France-Allemagne : toujours amis ?

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Par Charles Sannat Modifié le 24 septembre 2012 à 10h41

Alors que la ville de Francfort et l'Allemagne sont en train de célébrer la naissance de Johann Wolfgang von Goethe, le Gouverneur de la Bundesbank, Jens Weidmann (celui dont on a déjà parlé et dont la démission a été plusieurs fois évoquées ces dernières semaines), a lâché une véritable petite bombe en disant que "Goethe avait déjà pris il ya 180 ans toute la mesure du principal problème économique à savoir que chaque politique monétaire se termine par un excès de papier-monnaie fatal".

Mon allemand n'étant pas très évolué, en gros le patron de la banque centrale allemande a profité de ces commémorations pour rappeler à tous que nous avions besoin d'une monnaie stable et de la confiance des agents économique dans la pérennité de notre monnaie, et qu'il fallait protéger la politique monétaire de la tentation de la planche à billets, et que la voie choisi par la BCE et son gouverneur Mario Draghi, prêt a acheter des obligations d'états de façon illimitée n'était pas la bonne et qu'il n'allait pas se priver de le dire.

Pour la petite histoire, dans l'ouvrage Faust, de Goethe, un long passage est consacré à l'inflation qui est un problème récurrent des monnaies puisque leur espérance de vie est d'environ 18 ans, et que cela se termine à chaque fois de la même manière.

Pendant ce temps, dans un entretien à Médiapart diffusé dimanche le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault s'est dit "favorable" à ce que l'on donne "plus de temps" à la Grèce "pour s'en sortir", mais "à une condition : qu'elle soit sincère dans l'engagement des réformes, notamment fiscale".

Interrogé sur la situation de ce pays, M. Ayrault indiquait que "la solution ne peut être la sortie de la Grèce de l'euro". "On peut déjà lui donner plus de temps pour s'en sortir". Ce qui est extraordinaire, dans cette déclaration c'est l'idée de sincérité dans l'engagement des réformes.
Cela ne veut strictement rien dire. Il faut donc retenir que pour la Grèce, comme pour la France, nous aurons besoin de plus de temps, beaucoup plus de temps. D'ailleurs si cela pouvait s'accompagner également de l'impression de beaucoup de billets, ce serait mieux...
Pour le Premier ministre, ne pas signer le traité européen, c'est sortir de l'euro...



Pendant ce temps Europe Ecologie-Les Verts a décidé de rejeter le traité budgétaire européen. Psychodrame dans la majorité, et d'ailleurs cela fait désordre. D'un autre côté cela a le mérite d'une certaine cohérence puisque ce traité budgétaire est un véritable problème pour notre pays. Il nous impose de revenir rapidement à l'équilibre financier et d'y rester. En soi l'idée est plutôt bonne et ce n'est pas moi qui dirai le contraire. Le problème c'est que la politique d'ajustement qu'il devrait menée sera très douloureuse et porteuse de récession comme nous avons pu déjà l'expliquer dans ces colonnes.

Et puis soyons honnête, nous n'avons pas l'air de prendre le chemin des réductions de dépenses. Quant à celui des augmentations d'impôts, lorsque l'on nous explique ce week-end, que non, le gouvernement ne sera pas celui du matraquage fiscal, après nous avoir expliqué qu'il ne serait pas non plus celui de l'austérité, il y a de quoi commencer à se gratter sérieusement les capillaires.

Une augmentation de la CSG? N'y pensez plus. Bon il manque bien (pour le moment) 37 milliards d'euros pour boucler le budget... Enfin boucler, c'est vite dit, disons pour être moins à découvert que d'habitude. Mais franchement, 37 milliards, ce n'est rien. Une broutille. C'est plus de 10 % des recettes, mais chut.

Donc du coup Jean-Marc Ayrault, très prolixe dimanche, met en garde ceux qui, ne veulent pas ratifier le traité budgétaire européen. Pour lui "la conséquence logique de leur démarche, c'est la sortie de l'euro". Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a lancé un "appel à la raison à la gauche" sur le traité budgétaire européen.

Jean-Marc Ayrault a précisé que "nous, nous allons jusqu'au bout de la défense de l'euro. Non par dogmatisme, mais par sens des réalités", et que ni le président François Hollande ni lui-même "ne prendraient jamais la responsabilité de laisser disparaître l'euro". C'est bien de ne pas vouloir quitter l'euro, mais on ne s'attaque pour le moment à aucun des causes des difficultés actuelles de la monnaie unique.

La raison majeure reste un problème de conception même. En réalité il existe une multitude d'unions monétaires. Le franc en était une. La lire également, et la peseta aussi ! Dans une union monétaire, les riches paient pour les pauvres, ou plutôt les régions riches pour les régions pauvres. Lors de la réunification Allemande dans les année 90, il y avait bien la monnaie de l'Est et celle de l'Ouest. Et c'est bien l'Ouest riche qui a financé la mise à niveau des régions défavorisées.

Cela est l'exemple même d'une union de transfert. Cette idée, appliquée au niveau de l'Europe signifie que les pays riches doivent payer, pas prêter, ni imprimer des billets, ni demander quoi que ce soit en échange, non ils doivent payer à vie, pour toujours, pour les régions les plus pauvres qui globalement le resteront pour l'éternité ou presque. L'Italie du Nord et l'une des régions les plus industrielles du monde et les plus riches. L'Italie du Sud est toujours fauchée...même deux siècles et quelques après l'unification italienne, et ils continuent de payer.

C'est bien cela le procès fait l'Allemagne. C'est dans ce sens là que certains disent que les Allemands ne jouent pas le jeu. D'un autre côté, si on nous demandait, à nous Français, de payer à vie, pour que les Grecs se la coulent douce, je ne suis pas sur que l'on se sentirait très européens...



Alors, voilà ou se trouve l'Europe aujourd'hui. Dans une espèce de situation figée, comme paralysée, un peu dans l'œil du cyclone. Chacun s'observe. On a encore gagné du temps. On attend de voir dans quel sens le vent va se mettre à tourner. Mais au fonds de nous, nous savons tous que les désaccords sont trop profonds et trop graves pour que l'euro puisse perdurer dans sa forme actuelle.

On ne peut pas demander aux Allemands de payer notre retraite à 60 ans, alors qu'ils travaillent jusqu'à 67 ans. Ce qui tombe bien vu qu'ils n'ont absolument pas l'intention de payer. En attendant on fait mine de ne pas voir le fossé qui nous sépare. Ce fossé, ce jour en jour grandi. C'est ce que vient de rappeler ce refus d'une partie de la majorité (sans juger du bien fondé) de l'austérité imposé par le voisin allemand.

Le Président français et la Chancelière allemande, ont lancé ce week-end, "l'année de l'amitié". Mais rassurez-vous, nous sommes amis, on s'aime bien, on a plus envie de se faire la guerre. Non, le problème n'est pas l'amitié. Le problème, c'est la divergence des deux principales économies de la zone euros alors que jusqu'en 1995, l'Allemagne et la France était relativement proche.

Aujourd'hui, nous nous sommes résolument situé dans le camp de l'Europe du Sud. Revenir dans le peloton de tête va nous demander des efforts considérables. Rien ne dit que la France y soit prête. Enfin, comme on est ami, c'est sur, "tout sera bien qui finira bien"... ou pas.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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