Quand nous avons reçu l'invitation pour la conférence de presse à la rédaction, il nous a fallu la relire au moins deux fois pour bien comprendre de quoi il s'agissait. Et pourtant oui : ce matin, le président de la République, François Hollande sera... reçu (!) par les "chefs des organisations économiques internationales", qui lui feront passer un grand oral. Avec ses ministres pour lui souffler les bonnes réponses en cas de besoin.
L'invitation précise : "Le Secrétaire général de l’OCDE, M. Angel Gurría, accueillera une réunion de hauts représentants du Fonds Monétaire International (Directeur général : Mme Christine Lagarde), du groupe de la Banque mondiale (Président : M. Jim Yong Kim), de l’Organisation Mondiale du Commerce (M. Pascal Lamy : Directeur général) et de l’Organisation Internationale du Travail (Guy Ryder : Directeur général) qui rencontreront le Président François Hollande et ses ministres des Affaires étrangères, de l’Économie et des Finances, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle".
Oh, tout cela est très courtois : ces messieurs font l'effort de se déplacer en France, à Paris. Mais mais mais, les fins connaisseurs de la diplomatie et de son language codé remarqueront que ce n'est pas François Hollande qui a invités "les chefs des organisations économiques internationales", et que la rencontre ne se déroule pas à l'Elysée ou ailleurs dans Paris. C'est bien en territoire neutre, et même, hors de France puisque toutes les institutions internationales bénéficient d'un statut d'extraterritorialité, que le président de la République française et ses ministres seront reçus. En l'occurence, au château de la Muette, porte Dauphine, ou se trouve le siège de l'OCDE.
Le sujet du grand oral ? "Ils aborderont les perspectives de l’économie mondiale, européenne et française et évoqueront les mesures nécessaires pour renouer avec la croissance et encourager l’emploi, améliorer la compétitivité et relever les défis que posent le commerce et le développement."
Est-il nécessaire d'ajouter un long commentaire à ce qui coûle de source, au travers même de l'invitation à la presse ? C'est bien à une remontée de bretelles en règle que François Hollande et son équipe vont avoir droit. Il ne faut attendre aucune bienveillance de la part de la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, qui connaît très bien l'état de l'économie française pour avoir été ministre de l'Economie et des Finances il y a 18 mois encore. Pascal Lamy, ex-membre du PS sera-t-il plus clément ? Sans doute pas : une interview donnée par lui dans Le Point (accès payant) voici 15 jours montrait sans peine le désaccord entre le patron de l'OMC et le gouvernement socialiste en place. A tel point qu'à la question de savoir si un spécialiste comme lui pouvait rejoindre un jour le gouvernement pour prendre les commandes de l'Economie, celui-ci affirmait être disponible dès la fin de son mandat à l'OMC, en septembre 2013. Quant à l'OCDE et l'OIT, la première dément systématiquement les prévisions de croissance de la France, et plaide pour une baisse des prélévements et un allégement des dépenses de l'Etat, et la seconde plaide pour un droit du travail plus souple.
On saura à 13h30, à l'occasion de la conférence de presse, si l'ambiance était tendue, tendue, ou tendue.