Plusieurs éléments ont contribué en novembre à un regain d’intérêt pour les actifs risqués et à la progression des obligations gouvernementales. D’une part, les investisseurs sont de plus en plus convaincus que le cycle de resserrement monétaire est désormais plus proche de sa fin que son début. D’autre part, les autorités chinoises ont confirmé qu’un assouplissement de leur stratégie zéro-Covid était désormais à l’ordre du jour malgré la nouvelle flambée de l’épidémie.
Cette semaine sur les marchés : les surprises de l’Avent
L'hypothèse du « pivot » des politiques monétaires explique le regain des actifs risqués en octobre et novembre (+14 % en deux mois pour les actions mondiales) mais le cycle de resserrement n'est pas terminé, notamment parce que l'emploi reste dynamique, en particulier aux Etats-Unis.
Le rapport publié le 2 décembre 2022 a d'ailleurs surpris à la hausse : les créations nettes d'emploi en novembre sont ressorties à 263 000 et les salaires ont nettement accéléré. En glissement annuel, le salaire horaire moyen des employés chargés de production et sans fonction d'encadrement a atteint 5,8 % (contre 5,6 % en octobre), un rythme trop élevé pour envisager le retour durable de l'inflation vers l'objectif de 2,0 %. En octobre, la mesure de l'inflation privilégiée par la Fed (à savoir le déflateur des dépenses privées de consommation hors alimentaire et énergie – core PCE) s'est inscrite à 5,0 %. Avec 392 000 créations nettes d'emploi par mois en moyenne depuis le début de l'année, le dynamisme du marché du travail reste exceptionnel.
Les variations des marchés entre le 1er et le 7 décembre illustrent une certaine perplexité des acteurs et, vraisemblablement, de nouveaux ajustements après les mouvements violents enregistrés en novembre. En une semaine, les actions mondiales ont perdu 3,0 % (indice MSCI AC World en dollars) et les actions émergentes ont reculé de 2,0 % malgré la poursuite de la hausse des actions chinoises (+1,3 % pour le MSCI China en dollars). Le taux américain à 10 ans s'est détendu d'une dizaine de points de base pour se diriger vers 3,40 %, à son plus bas niveau en près de 3 mois. La parité EUR/USD s'est stabilisée au-dessus de 1,05, soit son plus haut depuis fin juin.
Un consensus pour une récession en 2023
Les économistes du secteur privé sont très nombreux à anticiper une récession aux Etats-Unis et dans la zone euro au cours des douze prochains mois. La dégradation des enquêtes d'activité en novembre va dans ce sens avec un indice PMI composite mondial (enquête auprès des directeurs des achats dans le secteur manufacturier et les services) passé de 49 à 48, soit son plus bas depuis juin 2020.
Dans ces enquêtes, la seule nouvelle encourageante est le recul des pressions inflationnistes en amont du processus de production. Les tenants d'un scénario très noir suggèrent que cette évolution pourrait refléter le tassement de la demande mondiale mais les indices de prix à la consommation ont, bel et bien, commencé à s'infléchir. Il semble désormais acquis que le pic de l'inflation est passé mais la hausse des prix va rester élevée dans l'absolu, à un niveau incompatible avec les objectifs de stabilité des prix des banques centrales.
Un pivot ou des pivots ?
Le rythme de la remontée des taux directeurs va ralentir et le discours des banques centrales va devenir moins agressif dans les prochaines semaines. La Réserve fédérale américaine (Fed) a déjà clairement indiqué que la prochaine hausse de ses taux directeurs ne serait que de 50pb (après quatre hausses successives de 75pb).
Lors de sa conférence de presse du 14 décembre, Jerome Powell présentera les nouvelles prévisions en matière de croissance, d'inflation et d'emploi ainsi que le niveau de taux directeurs jugé « approprié » par les membres du comité. Nous savons déjà que les prévisions de taux seront plus élevées que celles présentées en septembre. Le Président de la Fed aura peut-être à cœur de commenter la détente des conditions financières observée depuis et qui est de nature à contrecarrer l'action restrictive de la Fed.
Le Conseil des Gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) se réunit le 15 décembre. Malgré quelques hésitations face à une inflation de 10 % en novembre, les plus récents commentaires (Gouverneur de la Banque de France, Gouverneur de la Banque centrale d'Irlande) sont venus valider l'hypothèse d'une hausse de 50pb à cette occasion tout en rappelant que les décisions se prendraient réunion après réunion et qu'il conviendra de mettre en place une politique monétaire restrictive, à savoir des taux directeurs au-dessus de 2,00 %, soit le niveau auquel le taux de dépôt devrait être porté le 15 décembre.
De son côté, le Conseil de politique monétaire de la Banque du Canada (BoC), qui s'est réuni le 6 décembre, a remonté son taux directeur de 50pb (à 4,25 %). Le consensus penchait pour une hausse de 25pb seulement mais la BoC a mis fin à sa forward guidance (indication sur l'orientation future de la politique monétaire) qui prévoyait une poursuite de la hausse des taux. Elle a indiqué qu'à l'avenir « le Conseil évaluera s'il est nécessaire de relever encore le taux directeur pour ramener l'offre et la demande en équilibre et l'inflation à la cible ».
Conséquences sur nos portefeuilles
Les investisseurs sont en train de réajuster leurs positions en préparation de la nouvelle année qui devrait être placée sous le signe d'une récession modérée (que le comportement des indices actions et les perspectives bénéficiaires ne reflètent pas encore) et d'une désinflation lente (peut-être déjà trop largement prise en compte par les investisseurs).
Il est toutefois difficile de déceler de fortes convictions derrière ces mouvements. Par exemple, l'ampleur de la récente détente des rendements obligataires interroge alors que le resserrement monétaire devrait se poursuivre dans les prochains mois.
Pour autant, il ne nous paraît pas justifié de rester à l'écart des actions et nous privilégions toujours les marchés chinois et américains au détriment des actions de la zone euro, ce qui correspond à une exposition totale neutre.
Sur les marchés obligataires, le crédit de qualité en euros reste attractif et nous maintenons notre exposition. Les matières premières apportent une diversification à nos portefeuilles.