Depuis quelques semaines se joue une petite musique. L’accueil de la petite enfance souffrirait des mêmes maux que la prise en charge du grand âge. Défaut de formation des personnels, accueil déficient des enfants, rentabilité préférée aux missions, pour ne citer que ceux-là.
Crèches privées : bientôt l’âge de raison?
Pourtant, si certains travers méritent d’être corrigés et parfois dénoncés, le secteur de la petite enfance mérite mieux que cela. Depuis 2004 et l’ouverture au privé, ce métier a vécu une véritable révolution, permettant notamment la création de 80 000 places en crèches. Au-delà, l’arrivée de ces nouveaux acteurs est venue changer en profondeur la manière dont est conçu et organisé l’accueil de la petite enfance dans notre pays : mieux centré sur la pédagogie et l’enfant, plus proche des besoins et des contraintes des parents.
Après des années de développement et de croissance, le secteur de la petite enfance se trouve néanmoins à la croisée des chemins. Trois questions reviennent. Celle des places en crèches et de la formation de ceux qui y travaillent. Celle d’une normalisation et d’une simplification des règles qui régissent le métier. Celle enfin du modèle de crèches privées que l’on souhaite privilégier voire subventionner en France.
Des crèches d’un nouveau genre
Disons-le, l’image que renvoie l’accueil de la petite enfance n’est pas celle que l’on souhaiterait. Le succès de certaines entreprises leur permet aujourd'hui d’afficher des valorisations supérieures au milliard et à leurs patrons d’intégrer le gotha des premières fortunes de France. Une situation fortement critiquée dans un contexte où toutes les crèches, privées comprises, sont subventionnées lors de leur construction comme pour leur fonctionnement1.
Dommage car, comme dit plus haut, l’arrivée du privé dans ce secteur où il manquait 250 000 places en 2004 a été salvateur. C’est cela que l’on aimerait voir souligné. Ces nouveaux acteurs ont su en outre accorder toute la place nécessaire aux éducateurs de jeunes enfants (EJE) pour en faire le bras armé d’une pédagogie renouvelée et d’un nouveau type de management au sein des crèches, plus proche du terrain, au contact des enfants et de leurs parents. Alors que jusqu’ici les crèches de grande taille - plus de 50 berceaux - étaient la norme, le privé a permis l’éclosion de milliers de petites crèches. Encore aujourd’hui, le secteur est très majoritairement composé d’acteurs qui animent une à quatre crèches de proximité, et qui accueillent seulement dix à douze enfants. Un modèle qui répond mieux aux besoins des familles.
Vers une mue souhaitable?
Mais avouons-le, le secteur de l’accueil de la petite enfance doit aussi faire sa mue. Le fait divers dramatique de cet été est venu nous questionner sur le modèle que nous souhaitons pour nos enfants. Un modèle qui privilégie le nombre, le développement et la rentabilité sur la base de processus industrialisés ou un modèle qui choisit de privilégier la qualité de l’accueil, du service rendu aux parents grâce à des personnes engagées et bien formées?
Aujourd’hui, l’accueil de la petite enfance nous offre un paysage contrasté. D’un côté, quatre ou cinq grands acteurs qui s’affrontent dans une course effrénée à la taille. De l’autre, une vaste majorité d’acteurs encore indépendants, passionnés par leur métier, dont l’unique obsession est de bien accueillir enfants et parents. Or, dans ce contexte, même ces derniers peinent à recruter et à fidéliser leurs personnels. Pire, le personnel qualifié vient souvent à manquer.
Bientôt vingt ans après l’ouverture au privé, il est temps pour le secteur de l’accueil de la petite enfance de devenir adulte. Pour ce faire, trois changements s’imposent. Uniformiser les règles imposées aux crèches par les PMI (Protection Maternelle et Infantile) sur l’ensemble du territoire. Investir massivement dans la formation du personnel de la petite enfance ; pour accueillir plus mais surtout mieux. Opter pour un modèle de gestionnaires de crèches focalisés d’abord sur leur mission : accueillir les enfants et accompagner les parents sur tout le territoire.