Désendetter tout en stimulant l'économie pour retrouver la croissance semble mission impossible. Il existe pourtant une série de mécanismes qui ont cet avantage rare d’atteindre simultanément ces deux objectifs. Le problème est que le choix de ces politiques produira soit un mécontentement populaire, au moins passager, soit demandera un grand courage politique.
La stratégie actuellement adoptée par le gouvernement est de continuer à dépenser plus, en veillant à ce que l’augmentation des dépenses soit inférieure au taux de croissance, donc à l’augmentation de la richesse nationale. En effet, de manière mécanique et indolore, la croissance réduirait de manière comptable le déficit public et la dette publique par rapport au PIB.
Mais pour qu’une telle stratégie fonctionne, il faut que la croissance soit déjà là, et qu’elle soit forte ! Il n’aura échappé à personne qu’en plein cœur de la plus grave crise économique que nous ayons connu depuis 1929, la croissance n’est plus au rendez-vous. Nous en sommes venus parfois à nous féliciter de ne pas être en récession mais en « croissance négative », alors comment peut-on sérieusement prévoir des taux de croissance de 2,5 % et plus pour les années qui viennent ?
On l’a dit et répété, nous avons besoin de réindustrialiser notre économie, de produire sur notre sol. La clé de notre dilemme est là.
Or, pour réindustrialiser, il faut gagner en compétitivité par rapport à nos concurrents économiques. La piste la plus rapide et la plus efficace est celle de l’allègement de la fiscalité des entreprises françaises en diminuant les charges patronales.
Puisque nous avons fait ici le pari de désendetter en même temps que nous stimulons la croissance, il faut que cet allégement fiscal pour les entreprises soit compensé par une pression fiscale supplémentaire ailleurs. Comment dans ce cas éviter que cette pression nuise à la croissance économique que nous voulons stimuler ?
Deux possibilités majeures s’offrent à nous. Nous pouvons accentuer la pression fiscale sur le prix de vente des produits, donc sur la TVA.
On en revient au principe de la "TVA sociale" ! Bien loin d’augmenter le prix des biens vendus en France, un tel mécanisme permettrait de maintenir des prix stables tout en allégeant les charges patronales.
Comment ? En fait, les entreprises gagnant en compétitivité peuvent faire le choix d’embaucher davantage pour produire plus, ou de baisser leurs prix pour vendre mieux. Dans ce cadre, le jeu de la concurrence ferait en sorte que cette baisse des prix soit au moins équivalente à la hausse de la TVA. Ainsi, à moyen terme, le prix des biens est inchangé pour le consommateur, mais son coût de fabrication a diminué pour les entreprises, ce qui leur permet d’être plus offensives sur leur marché, au niveau national et surtout au niveau international.
Pour des raisons certainement plus politiques qu’économiques, le nouveau président, François Hollande, a écarté cette possibilité dont l’idée avait été émise par son prédécesseur Nicolas Sarkozy. Par quoi peut-il remplacer cette TVA sociale ? Par une taxe sur les transactions financières ! En effet, compenser la baisse des charges patronales par la création d’une taxe sur les transactions financières présenterait le double avantage d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, mais en plus de réguler les échanges sur les marchés financiers français !
Une petite taxe de 1 ou 2% diminuerait instantanément l’intérêt que les investisseurs pourraient trouver à spéculer sur les marchés, ce qui amènerait plus de stabilité et de visibilité sur ces marchés. C’est en quoi on peut dire que la régulation des marchés financiers peut être à l’origine d’un regain de croissance économique. Non seulement cette possibilité est justifié d’un point de vue économique, mais elle l’est aussi d’un point de vue moral en s’inscrivant tout à fait dans l’ambition du nouveau gouvernement de promouvoir une fiscalité juste.
En effet, le secteur financier, à l’origine de la crise et pourtant aujourd’hui en position de force face aux Etats, est un secteur qui ne connait aucune taxe et qui est extrêmement peu régulé depuis les années 80, empreintes de l’idéologie ultralibérale de Reagan et Thatcher devant laquelle François Mitterrand avait capitulé. Peut-être est-il temps de remettre en question dans les faits, et non plus seulement dans les mots, la toute puissance des marchés !
Pendant la campagne présidentielle, la finance a été désignée comme ennemie. C’est en effet une cible commode sur laquelle il est facile de concentrer la colère de l’opinion publique. Il est d’ailleurs tellement confortable pour les politiques de dénoncer sa toute puissance, qu’il serait dommage de l’affaiblir ! Comme le disait Nietzsche ; « Qui vit de combattre un ennemi a tout intérêt de le laisser en vie. » Alors, les intérêts politiciens auront-ils raison du bon sens économique ?
Pascal de Lima et Gwenaël Le Sausse