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Le gouvernement de Gerhard Schröder a entrepris à la fois la hausse des cotisations, le report de l’âge minimal pour la liquidation des retraites des chômeurs, ainsi que celui de l’âge légal de départ à la retraite – de 63 ans à 65 ans, prolongé depuis pour atteindre 67 ans en 2017.
Déjà en 2000, avant l’Agenda 2010, la même coalition avait introduit la retraite par capitalisation ou "retraite Rieste". Du côté de l’assurance-maladie, les cotisations augmentent, les prestations diminuent et une taxe fixe de 10 euros par trimestre est créée.
Si l’Agenda 2010 apparaît aujourd’hui comme un modèle de réformes économiques structurelles, a fortiori en réponse à la crise de la dette que traverse la zone euro, c’est parce qu’indéniablement des résultats probants ont été obtenus. De là provient le renouveau industriel allemand et ses succès à l’importation, le maintien d’un niveau de chômage faible et le maintien, en conséquence, du pouvoir d’achat moyen.
Gerhard Schröder avait aussi tenu à compenser les mesures contraignantes prises par une réduction de la pression fiscale à travers un abaissement de tous les taux de l’impôt sur le revenu. La conjoncture économique étant globalement favorable et la croissance au rendez-vous, il pouvait se le permettre.
Ensuite, à partir de 2005, Angela Merkel, à la tête d’abord d’une grande coalition CDU-SPD – sans Gerhard Schröder – a tenu à augmenter le taux de TVA de 16 à 19 % - une "TVA sociale" permettant pour un tiers de compenser la réduction des charges sociales et pour les deux tiers restants, de diminuer les déficits publics. Une intuition, quelques années avant la crise, qui explique les contextes différents quelques années plus tard entre les deux rives du Rhin…
Agenda 2010 – Agenda 2014, la proximité lexicale est troublante. Mieux encore, la présentation de François Hollande, dimanche 9 septembre, reprenait bien les différents aspects de la politique de Gerhard Schröder : réforme du marché du travail et relance de la compétitivité. "Merkelien", mais surtout conscient de la gravité de la crise, le président de la République a aussi fixé pour objectif la réduction des déficits publics, vantant les mérites de la "discipline".
Les deux précédentes expériences de la gauche en France sous la Vème République ont été marquées par un profond conservatisme idéologique – ce sont des faits historiques suffisamment documentés. Au cours de la deuxième et la troisième cohabitation de 1997 à 2002, Lionel Jospin a usé – et abusé – profitant d’une conjoncture économique favorable – mais aussi par conviction – des recettes colbertistes d’un État toujours plus providentiel – quoi qu’il en coûte – et tournant volontairement le dos aux sirènes de la "troisième voie" en vogue à Berlin ou à Londres. Qu’aurait-il fait, Lionel Jospin, de cinq années supplémentaires à la tête de l’État, depuis l'Élysée ? Conjectures post-21 avril 2002...
Au cours de la première décennie – de 1981 à 1986 puis de 1988 à 1993 – durant lesquels François Mitterrand a disposé d’une majorité parlementaire, le parti socialiste n’avait pas effectué une mue idéologique comparable à celle de ses homologues sociaux-démocrates allemands.
Certes, le tournant de la rigueur en 1983 a été l’occasion de tourner le dos aux lubies marxistes dans lesquelles s’enferraient les communistes, encore influents ; certes, le début du second quinquennat, sous Michel Rocard et Pierre Bérégovoy, a posé les jalons à l’approfondissement de l’intégration européenne, mais rien n’a été formalisé d’un point de vue idéologique. François Mitterrand n’était, après tout, pas particulièrement piqué d’économie.
François Hollande dispose d’une expertise reconnue en économie. Son programme, ses 100 premiers jours, les premières dispositions en discussion au Parlement – emplois d’avenir, contrat de génération, recrutement dans l’éducation nationale – ne sont pas les signes d’un prochain changement idéologique du socialisme "à la française".
Est-ce pour brouiller les pistes, pour ménager ses camarades ou, simplement, rassurer les marchés ? Pourtant le président de la République laisse apparaître la possibilité d’une évolution majeure de la gauche française – de l’apologie de la sociale-démocratie lors de la conférence sociale du début de l’été au flou "artistique" de son exposé du 9 septembre face à Claire Chazal. Les dispositions du prochain budget pour 2013 devraient apporter un début de réponse…
Franck Guillory