Que peut-on attendre du 20e Congrès du Parti communiste chinois ?

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Par Jean-Marie Mercadal Modifié le 30 septembre 2022 à 7h30
Congres Parti Communiste Chinois Pekin
cc/pexels - © Economie Matin
23%Exprimées en surface, les ventes immobilières, ont baissé de 23% en Chine sur les 7 premiers mois de 2022.

La confiance vis-à-vis de la Chine est actuellement très faible. Le contexte géopolitique en est l’une des raisons, mais ce n’est pas la seule : la crise immobilière et la stratégie « zéro Covid » ont également pesé sur l’économie. Les investisseurs internationaux ont donc déserté la bourse chinoise, en dépit de valorisations plutôt basses dans l’ensemble. Dans ce contexte, le 20e Congrès du Parti communiste chinois est très attendu. Sa date a été fixée au 16 octobre, plus tôt que prévu, preuve que les « tractations en coulisse » sont achevées et qu’il y a urgence à donner une nouvelle impulsion. Des éclaircissements sont attendus sur plusieurs sujets.

Ces dernières années, nous avons le sentiment que le Président Xi Jinping a été davantage préoccupé par les questions politiques qu’économiques. Il est vrai que, pour la première fois depuis Mao Zedong, il passe outre la « règle tacite » de deux mandats successifs de 5 ans maximum et postule pour un troisième mandat, voire une présidence à vie… Il a ainsi, semble-t-il, cherché ces dernières années à consolider sa position personnelle et convaincre en interne dans le parti. L’élaboration d’un projet de long terme pour le pays, une sorte de pacte sociétal appelé la « prospérité commune », démontre ainsi sa volonté de s’inscrire dans la durée. Les deux objectifs principaux de ce projet sont louables. D’une part, rechercher une meilleure harmonie sociale en réduisant les écarts de richesse. Bien que la Chine ait réussi en 40 ans à faire sortir plus de 700 millions de personnes de la pauvreté, il resterait encore dans le pays près de 600 millions de personnes vivant avec moins de 1 000 Yuans par mois (environ 140 USD). L’objectif est donc de réduire les écarts de richesse et de favoriser l’essor d’une classe moyenne vivant plus confortablement, avec l’idée également sous-jacente de faire repartir une natalité très basse actuellement. Le second objectif est de s’engager vers une économie décarbonée et devenir l’un des leaders mondiaux dans les domaines des énergies renouvelables.

Malheureusement, le « timing » choisi pour ce changement de cap sociétal n’a pas été opportun. La vague réglementaire imposée par le pouvoir l’année dernière s’est heurtée à une actualité brulante : épidémie de la Covid-19, dégonflement de la bulle immobilière, contexte international très tendu avec les États-Unis, et dernièrement, la plus importante sécheresse depuis 60 ans qui a affecté gravement la production agricole et plongé un grand nombre de paysans dans la précarité. Les résultats économiques ne sont donc pas bons : la croissance n’a été que de 0,4 % au second trimestre et l’objectif affiché en début d’année de 5,5 % ne sera pas atteint. Au contraire, elle sera l’une des plus faibles depuis plusieurs décennies à près de 3 % estimé, le taux de chômage des jeunes est élevé à près de 20 %, la bourse est au plus bas…

Il y a de ce fait urgence à prendre des mesures et redonner un cap à court terme. Pour la première fois depuis longtemps, il y a eu dans le pays des scènes de révoltes assez intenses : en raison d’une politique « zéro Covid » appliquée de manière très stricte dans plusieurs villes où les conditions de confinement étaient trop brutales ; et également sur la question immobilière. Dans la province industrielle très importante du Henan notamment, des clients se sont rassemblés dans la ville de Zhengzhou, réclamant leur argent devant leur banque en difficulté sur leurs créances sur des promoteurs immobiliers. Le pouvoir semble avoir compris l’urgence qu’il y a à agir. Le Premier ministre vient en effet de déclarer que la Chine doit prendre des mesures pour « stimuler la consommation et l’investissement », et qu’il fallait les implémenter rapidement.

Sur le plan immobilier, la situation est en effet préoccupante. Les ventes, exprimées en surface, ont baissé de 23 % sur les 7 premiers mois de l’année. En chiffre d’affaires, la baisse est de l’ordre de 30 %. Les prix de l’immobilier résidentiel ont pour l’instant assez stables, mais il y aurait par ailleurs entre 50 et 100 millions de logements construits vacants (les sources sont variables), particulièrement dans les villes de moindre importance. Les promoteurs privés, qui ont fait appel à un effet de levier trop important par le passé, font ainsi face à de grandes difficultés, accentuées récemment par des boycotts organisés par de nombreux emprunteurs qui ont décidé de suspendre leurs remboursements de crédits en attente de la livraison de leurs biens. Les autorités n’ont d’autre choix que de continuer à soutenir le secteur afin d’éviter une crise systémique qui se propagerait au secteur bancaire. Elles ont donc demandé à l’assureur public China Bond Insurance de garantir directement et à 100 % les obligat ions et les actifs de 6 développeurs présélectionnés. Ils doivent ainsi être en mesure d’emprunter à des taux convenables pour poursuivre leurs activités. Le gouvernement pourrait également demander à des entreprises publiques de souscrire à ces obligations. Un certain nombre de projets sont également directement repris par des municipalités. Par ailleurs, des initiatives sont prises par près de 200 villes pour stimuler l’achat immobilier : réduction de l’apport personnel pour l’acquisition d’un second bien…

Plus récemment, le gouvernement central a accordé une enveloppe de l’ordre de 15 Mds de RMB au gouvernement de la province du Henan et lui demande de présenter un plan de reprise des programmes non achevés d’ici début octobre, juste avant le congrès du Parti communiste chinois. Cela semble montrer que le pouvoir a pris conscience de l’ampleur du problème et devrait prendre des mesures qui iront audelà de simples baisses de taux, inefficaces car la situation s’apparente à une sorte de trappe à liquidités. Pékin garde en mémoire la manière dont a été résolue l’explosion de la bulle immobilière au Japon, et le gouvernement fera tout ce qu’il convient pour éviter une crise similaire, avec toutefois comme objectif de ne pas faire relancer la spéculation immobilière.

Sur le deuxième problème majeur actuel, la politique « zéro Covid », plusieurs indices semblent indiquer qu’il y aura un assouplissement au cours des prochains mois. De nombreuses structures d’accueil médicales ont été construites ces derniers mois, ce qui montre que le pays s’organise pour une remontée du nombre de cas qui pourrait être consécutive à une réouverture. La période de quarantaine vient d’être réduite de 14+7 jours à 7+3 jours pour l’entrée sur le territoire chinois. Parallèlement, les campagnes de vaccination, qui avaient pris du retard, sont aujourd’hui bien lancées. Et surtout, avec la capacité de diffusion extrême des nouveaux variants, il est impossible d’appliquer des mesures de confinement strictes avec efficacité. Pékin a déjà donné des instructions pour agir avec davantage de discernement, mais les gouvernements locaux n’osent pas abandonner la politique actuelle avant le Congrès pour des questions d’image. Par ailleurs, pour la première fois depuis le début de l’épidémie, le Président Xi Jinping est sorti de Chine pour un voyage officiel au Kazakhstan. Bref, tout le monde en Chine semble avoir compris qu’il fallait sortir de la politique trop stricte actuelle, une stratégie de sortie est donc attendue prochainement.

Dans ces conditions les performances des actions chinoises ont, une fois de plus, déçu et le marché est actuellement complètement décoté du fait de cette surdose de pessimisme : à moins de 10 fois les bénéfices agrégés attendus en 2023, le PER chinois des actions est l’un des plus bas au monde. Les investisseurs internationaux sont sortis massivement de ce marché ces derniers mois. De nombreux « Hedge funds » ont pris des positions « courtes » sur les grandes valeurs chinoises : près de 25 % du volume de la bourse de Hong Kong concerne actuellement des ventes à découvert. Ces mouvements ont été favorisés par le contexte politique très tendu entre les États-Unis et la Chine. Bien qu’il n’y ait pas eu de nouvelles dégradations sur les mesures de taxation prises sous la présidence de Donald Trump, les relations entre les deux pays restent difficiles sur la posture de la Chine vis-à-vis de la Russie et sur la question autour de Taiwan. Notons sur ce sujet que les deux présidents, Joe Biden et Xi Jinping, se côtoieront à l’occasion du sommet du G20 de novembre. Ils pourraient y être plus détendus, leurs deux échéances « politiques » internes seront derrière eux : le congrès du Parti communiste chinois pour Xi Jinping et les élections de « Mid Term » pour Joe Biden.

En attendant, la situation « technique » des actions chinoises est actuellement extrême : la moindre bonne nouvelle pourrait entraîner une vague de « rachats » de positions vendeuses ou sous-pondérées. Sur le plan monétaire, une pause dans la stratégie de détente des taux d’intérêt pourrait être observée à court terme alors que le Yuan est sous pression vis-à-vis du dollar. Mais à moyen terme, la probabilité de la poursuite d’une politique accommodante est assez forte, notamment en raison de la crise immobilière.

Par ailleurs, dans un monde de plus en plus fragmenté et qui semble se recomposer autour de nouveaux blocs, dans un contexte également de moindre interdépendance industrielle et économique entre l’Occident et la Chine, le marché asiatique, et chinois en particulier, constitue un champ d’opération très vaste pour les entreprises. Les grandes marques locales chinoises gagnent des parts de marchés chez elles. Quelques entreprises occidentales commencent à le constater : par exemple, les parts de marchés de quelques constructeurs importants de voitures occidentales commencent à baisser sérieusement, le chiffre d’affaires de la marque chinoise Anta a dépassé Nike pour la première fois dans le pays.

Investir dans des entreprises locales prend de ce fait tout son sens. Elles sont nombreuses et bénéficient d’un marché intérieur qui permet d’atteindre rapidement une taille critique. Certaines entreprises vont devenir des leaders dans le secteur de la technologie, de la santé, de l’agroalimentaire, de la consommation, du tourisme, de l’énergie verte... Dans ce domaine, la Chine souhaite par exemple devenir le leader mondial de la production d’hydrogène vert destiné à fournir de l’énergie et à équiper des moteurs à émission zéro carbone.

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Jean-Marie Mercadal est directeur général délégué en charge des gestions chez OFI Asset Management. Jean-Marie Mercadal a passé 2 ans à la BFT sur l’arbitrage taux/actions et 14 ans à la Banque du Louvre comme Directeur Général de Louvre Gestion. Il a rejoint OFI AM en 2003.

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