C'est dur à concevoir, mais c'est pourtant la stricte vérité. Alors que l'économie mondiale pèse essentiellement sur la capacité des acteurs de l'économie à communiquer entre eux - sans communication, pas d'échanges possibles - l'Union Internationale des Télécommunications (UIT) qui comprend 193 pays membres, autant dire toute la planète, tient congrès pour la première fois depuis près de 25 ans, à Dubaï. Or, que s'est-il passé depuis 1988 ? Tout simplement l'arrivée (l'explosion) du téléphone mobile, et accessoirement... de l'Internet.
Or, le modèle économique de l'internet, mais aussi du téléphone mobile, est bien différent de celui des télécoms traditionnelles. Surtout, la tarification a considérablement changé ! Voici seulement dix ans, un appel Paris / Province était facturé 15 centimes d'euro la minute. Un appel vers les Etats-Unis, 30 à 50 centimes, et un appel vers Pékin 2 euros au minimum. Aujourd'hui ? Tout est gratuit, inclus dans des forfaits illimités (pour la téléphonie fixe) permettant d'appeler vers des dizaines de pays gratuitement. Dans le mobile, même chose. Voici encore quelques mois, un abonnement 4 heures d'appel était facturé 50 euros. Aujourd'hui, pour 20 euros, les appels sont illimités, SMS et data inclus. Pour Internet, c'est la même chose : une connexion "haut débit", dix fois moins performante que celles proposées aujourd'hui, pouvait revenir rapidement à 60 voire 100 euros par mois.
Ces tarifs avaient du bon : ils permettaient aux opérateurs entrants comme sortant d'être rémunérés, mais aussi d'investir. Or, aujourd'hui, en 2012, les tarifs d'interconnexion sont au plus bas, à tel point que bien des échanges se font sur la base de la gratuité, quand les volumes échangés sont comparables. Plutôt que de se facturer de manière croisée, la plupart des opérateurs ont conclus des accords d'interconnexion, leur permettant de se transmettre les appels dans les deux sens sans facturation. De facto, la seule rémunération percue est celle de l'opérateur de départ, de plus en plus souvent, dans un forfait.
Avec Internet, c'est encore pire : les gros consommateurs de bande passante, comme les sites de vidéo Youtube et Dailymotion, ne financent que l'hébergement de leurs données, et l'interconnexion avec les réseaux de données. Une fois que celles-ci transitent sur le réseau mondial, ce n'est plus leur problème, mais celui des fournisseurs d'accès Internet. C'est pour cette raison que les abonnés de Free se plaignent d'avoir des difficultés pour accéder à Youtube et Dailymotion, l'opérateur refusant de prendre à sa seule charge les investissements nécessaires pour permettre de fluidifier l'accès aux contenus des plateformes vidéos.
C'est donc ce sujet majeur du "qui va payer quoi et comment" qui sera au coeur des discussions de l'UIT pendant 15 jours, avec pour objectif de renégocier les traités qui régissent les télécoms mondiales. Rien de moins.