Plus-values : 12 mouvements d’entrepreneurs demandent le retrait du projet de loi

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 10 octobre 2012 à 16h47

C'est donc la lutte finale, l'affrontement. Réunis hier soir en Assemblée générale improvisée, douze syndicats patronaux et mouvements entreprenariaux ont donc décidé de ne plus transiger avec le gouvernement sur le projet de loi de finances 2013 (PLF). Ils en demandent purement et simplement le retrait. Des organisations aux rôles aussi éloignés que le MEDEF et le Réseau Entreprendre, l'AFEP (association française des entreprises privées) et EDC (Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens) mais aussi l'AFIC (Association Française des Investisseurs pour la Croissance), CroissancePlus, Ethic (présidée par Sophie de Menthon), France Biotech, France Digitale, le Syntec, PME Finance et bien entendu le mouvement des Pigeons (#geonpi) représenté par leur porte-parole, Jean-David Chamboredon, ne veulent plus négocier mais exigent du gouvernement qu'il retire son projet de loi.

Rappelons simplement la genèse des évènements en quelques mots. Vendredi 28 septembre, en conseil des ministres extraordinaire, décalé pour cause d'absence du président de la République le mercredi, en déplacement à l'ONU à New-York, le Projet de loi de Finances 2013 est présenté. Celui-ci comporte de nombreuses mesures de hausse d'impôts, au total, plus de 20 milliards d'euros. Parmi celles-ci, une mesure fait bondir les entrepreneurs et les investisseurs : le passage d'une taxation forfaitaire à 19 % des plus-values de cessions de parts d'entreprise (plus 13,5 % de CSG CRDS) à une taxation à l'impôt sur le revenu. Pour des petits montants de quelques milliers d'euros, pas de problème, mais dès que la transaction se chiffre en dizaine de milliers d'euros, additionnés aux revenus salariaux d'un ménage, l'imposition peut grimper très très vite. Mais si la transaction se chiffre en centaines de milliers d'euros, le seuil des 60 % d'imposition de la plus-value est rapidement atteint. Les entrepreneurs et les investisseurs disent aussitôt en choeur : à quoi bon vendre ? Mais surtout  : à quoi bon créer une entreprise, à quoi bon travailler des jours et des nuits entières, à se faire des noeuds au ventre quand on est short-cash, à se battre pour trouver des clients, pour innover, si c'est pour être spolié à la fin.


Vendredi dans l'après-midi, une tribune de Jean-David Chamboredon, aujourd'hui porte-parole des Pigeons, mais aussi patron du fonds d'investissement des entrepreneurs d'Internet (Roux de Bezieux, Treppoz, Ohayon, Kosciusko-Morizet, etc) publie une tribune dénonçant le mécanisme. Pendant le week-end, le mouvement des Pigeons se crée spontanément sur Facebook. La page compte 1 millier d'amis en quelques heures. Ensuite, tout s'accèlere. Le lundi, les pigeons sont déja 15 000, 20 000 le soir même. Le gouvernement promet quelques aménagements. Dans le courant de la semaine, alors que la gronde des Pigeons commence à faire le tour de France puis le tour du monde dans les médias, que 10 000 nouveaux membres par jour rejoignent la page Facebook, le gouvernement promet quelques aménagements. Lance des ballons d'essai. Des mesurettes pour "protéger" le "vrai" créateur d'entreprise, distingué de celui qui se contente de toucher des dividendes. Caricature. Plusieurs entrepreneurs du Net et mouvements patronaux ou d'entrepreneurs, sont reçus jeudi dernier à Bercy, et ont droit... à une leçon de morale. Ils ont donné une "mauvaise image de la France à l'international".

Néammoins, un semaine après la présentation du projet de loi, des aménagements à la marge sont encore proposés, avec carrément un retour à la situation d'avant pour les créateurs d'entreprise. Qu'il reste à définir. Les autres ? Tout un complexe mécanisme, une usine à gaz, d'abattements progressifs, est proposé. Finalement, ce lundi, on apprenait dans la presse grâce à des indiscrétions que tous les investisseurs au capital de PME, pourvu qu'ils en détiennent 10 à 15 %, seraient taxés à 19 % (+13,5 %) comme avant.

insuffisant pour les mouvements signataires de l'appel d'hier soir. Un ressort est cassé désormais entre les entrepreneurs et le gouvernement, celui de la confiance, d'où l'appel au retrait du projet de loi.

Nous reproduisons page suivante cet appel intégralement :


La France a besoin aujourd'hui de tous les entrepreneurs et de toutes les entreprises pour créer de l'activité et de l'emploi.

Nous, représentants de toutes les entreprises, TPE-PME, start-ups, ETI, investisseurs, grandes entreprises, nous sommes réunis de manière exceptionnelle jeudi 9 octobre au soir. Ensemble, nous avons fait le point sur les conséquences du projet de loi de finances pour 2013, en particulier de la mesure envisagée sur les plus-values de cession d’actions et de droits sociaux.

Nous avons tous constaté que le dispositif proposé affecterait lourdement la stratégie de croissance des entreprises. Il lèserait durablement l'économie française. Les aménagements envisagés en matière de seuils et de durée de détention ne remettent pas en cause fondamentalement les principes de l’article 6 du Projet de Loi de Finances, et conduisent à une impasse compte tenu de la diversité des situations des entreprises.

Ces dispositions, prises sans concertation, auraient des conséquences très néfastes en matière de développement économique, d'investissement et d'emploi.

Conscients de la gravité de la situation économique de notre pays, nous demandons solennellement aux pouvoirs publics de retirer le nouveau dispositif de taxation de ces plus-values.

AFEP, Pierre Pringuet, président

AFIC, Louis Godron, président

CroissancePlus, Olivier Duha, président

EDC, Robert Leblanc, président

Ethic, Sophie de Menthon, présidente

France Biotech, André Choulika, président

France Digitale, Marie Ekeland, coprésidente

Fédération Syntec, Jean-Luc Placet, président

#geonpi, Jean-David Chamboredon, porte-parole

Medef, Laurence Parisot, présidente

PME Finance, Jean Rognetta, président

Réseau Entreprendre, David Pouyanne, président

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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