-à-dire un paquet pour les citoyens, que nous pourrions qualifier de « chèque de solidarité » ou de « paquet financier de solidarité ». Il permettrait aux citoyens de se sentir soutenus non seulement par leur pays, mais aussi par l'UE. »

Toujours selon Mme Dixson-Declève, la réussite de ces efforts dépendra de la capacité à réguler la façon dont les prix des combustibles fossiles prendront en compte leurs coûts environnementaux et à faire en sorte que les énergies renouvelables deviennent plus accessibles.

« Ce que nous devons faire, c'est prouver aux gens que les énergies les moins chères peuvent être respectueuses de l’environnement », a-t-elle ajouté. « Nous devons relever les structures de prix de façon que les externalités soient réellement comptabilisées. »

Mme Dixson-Declève estime que le défi majeur sous-jacent consiste pour les gouvernements à repenser les approches traditionnelles de l'économie fondées sur le produit intérieur brut et la croissance du PIB.

Elle préconise de donner plus de poids aux indicateurs de « bien-être », allant des soins de santé à l'éducation, estimant que ceux-ci déterminent la résilience économique réelle et correspondent à ce qui intéresse le plus les citoyens en général.

Alors que l'UE progresse dans la mise en œuvre de son Pacte vert et s'efforce d'inciter le reste du monde à lui emboîter le pas, les gouvernements européens ont là une occasion cruciale de consolider l'économie européenne et de montrer l'exemple, estime-t-elle.

« Il est temps de concrétiser nos engagements », a-t-elle lancé. « Le moment est venu non seulement d'assurer une bonne gouvernance, mais aussi de comprendre ce que veulent les citoyens. »

LES DÉCLARATIONS DE SANDRINE DIXSON-DECLÈVE…

Dans son interview, Sandrine Dixson-Declève s'est également exprimée sur le sommet des Nations unies sur le climat qui s'est tenu le mois dernier (COP27), sur les relations commerciales de l'UE et sur les perspectives d'une gouvernance économique du « bien-être » qui ne se limiterait pas à la croissance du PIB. Voici quelques extraits de ses propos :

COP27

« Je suis déçue des résultats de la COP. En ce qui concerne les négociations, je n'ai pas l'impression que, mis à part le mécanisme financier "pertes et dommages", nous ayons beaucoup progressé. »

« J'ai notamment été très déçue que la proposition de l'Union européenne d'éliminer progressivement les énergies fossiles n'ait pas été acceptée. »

« Nos efforts demeurent insuffisants, tant en termes de rapidité que d'ampleur, pour créer le changement dont nous avons besoin en matière de décarbonisation. »

« Il est impératif que les gouvernements prennent des engagements plus ambitieux. »

Politiques climatiques et commerciales de l'UE

« L'UE doit faire preuve d'audace et poursuivre son engagement en faveur de ses objectifs relatifs au Pacte vert. »

« Cela nécessitera probablement des négociations plus directes et plus fermes avec la Chine, les États-Unis et d'autres pays. »

« L'Europe doit assumer une position de leadership ferme en ce qui concerne ses relations avec l'Afrique », en visant un « échange de connaissances » et un « échange technologique » afin d'aider le continent africain « à se réorienter de manière à pouvoir continuer à se développer économiquement et à sortir ses habitants de la pauvreté, tout en le faisant d'une manière décarbonée. »

Ne pas se limiter au seul PIB

« Nos enquêtes ont révélé que 74 % des citoyens du G20 souhaitent évoluer vers une économie du bien-être et je ne doute pas que les gouvernements commencent à y réfléchir et à examiner de nouveaux indicateurs. »

« Les approches gouvernementales du bien-être sont celles qui prennent réellement en considération la résilience réelle de leurs systèmes. »

« La priorité est accordée à l'éducation, à l’aide sociale, aux conditions de vie, en particulier dans le domaine des soins de santé. »

« Je pense que ce type d’approche fait son chemin, que cela commence vraiment à bouger dans ce domaine dans différents pays. »

« De nouvelles idées émergent dans le monde entier, et je trouve cela fascinant. »

Pour en savoir plus, consultez les liens ci-dessous:

Article en anglais de la revue Horizon: Going beyond GDP to measure what really matters (Ne pas se limiter au PIB pour mesurer ce qui compte vraiment)

Ce document a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.    

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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