Brexit : une sortie négociée reste le scénario central. Mais…

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Par Stéphane Déo Modifié le 16 janvier 2019 à 11h07
Brexit Vote Nay No 2
@shutter - © Economie Matin
0,887La livre traite à 0,887 contre un euro, ce qui est dans la fourchette vue depuis le référendum de 2016 : pas de mouvement de panique.

La large défaite de May hier au Parlement diminue la probabilité d’une sortie négociée du Royaume-Uni et ouvre un champ des possibles immense. Un scénario de sortie négociée, avec probablement la date butoir du 29 mars repoussée, reste néanmoins notre scénario central.

230 voix de différence

Le vote négatif du Parlement britannique sur l’accord de sortie de l’UE est tout sauf une surprise. Le suspense était sur la marge du rejet, elle est considérable, proche des estimations les plus larges avec 230 voix de différence : 432 députés sur 650 ont voté contre, 202 ont approuvés.

« What’s next ? » Les spéculations vont aller bon train sur une possible renégociation de l’accord, un possible second vote, un possible amendement du texte de l’accord, une possible démission de May (entre autres options possibles).

Plusieurs points sont certains.

  • Une motion de défiance a été déposée contre Theresa May et doit être examinée aujourd’hui. Il est peu probable qu’elle soit approuvée.
  • L’amendement Grieve, voté la semaine dernière, oblige le gouvernement à présenter une nouvelle proposition avant le lundi 21 janvier. Proposition que les députés peuvent alors amender, c’est donc le Parlement qui dorénavant gère le dossier. Cela ouvre donc une complexité de plus dans un processus déjà particulièrement touffu puisque l’accord amendé devra aussi être approuvé par l’UE. Une gageure...
  • Enfin, plusieurs sources confirment que les équipes de la Commission travaillent sur l’aspect légal d’un report de la date butoir du 29 mars. Proroger cette date (une option prévue dans le traité sur l'Union européenne, alinéa 3 article 50) de plus de quelques semaines impliquerait que le Royaume-Uni participe aux élections européennes de fin mai, et envoie des députés au Parlement Européen. Malgré ces difficultés, il n’en demeure pas moins que la probabilité d’un report a grandement progressé.

Junker a annoncé hier qu’il avait annulé toutes ses obligations pour aujourd’hui, mais l’ampleur de la défaite laisse perplexe sur les capacités d’amender le texte suffisamment pour convaincre 115 députés de changer d’avis. L’Union Européenne a d’ailleurs refusé d’appeler un conseil d’urgence ce week-end en l’absence de visibilité sur le gouvernement britannique, cette décision semble raisonnable.

Il existe trois fins possibles à cette histoire. Par ordre de probabilité :

  • « Deal », une sortie négociée. Cela peut prendre la forme d’un second vote accepté au Parlement, d’un vote sur un texte amendé ou même d’une sortie avec un accord « norvégien ». Dans ce scénario il y a aussi l’option de proroger pour un temps l’article 50 ce qui nous donnerait un accord après mars. Même s’il est difficile de trouver un accord qui satisfasse toutes les parties, cette option doit rester le scénario central car c’est celui souhaité par la majorité. Incontestablement, le vote d’hier en diminue toutefois la probabilité.
  • « Bremain », le RU reste dans l’UE. Farfelu et très peu probable il y a encore quelques semaines, la probabilité de cette option augmente rapidement à cause de la décision de la Cour de Justice Européenne qui permet au RU de retirer sa demande de sortie et à cause de l’impossibilité de trouver un accord. Une option qui n’est pas légitime car elle va bien évidemment à l’encontre du référendum. Elle peut devenir un pis-aller si un accord est vraiment impossible à trouver et si elle devient la seule alternative à un « hard Brexit ». La probabilité de ce scénario augmente.
  • « Hard Brexit » une sortie sans accord. Cette option n’est pas légitime non plus car elle n’est souhaitée que par une minorité. Il faut donc faire l’hypothèse d’une impasse (le Parlement n’arrive pas à se décider) ou d’un remplacement de May au gouvernement par un tenant de cette option ou encore d’un accident (à force de jouer avec les échéances…). Nous avons la conviction que à la fois l’UE et la grande majorité des britanniques veulent éviter ce scénario. Au vu de l’impossibilité de trouver un accord qui satisfasse une majorité, l’option « hard Brexit » est loin d’être impossible, le vote d’hier la rend plus probable mais sa probabilité reste limitée.

Pour l’instant le marché reste étonnement placide. La défaite de May était annoncée, son ampleur ne semble pas avoir affecté les marchés, tout au moins les marchés de change, outre mesure. Certes la livre traite à 0,887 ce matin contre un Euro, ce qui est dans la fourchette vue depuis le référendum de 2016 et qui ne dénote pas de mouvement de panique, loin de là.

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A très court terme, depuis lundi, les mouvements tant sur la devise que sur la volatilité implicite, restent aussi mesurés. Il faut donc croire qu’effectivement le résultat du vote était dans une très large mesure attendu et que le marché continue de faire l’hypothèse qu’un hard Brexit est peu probable. Les bookmakers cotent la probabilité qu’aucun accord ne soit trouvé avant le premier avril à seulement 12,20%. C’est cohérent avec les mouvements de marché, mais au vu de la complexité du processus cela nous semble d’un optimisme béat…

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L’Allemagne évite la récession (probablement…)

L’Allemagne a publié son estimation de PIB annuel pour 2018, avec un taux de croissance de 1,5% par rapport à l’année précédente. On ne dispose pas encore d’estimation pour le quatrième trimestre, mais le chiffre annuel est compatible avec une croissance de 0,1% au T4, après une contraction de 0,2% au T3. L’Allemagne aurait donc évité la récession, i.e. deux trimestres de suite en contraction.

Le niveau du solde public a lui aussi été publié avec un surplus de 1,7%. D’après nos estimations la dette sur PIB devrait donc s’établir à 60,5% en fin d’année, contre 64,1% l’année dernière. La pénurie de Bund va s’accentuer, cela devrait maintenir une pression forte à la baisse sur les taux Allemands.

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Les ports les plus importants au monde

D’après le World Shipping Council, 7 des 10 principaux ports mondiaux se trouvent en Chine (incluant Hong Kong), 10 sont Asie…

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Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie). Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.