L’économie est un domaine où, fort heureusement, le bon sens domine. Ainsi, lorsque la France a rejoint l’Allemagne dans le club très fermé des pays à qui l’on accepte de prêter à des taux négatifs, on se dit que c’est excellent car le poids du remboursement de ces emprunts sera insignifiant.
Autrement dit, vive les emprunts à taux négatifs qui allègent le service de la dette. Mais hélas, l’économie politique est un champ plus vaste et stratégique que cette première approche. Tout d’abord, les taux d’intérêts négatifs sont très voisins de zéro : ainsi ils ont été de – 0,005 % (pour des titres de dette à échéance du 11 Octobre 2012) et de – 0,006 % pour des dettes à échéance du 27 Décembre.
Non seulement, les taux sont quasi-nuls mais surtout le lecteur aura relevé que nous sommes en situation de prêts à court terme et qu’il est plus pertinent de regarder les évolutions des prêts à long terme, véritables indicateurs de la confiance des créanciers.
Taux proches de zéro, à court terme et de surcroît sur des montants assez peu significatifs :
3,9 et 1,99 milliards (respectivement pour Octobre et Décembre) ce qui voisine 6 milliards là où le seul service de la dette (ses intérêts annuels) est autour de 50 milliards. Le tapage politique récent est malheureusement en-dehors de l’épure du fait du montant et de la maturité de ces tranches d’endettement qui sont aussi un piège.
Bien évidemment, pas un piège contractuel mais économique. Le Gouverneur de la Banque de France a parlé de "bonne et de mauvaise nouvelle". Pour notre part, nous estimons que c’est le piège de la scission de la zone Euro que ces taux négatifs nous montrent du doigt. Au sud, les Espagnols sont confrontés à des taux de 7 % sur 10 ans et au nord, certains pays sont en taux négatifs à court voire moyen terme pour la seule Allemagne.
Ce découplage des taux est grave car il va mettre à rude épreuve, d’ici à 6 mois, la solidarité européenne et nous éloigne de l’idée des euro-bonds à taux européen universel harmonisé.
Pour conclure par un peu de théorie économique, Lord Keynes avait exposé que lorsque les taux d’intérêt de la banque centrale sont bas ( ce qui est le cas ) les prêteurs ont une préférence pour la liquidité ( détention d’encaisses ) ou pour des dettes à court terme (comme c’est le cas fréquemment en ce moment ). Ceci par opposition aux financements stables pour l’économie que représentent des obligations à 10 ou 15 ans. La joie suscitée par « nos » taux négatifs pourrait vite se muer en dualisme rugueux au sein de notre zone monétaire touchée au nord par la "trappe à liquidité".