Tous les pays développés vont devoir faire face dans les années à venir au vieillissement de leur population. Selon l'INSEE, en 2030, 23,2% de la population française aura plus de 65 ans. Il y aura alors un rapport de dépendance démographique en France d'environ 0,5 contre 0,25 actuellement. Cela signifie qu'il y aura, en 2030, 1 personne de plus de 65 ans pour 2 personnes en âge de travailler (contre 1 personne de plus de 65 ans pour 4 personnes en âge de travailler actuellement). Et qui dit vieillissement de la population, dit hausse des dépenses de santé et des pensions retraites (= hausse du déficit toutes choses égales par ailleurs).
Cet article du Captain' s'appuie sur trois rapports: le premier est l'oeuvre de la Bank for International Settlement (BIS), "The future of public debt: prospects and implications" (Ceccheti & al. - 2010). Le second du ministère des finances français, "Futures dépenses liées au vieillissement de la population dans l’Union européenne à 25" (2006). Et le dernier de l'OCDE "Consolidation budgétaire: quelle ampleur, quel rythme, quels moyens?" (2012).
Les conclusions des trois rapports sont très semblables. (1) Si rien de change, les déficits vont exploser avec le vieillissement de la population. La hausse de dépenses liée au vieillissement de la population est estimée à environ 3% du PIB à l'horizon 2050 en France. Ce qui veut dire, en simplifiant, que cela devrait créer environ 60 milliards de hausse des dépenses par an. Et ceci pourtant en prenant en compte le fait que le vieillissement de la population devrait entraîner quelques économies, via la potentielle amélioration de la situation du marché du travail (baisse des indemnisations chômages) et la baisse des dépenses d'éducation (+ de vieux = moins d'écoles).
(2) En gardant la trajectoire actuelle, la dette pourrait atteindre 400% du PIB en France en 2040 ! Et c'est la même chose dans tous les pays développés, avec des petites différences en fonction du niveau actuel de dette, des estimations de croissance, des taux d'intérêt et de l'évolution à venir de la pyramide des âges. Comment est calculé ce chiffre? Et bien ce scénario est construit en prenant en compte les hypothèses suivantes. Tout d'abord on suppose que les dépenses "hors dépenses liées au vieillissement" et les recettes de l'Etat en % du PIB restent à leur niveau actuel. Le taux d'intérêt est déterminé comme la moyenne des taux sur la période 1997-2007, et la croissance est définie au niveau des estimations de croissance de l'OCDE pré-crise. Pour faire simple, on regarde la situation actuelle et la situation moyenne avant crise, et on calcule, si rien ne change, quel serait l'effet de la hausse des dépenses dues au vieillissement de la population. Sans baisse des dépenses de l'Etat, ou bien sans hausse de l'âge de départ à la retraite, on voit bien la catastrophe qui nous arrive dessus, même pour l'Allemagne dont la dette atteindrait 300% du PIB en 2040.
Mais on se doute bien que les pays vont devoir agir d'une façon ou d'une autre. Le second scénario pose donc comme base une amélioration du solde primaire (enfin une baisse du déficit primaire) de 1% par an dans tous les pays entre 2012 et 2017. Cette hypothèse suppose de très forts ajustements (= fortes baisses des dépenses et/ou fortes hausses d'impôts), et correspond quasi-parfaitement aux promesses de François Hollande dans son programme, qui annonçait vouloir passer d'un déficit de 5% en 2011 à l'équilibre en 2017. Le problème est que même avec ce scénario, la dette en pourcentage du PIB augmenterait en France à long terme...
Le troisième scénario suppose toujours l'amélioration du solde primaire de 1% par an entre 2012 et 2017, mais en y ajoutant une autre hypothèse: le gel des dépenses liés au vieillissement de la population au même niveau que le niveau actuel de 2011. Alors qu'avec ce scénario la dette en % du PIB diminuerait dans certains pays, cela ne serait pas le cas en France selon l'étude de la Bank of International Settlement.
Le graphique ci-dessous résume tout cela, et montre l'évolution de la dette en % du PIB en fonction du scénario retenu dans 12 pays de l'OCDE (scénario 1 en rouge, scénario 2 en vert et scénario 3 en bleu).
Un rapport de l'OCDE de 2012 "Consolidation budgétaire: quelle ampleur, quel rythme, quels moyens?", estime que la France devrait améliorer son solde budgétaire primaire de 6 points immédiatement pour ramener sa dette à 50% du PIB d'ici 2050 ! Six points de PIB, cela représente la modique somme de 120 milliards d'euros ! Pour mieux comprendre le principe de la dynamique de la dette, le Captain' vous invite à lire un article qu'il avait rédigé il y a quelques mois "La dynamique de la dette : taux d'intérêt, croissance, inflation et solde budgétaire primaire"
Avant de prendre une corde, regardez la situation du Japon, dont la dette est déjà totalement hors de contrôle (regardez aussi le graphique ci-dessus qui confirme cela, même dans le scénario 3, la dette du Japon explose à près de 400% du PIB). Il faudrait en effet au Japon un effort d'assainissement de près de 12% du PIB pour ramener sa dette à 50% en 2050 !
Attention: ces deux études sont basées sur le déficit primaire de chaque pays en 2011, donc une année pas spécialement rose pour l'économie mondiale. De plus, les hypothèses de retour de la croissance à son niveau de pré-crise et de taux d'intérêt à un niveau correspondant au taux moyen sur la période 1997-2007 ne reflètent pas parfaitement la situation actuelle en zone euro. Mais les chiffres donnent tout de même une bonne indication des efforts d'assainissement à faire dans les années à venir.
Par exemple, l'étude de la Bank of International Settlement montre que pour que la France retrouve son niveau de dette de 2007 (soit environ 60% du PIB, ce qui est d'ailleurs le niveau maximum de dette si l'on suit le traité de Maastricht), il faudrait que la France ait un excédent primaire moyen de 2,8% sur les 20 prochaines années ! Le tableau ci-dessus résume l'excédent primaire moyen nécessaire dans chaque pays pour retrouver le niveau de dette pré-crise. Il est intéressant de voir que sur le long terme, c'est en Italie que l'effort est le moindre ; l'Italie ayant besoin d'un excédent primaire moyen de 2,5% contre 0% actuellement (résultat confirmé aussi sur le graphique ci-dessus).
Conclusion: La conclusion de Ceccheti & al. dans l'étude de la BIS, que le Captain' partage totalement, peut se résumer de la façon suivante: "Une consolidation fiscale doit inclure des mesures crédibles pour diminuer les futures engagements de l'Etat (hausse des dépenses de santé et de pension). Une décision d'augmenter l'âge de départ à la retraite apparait comme une meilleure mesure que d'augmenter les taxes ou de diminuer les reversements". En France, l'âge de départ à la retraite est le plus bas en Europe, et les dépenses de retraites en % du PIB parmi les plus fortes (source: Fondation Robert Schuman)! Prêt à travailler jusqu'à 70 ans les amis ?