Le 28 septembre 2022, le Comité fédéral de l'open market a de nouveau relevé le taux d'intérêt directeur, cette fois de 75 points de base pour le porter de 3,00 à 3,25%. Cela porte l'augmentation à 300 points de base depuis mars de cette année. Ce resserrement agressif est l'une des raisons de la force du dollar par rapport à l'euro, la livre sterling ou le yen japonais, par exemple.
En outre, l'économie américaine n'a guère été touchée par la crise énergétique et se porte donc relativement bien. Toutefois, ces facteurs ne peuvent pas expliquer pourquoi, par exemple, le franc suisse, le peso mexicain ou le real brésilien sont restés forts, bien que ces pays aient des problèmes économiques similaires à ceux de la zone euro. Ce qui est frappant, c'est que les banques centrales de ces pays luttent rigoureusement contre l'inflation.
Il est vrai que la Banque centrale européenne (BCE) a récemment indiqué qu'elle souhaitait prendre des mesures contre l'inflation. Mais cela n'a pas entraîné une hausse de la valeur de l'euro par rapport au dollar. Le marché n'a donc manifestement pas confiance dans le sérieux de la BCE. Ainsi, des voix s'élèvent sur les marchés des capitaux pour considérer la BCE comme une banque centrale faible qui ne peut être comparée à la Bundesbank avant l'introduction de l'euro. Si tel est le cas, la question se pose de savoir quels facteurs structurels pourraient en être responsables.
Un mandat en théorie, trois mandats contradictoires en pratique
Tout d'abord, on peut supposer que la BCE en particulier devrait être une banque centrale qui ne doit absolument pas tolérer l'inflation, puisqu'elle n'a en théorie qu'un seul but, à savoir la stabilité des prix. Depuis l'introduction de l'euro, l'inflation n'avait certes pas été un réel problème dans la zone monétaire commune. Ce n'est que depuis 2022 qu'elle augmente de manière spectaculaire. Cependant, la BCE a échoué dès son premier examen : l'inflation est désormais à deux chiffres dans plus de la moitié des pays de la zone euro. Si on l'analyse de près, il y a essentiellement deux facteurs structurels responsables de cet échec.
Le premier facteur est que la BCE poursuit en pratique plusieurs mandats. Lorsque le président de la BCE, Mario Draghi, a annoncé en juillet 2012 que la BCE défendrait la monnaie commune « quoi qu'il en coûte », il a introduit un autre objectif en plus de la lutte contre l'inflation, à savoir empêcher la faillite de l'euro en se concentrant davantage sur la croissance économique et l'emploi. Mario Draghi a fait cette déclaration à un moment où la communauté internationale doutait de la pérennité de l'euro, compte tenu de l'endettement des différents pays membres. Or, la crise de la dette dans la zone monétaire commune n'a pas vraiment été surmontée à ce jour. Si l'inflation et les taux d'intérêt augmentent maintenant, la question se pose de savoir comment ces pays doivent assurer le service de leur dette. Après tout, le marché des capitaux est rationnel et exige une prime de risque des pays dont la dette est plus élevée. Cela peut certainement entraîner des problèmes économiques pour les pays concernés. La BCE s'est donc vu confier un autre mandat, celui de s'attaquer à la fragmentation des rendements. Mais il s'agit de risques de crédit et la solvabilité devrait en fait relever de la responsabilité des ministères des finances. La BCE évalue toutefois la situation de telle sorte que le fonctionnement de la politique monétaire dans son ensemble est en danger en raison des primes de risque. Cependant, combattre l'inflation, le chômage et le risque de crédit en même temps n'est tout simplement pas possible.
Avec sa gouvernance politique, la BCE ne peut pas garantir un euro dur
Le deuxième facteur réside dans l'hétérogénéité de la zone monétaire commune, qui se reflète dans l'attitude des banques centrales locales. Environ un tiers des membres du Conseil de la BCE proviennent de pays qui ont presque toujours toléré une inflation plus élevée afin de générer une croissance économique plus forte. Par conséquent, la BCE ne peut être qu'une banque centrale souple. Ajoutez à cela le leadership actuel de la BCE. La présidente Christine Lagarde est généralement perçue comme une présidente politique. Or, la politique se nourrit de compromis. L'hétérogénéité de la zone euro pourrait donc même s'en trouver renforcée : lorsqu'il s'agit d'objectifs contradictoires, il y aura encore plus de compromis au lieu de se concentrer sur un seul objectif. La lutte contre l'inflation ne peut donc être poursuivie qu'à moitié. Une BCE molle ne peut donc pas garantir un euro dur. La Bundesbank, quant à elle, a toujours suivi une politique de stabilité stricte afin de créer une économie forte. La logique a fonctionné comme suit : la stabilité conduit à une monnaie forte et les entreprises sont donc obligées de rester innovantes. Le résultat final est une économie forte au niveau international. De manière sytématique, la croissance de la productivité dans l'industrie industrielle allemande a été quasi nulle au cours des derniers trimestres. Prétendre que cela a quelque chose à voir avec la BCE est certainement prématuré, et la base de données est trop mince. Mais il est également vrai que la BCE pourrait réfléchir à la situation actuelle.