Les investisseurs semblent aujourd’hui peu enclins à distinguer les trajectoires individuelles des groupes cotés au moment même où les perspectives économiques des entreprises divergent comme rarement par le passé. Les « deratings » qui en résultent créent des points d’entrée favorables pour se positionner à moindre coût sur des valeurs à fort pricing power.
L’année boursière 2022 se poursuit sur sa lignée des derniers mois. Entre pressions inflationnistes, hausse des taux et perspectives de récession, la dégradation de l’environnement macroéconomique s’accompagne d’une désaffection progressive des investisseurs à l’égard des actions. Ce mouvement général est amplifié par une lecture souvent verticale et figée de la cote, les valeurs dites de croissance payant sans distinction le plus lourd tribut à ce momentum dicté par les seuls flux. A l’opposé, les valeurs de l’énergie bénéficient mécaniquement de l’envolée des cours des matières premières. Le discernement attendra donc.
Et pourtant, pendant ce temps-là, la réalité des entreprises a rarement été aussi hétérogène. D’un côté, des pans entiers de la cote se débattent pour lutter contre l’érosion de leurs marges dans un contexte de raréfaction et de renchérissement des ressources. De l’autre, certains groupes accélèrent leur transformation sous les radars, profitant de cette période de multiples ruptures pour renforcer leur Pricing Power. Résultat : les écarts de perspectives bénéficiaires se creusent dans des proportions rarement atteintes. C’est tout le paradoxe de la situation. Les investisseurs semblent aujourd’hui peu enclins à distinguer les trajectoires individuelles au moment même où les perspectives économiques des entreprises divergent comme rarement par le passé. Les exemples abondent de ces valeurs qui subissent des deratings massifs en dépit de performances favorables et surtout, d’une visibilité intacte dans leurs projections.
Mentionnons par exemple Schneider Electric. Particulièrement bien positionné sur les enjeux de transition énergétique, le groupe français est parvenu à améliorer sa visibilité à moyen et long terme et vise désormais une croissance organique annuelle de 5% à 8% pour une marge opérationnelle en hausse d’1 à 2 points pour atteindre 18% à 19% en 2024. Une performance économique largement ignorée, la valeur subissant un repli de près de 35% depuis le début de l’année. Constat similaire pour le groupe ASML, qui a perdu plus d’un tiers de sa valorisation depuis le début de l’année. Et pourtant, le leader mondial de la fabrication de systèmes de lithographie pour l'industrie des microprocesseurs continue de bénéficier d’un positionnement incontournable dans une industrie en pleine croissance avec en corollaire, un carnet de commandes équivalent à près de deux ans d’activité, un chiffre d’affaires attendu en hausse de 11% par an sur la période 2020-2030. Dans une moindre mesure, Ferrari est également sanctionnée en dépit d’un objectif de croissance organique de 9% par an d’ici 2026. Mieux, le groupe offre une très forte visibilité en comparaison à d’autres valeurs du luxe : sa base de clients a progressé de 25% en 4 ans, tandis que l’élargissement de son mix de produits, mêlé à la hausse de ses prix, permet au constructeur d’anticiper une progression de 2 à 5 points de sa marge opérationnelle entre 27% et 30% en 2026. A noter qu’ASML et Ferrari disposent d’une trésorerie nette positive tandis que Schneider sera ne sera plus endetté d’ici 2024 grâce à sa forte génération de free cash-flow.
A priori défavorable aux stock pickers, ce momentum de marché génère des anomalies qui seront tôt ou tard corrigées. C’est une question de temps. En attendant, ces mêmes anomalies créent des points d’entrée particulièrement intéressants pour se positionner à moindre coût sur des valeurs à fort pricing power, dont la capacité de fixation des prix leur permet de ne pas subir les pressions inflationnistes et leurs solides fondations forment un rempart contre la hausse des taux d’intérêts.