Le projet de loi de finances prévoit un alignement de l’imposition des revenus du capital sur ceux du travail. Pour faire simple, l’imposition sur les plus-values réalisées subirait un quasi-doublement.
Les initiateurs de cette disposition, qui souhaitent évidemment diminuer notre déficit, risquent de se retrouver dans le rôle de l’apprenti sorcier qui nettoie son atelier mais déclenche un cataclysme : "Oups !" Car les deficits se réduisent avec la croissance, qui dépend des créations d’emplois.
Et les créations d’emplois ne se font ni dans les grands groupes, ni dans les PME stables, ni dans le public. Il est concentré en un seul lieu : le petit nombre de PME à forte croissance. Et ces PME "de course" ne se développent qu’avec deux facteurs : du financement privé, et la volonté des entrepreneurs.
Des dispositions simples permettraient de conserver l’efficacité supposée de cette disposition du projet de loi, tout en évitant de casser la seule source de création d’emploi en France. Les créations d’emploi net (embauches moins suppressions) sont concentrées dans les PME à forte croissance. Plus de 80 % des emplois créés en France le sont par des PME : moitié dans les 5-20 employés, moitié dans les 20-500 .
Or, les 5 % des PME à forte croissance créent plus d’emplois que toutes les autres prises ensemble. Le principal facteur qui distingue ces PME créatrices d’emplois, c’est leur capitalisation. Leur capital par employé est 5 à 10 fois supérieur à celles des entreprises à croissance plus lente. Ce sont elles qui deviennent les Entreprises à Taille Intermédiaire, que nous envions tant à l’Allemagne.
Le projet diminue radicalement la motivation des investisseurs des premiers tours de financement de ces entreprises – qui investiront plutôt dans des œuvres d’art, par exemple, pour les léguer sans imposition à leurs enfants. Il porte directement atteinte à la capacité de ces entreprises à se capitaliser. Il met donc directement en jeu la seule source de création d’emploi net du pays.
Le projet touche aussi à l’autre facteur essentiel de création et de développement : la motivation des créateurs. Ces entrepreneurs méritent-ils une prime lorsqu’ils réussissent ? Socialement, la réponse est oui, tout simplement car ils sont les seuls à créer des emplois ! En les mettant dans le même sac que les "rentiers", le projet de loi prend le risque de méconnaître où et comment se créent les emplois en France.
Ces 10 dernières années, les PME de croissance ont créé 600 000 emplois directs, et autant d’indirects. Sans modification, le projet de loi pourrait effacer, sur les 5 prochaines années, plus de 100 000 emplois et de 15 milliards d’euros de recettes fiscales, en supposant que seulement 20% des PME se trouveraient plus mal financées qu’aujourd’hui.
Tous ceux qui ont, ces dernières semaines, parlé à des investisseurs et des entrepreneurs, savent bien que cette menace n’est pas virtuelle, mais bien réelle. Le calcul économique est simple : pourquoi faire des efforts énormes, et mettre sa famille en risque, si la rémunération des créateurs d’emploi est inférieure à un salaire moyen dans le confort d’une grande entreprise ?
Notre pays a en ce moment, plus que jamais, besoin de justice sociale. Il est impératif, et possible, de conjuguer cette exigence avec l’investissement dans les PME de croissance ! Pour cela, il suffirait que le projet exclue les PME de croissance, voire les sociétés non cotées en bourse, de son champ d’application.
Cette simple disposition permettrait toujours de taxer "l’argent qui se gagne en dormant" et ne changerait pas grand-chose à l’équilibre financier de la loi. Elle sauvegarderait l’emploi. Elle briserait la confusion malsaine, dans l’esprit public, entre entrepreneurs et rentiers. Mais surtout, elle ferait d’une pierre deux coups, en orientant le financement privé vers les PME.
L’enjeu ? Si l’on analyse ce que font déjà nos voisins européens, comme la Finlande ou le Royaume-Uni, un doublement du financement des PME à forte croissance nous donnerait accès à un gisement de 600.000 emplois supplémentaires sur les 10 prochaines années, avec l’énorme flux de TVA et de contributions sociales qui leur serait associé.