Les professions libérales et les entrepreneurs seront-ils sommés de payer la facture qu’Emmanuel Macron est prêt à lâcher pour sortir de la crise des Gilets Jaunes? Les premiers éléments qui commencent à bruisser ou qui apparaissent font craindre le pire.
À ce stade, le gouvernement aurait déjà consacré environ 12 milliards € à la résolution d’une crise qui n’en finit pas de s’éterniser. On sait déjà que les comptes sociaux seront en déficit de plusieurs milliards en 2019, là où la loi de financement de la sécurité sociale adoptée en décembre 2018. Selon toute vraisemblance, il faudra aligner un montant tout aussi important à la fin du débat pour donner le sentiment que le gouvernement prend en compte les demandes exprimées par la populace.
On pense ici tout particulièrement à la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité, qui risque de hanter les cahiers de doléance.
Mais où le gouvernement trouvera-t-il l’argent de sa politique ?
Toute la question sera de savoir où le gouvernement « tapera » pour rééquilibrer des comptes mis à mal dans des proportions importantes. Sur ce point, des segments de populations émergent déjà comme des cibles potentiels pour les snipers de Bercy.
Ainsi, dans le Canard Enchaîné de la semaine dernière, était-il fait écho d’une augmentation de 5 points de la taxe sur les dividendes. Cette idée, qui annihilerait les effets du prélèvement forfaitaire unique, donnerait une indication forte sur l’arbitrage final rendu par le gouvernement: on n’améliore pas le pouvoir d’achat par une baisse des finances publiques, par une ponction lourde sur les entrepreneurs.
Les médecins de ville dans le viseur
Hasard du calendrier? Le directeur de la DREES (l’une des directions du ministère de la Santé) a rendu hier un rapport collectif sur le financement de la santé. On pourra en lire un compte-rendu détaillé dans nos colonnes, et nous suggérons à chacun de s’y intéresser de près tant les pistes d’économie sont explosives.
Dans la pratique, ce rapport propose d’abandonner de façon grandissante le paiement à l’acte, et d’entrer dans une logique de paiement « combiné ». Ce système obligerait les médecins à se regrouper ou à passer des conventions avec les hôpitaux pour se faire rémunérer une partie des « épisodes de soins ».
Par exemple, dans le cas d’une fracture suivie d’une rééducation, l’assurance-maladie rembourserait la totalité de l’épisode. Les médecins partie prenante aux soins (hôpital, kinésithérapeutes, médecins de ville) auraient à charge de se répartir entre eux, le plus équitablement possible, la somme payée par l’assurance maladie.
Ce dispositif entrerait en vigueur très rapidement. On mesure la logique politique qui est sous-tendue dans ce dispositif. Les professions libérales épongeraient peu à peu le déficit de l’assurance maladie en partie liée aux cadeaux faits aux Gilets Jaunes.
Toujours rien sur la baisse des dépenses publiques
Pendant ce temps, rien ne se passe sur le front des dépenses publiques. Il faut dire que Jean-Yves Le Drian s’est opposé à une réforme de la fonction publique, craignant le chahut qu’elle causerait. Ce faisant, il condamne le gouvernement à augmenter les impôts et à creuser les déficits pour sauver la situation.
Pourtant, les alertes ne manquent pas sur l’incurie de l’administration et sur les gabegies du service public. Ainsi, la Cour des Comptes vient de publier un rapport sur la mauvaise gestion du ministère de la Justice dont les moyens ont fortement augmenté alors que les performances baissaient.
Une fois de plus le déficit de management et de pilotage du service public est mis à nu, dans l’indifférence du pouvoir exécutif, qui en est pourtant le premier responsable. Tous ces dossiers sont autant de boomerangs qui reviendront dans la figure du pouvoir en cas de mise à contribution sévère des indépendants et des entrepreneurs.
Les entrepreneurs grandes victimes des Gilets Jaunes
Ces mauvaises nouvelles arrivent alors qu’officiellement on célèbre la forte hausse du nombre de créations d’entreprises en France. En réalité, le chiffre est en trompe-l’oeil: ce sont surtout des auto-entrepreneurs qui poussent comme des champignons, gonflés par l’ubérisation de l’économie. Ces aventuriers des temps modernes vivent souvent dans la précarité, et on aurait bien tort de tirer gloire de cet événement.
Tout porte à croire que, malgré ces éléments alarmants, le gouvernement cédera à la facilité et reprendra autant que faire se peut ce qu’il a donné il y a quelques mois aux risk-takers de ce pays.
Article écrit par Eric Verhaeghe sur son blog