Aujourd’hui […], il ne fait pas de doute que Washington prend très au sérieux la crise européenne. La Maison Blanche espère que la tragédie grecque qui secoue le Vieux Continent restera circonscrite. L’équipe Obama frémit à l’idée d’un marasme profond et long, qui menacerait, par ricochet, sa fragile reprise économique, essentielle pour la réélection du président sortant.
Pourquoi l’Europe est-elle devenue si importante pour la Maison Blanche, qui jusque-là regardait avant tout vers l’Asie ? Parce que les États-Unis exportent chaque année pour 400 milliards de dollars de l’autre côté de l’Atlantique et que le pays possède plus de 1 000 milliards de dollars d’investissements sur place… Sans oublier les crédits accordés par des banques américaines à des intérêts européens – de l’ordre de 5 000 milliards de dollars…
En outre, une récession à Paris, à Berlin et à Londres entraînerait également son lot de conséquences pour l’Asie, autre partenaire commercial important de l’Amérique… Bref, si la globalisation peut-être "gagnant-gagnant", comme disent les économistes, elle peut aussi prendre la forme d’un mauvais billard à trois bandes, ou encore d’un jeu de dominos s’effondrant les uns après les autres…
Consciente de ces dangers, Washington n’a cessé de lancer des appels aux Européens, afin qu’ils se décident à agir vite et bien. Pour redresser leurs comptes, certes, mais aussi pour stimuler leur croissance, et donc acheter aux Américains – l’Union européenne représente près du quart des exportations mondiales made in USA.
Au printemps 2012, alors que l’Espagne était sur le point de demander l’aide de Bruxelles pour sauver ses banques et que la reprise outre-Atlantique affichait des résultats décevants, contre-performance inquiétante à quelques mois de l’élection présidentielle, Barack Obama a fait la leçon à ses homologues. Soulignant que les réponses mises en œuvre aux États-Unis durant la Grande Récession devraient les inspirer, il pressait ses partenaires européens de consolider leur système bancaire et de coordonner davantage leurs politiques.
"Il faut agir au plus vite pour injecter des capitaux dans les banques en difficulté", plaidait-il le 8 juin, suggérant de "mettre en place un cadre et une vision à long terme en faveur d’une zone euro plus solide, en collaborant davantage en matière de politique budgétaire et bancaire."
Si Barack Obama parle d’Europe, lui qui au cours de son mandat s’est montré bien peu intéressé par le Vieux Continent, c’est que, plus que jamais, Américains et Européens sont dans le même bateau.
Même si l’Europe reste un contre-exemple au pays du laissez-faire, aux yeux des républicains comme des démocrates. La tourmente grecque confirme ce qu’ils sont nombreux à penser – à savoir que nous dépensons sans compter un argent que nous n’avons pas, et qu’il serait grand temps que nous nous mettions à travailler vraiment…
"Les Européens ont attendu trop longtemps pour traiter leurs problèmes de dettes et de dépenses", répète-t-on outre-Atlantique. Un consensus qui n’a pas empêché l’Europe, une fois n’est pas coutume, d’être un thème de campagne en 2012 : républicains et démocrates s’accusent mutuellement de copier Bruxelles…
Une table ronde se tiendra le 8 octobre 2012 à 19h, autour du livre Où va l’Amérique ? De Wall Street à Main Street, la peur du déclin, de Gilles Biassette, avec des journalistes, des écrivains et d’autres commentateurs de la scène américaine, à l’American University of Paris.
Bonnes feuilles du livre de Gilles Biassette : "Où va l'Amérique ?" aux Editions Baker Street.