Crise économique : aucune solution facile ou confortable à notre portée

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Par Charles Sannat Publié le 11 octobre 2012 à 10h32

Il est difficile d’expliquer aux gens qu’il n’y a pas de bonnes solutions pour sortir de la crise. Non pas que ce soit technique, ou que les gens ne comprennent pas les explications. Non, ce qui est incroyable, après cinq ans de crise, c’est que nous soyons toujours confrontés à du déni. Ce n’est pas possible, il doit y avoir une solution.

La réponse est non. Il n’y a, et il n’y aura, aucune solution facile ou confortable. La preuve nous vient aujourd’hui du Royaume-Uni qui pourtant dispose de sa propre souveraineté monétaire, de sa propre planche à billets, qu’il ne se prive pas d’ailleurs d’utiliser. Dans mon précédent article intitulé "Que faire", l’un des lecteurs faisait remarquer que je n’évoquais pas l’essentiel, à savoir posséder notre propre monnaie nationale.

En réalité, ce n’est justement pas l’essentiel. Pourquoi ? Si posséder sa propre souveraineté monétaire confère à un Etat une indépendance indéniable, cela ne réglera en rien le stock de dettes existant. Si retrouver notre propre monnaie peut, en cas de désaccord persistant avec nos partenaires européens, être une solution parfaitement viable de sortie, il n’en demeure pas moins que cela ne réglera pas le problème des dettes.

Pour être plus précis, sortir de l’euro peut bien sûr permettre de retrouver de la compétitivité, et in fine de sortir d’une partie de la crise, mais il faut être honnête : cela s’accompagnerait au mieux de dévaluations compétitives, au pire de création monétaire d’une telle importance que cela amènerait de l’hyperinflation. En disant cela, je ne dis pas que l’euro doit être sauvé à tout prix, ni qu’une sortie de l’euro serait une horreur. Je dis juste qu’il ne faut en aucun cas idéaliser cette option.



Ce peut être une partie de la réponse, en aucun cas LA réponse à la crise multifactorielle que nous traversons. C’est d’ailleurs à mon sens ce que prouve aujourd’hui l’exemple du Royaume-Uni. Que la perfide Albion connaisse des difficultés économiques majeures malgré son indépendance monétaire démontre bien qu’une politique monétaire aussi essentielle soit-elle n’est pas l’alpha et l’oméga dans la crise actuelle.

Les propos du Premier ministre britannique David Cameron ne sont pas anodins. Loin de là. Il a préparé mercredi ses compatriotes à de nouvelles mesures d’austérité, cruciales selon lui, pour que la Grande-Bretagne ne "coule" pas. Rien que ça. Remarquez, pour un pays qui a gagné la bataille de Trafalgar, cela me remonte le moral. Ce ne serait après tout qu’un juste retour des choses. Voici les meilleurs moments de son intervention : "Si nous n’agissons pas, si nous ne prenons pas des décisions difficiles et douloureuses, si nous ne faisons pas preuve de détermination et d’imagination, la Grande-Bretagne ne sera peut-être pas dans l’avenir ce qu’elle a été par le passé."

"Parce que la vérité est la suivante, nous sommes aujourd’hui dans une course mondiale, l’heure de vérité a sonné pour des pays comme le nôtre. Allons-nous nager ou couler, agir ou décliner", a-t-il déclaré, sur un ton grave. Son discours fait suite aux annonces faites lundi par le ministre britannique des Finances, George Osborne, de nouvelles coupes relativement importantes de 10 milliards de livres dans les dépenses sociales et qui toucheront notamment les allocations familiales ou les aides aux logements des jeunes chômeurs. Elles s’ajoutent aux coupes de 18 milliards de livres déjà prévues d’ici à 2015 par le gouvernement.

Et David Cameron de rajouter : "Comment allons-nous nous en sortir ? Ce n’est pas compliqué. En travaillant dur. En donnant la priorité à la famille. En prenant nos responsabilités. En servant les autres", a-t-il énuméré, reprenant les valeurs traditionnelles des Conservateurs. Sauf qu’objectivement, il me semble difficile de parler de famille lorsque justement les familles sont les premières touchées par les plans d’austérité du gouvernement britannique.



Il est difficile de travailler plus si ce n’est de supprimer purement et simplement tout droit à la retraite puisque, compte tenu des niveaux de pension au Royaume-Uni, les "vrais" seniors sont de plus en plus nombreux à travailler au-delà de 70 ans… Encore faut-il pouvoir trouver un travail ! Quant au fait de servir les autres, j’imagine qu’il faut comprendre que les Britanniques doivent continuer à payer pour les gentils banquiers de la City, et les sympathiques lords propriétaires de l’Angleterre et dont la rente de situation explique le prix intouchable de l’immobilier anglais. On peut donc dire que le tapis rouge anglais semble quelque peu percé.

Encore un effort David, et nos amis britanniques traverseront en masse la Manche pour venir vivre dans notre douce France ! Il faut donc retenir qu’il n’y a aucune idée neuve, de ce côté-ci ou de l’autre du channel. Le peuple anglais sera saigné à blanc, avec ou sans la livre sterling, au même titre que les Espagnols, les Italiens, les Portugais… ou bien sûr les Français, avec ou sans l’euro.

Mais il y a une bonne nouvelle tout de même, sachez-le : malgré la crise qui affecte durement les économies de nombreux pays européens, Bruxelles souhaite que la politique d’élargissement se poursuive, tout en reconnaissant que la plupart des pays candidats doivent encore faire des progrès avant de rejoindre l’UE. Huit pays sont candidats ou candidats potentiels à l’UE, dont six dans les Balkans : Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine, Monténégro et Serbie, ainsi que l’Islande et la Turquie.

"Renforcer l’État de droit et la gouvernance démocratique est crucial pour le processus d’élargissement", a estimé mercredi la Commission européenne dans son rapport de suivi annuel sur le processus d’élargissement aux Balkans occidentaux, à la Turquie et à l’Islande. "Le rythme auquel chaque pays évolue vers l’adhésion dépend de ses performances" dans le domaine du droit, et notamment des progrès enregistrés dans la lutte contre la criminalité organisée et la corruption, souligne le rapport présenté par le commissaire chargé de l’Élargissement, Stefan Füle.



En revanche, la Commission note de façon "surprenante" que les progrès de la Turquie sont insuffisants. "Le nombre élevé d’affaires juridiques et d’enquêtes concernant des journalistes ainsi que la pression indue à l’encontre des médias" continuent d’être une source de "préoccupation grave", affirme le rapport qui déplore en outre le litige non réglé entre la Turquie et Chypre.

La Commission compte dépenser 14,1 milliards d’euros de 2014 à 2020 pour aider les pays sur la voie de l’adhésion. Que l’on soit pro ou anti-européen, peu importe. Factuellement, l’Europe a atteint un stade de son développement où elle est fragile. Fragile de par des institutions qui doivent s’adapter. Fragilisée par une crise économique mondiale et d’ampleur historique. Bref, avant de nous "élargir", il conviendrait plutôt de se "consolider" !

D’ailleurs, à propos de se consolider, nos amis allemands ne sont guère les amis des Grecs… Croix gammées à Athènes : "l’Allemagne sous le choc". Un excellent article du Figaro revient sur cette affaire. L’accueil réservé à la chancelière mardi à Athènes pour sa visite officielle a choqué les Allemands. Ils jugent les slogans hostiles "ingrats", alors que l’Allemagne reste le premier créancier de la Grèce.

L’Allemagne est sous le choc après l’accueil réservé à sa chancelière par la rue grecque. Les images des manifestations d’opposants à la venue d’Angela Merkel, mardi en Grèce, avec force symboles nazis et slogans de rejet, s’étalaient dans presque tous les journaux mercredi. Soutenue par les sociaux-démocrates, la coalition de centre droit de la chancelière a cloué au pilori le patron de Die Linke, le parti de la gauche radicale, qui a cautionné les dérapages en défilant à Athènes.



"L’Allemagne n’a pas mérité ça : des protestations nauséabondes contre Merkel à Athènes ! Et nous payons encore plus », s’exclamait en une le quotidien populaire Bild qui qualifie la visite d’"erreur politique", "en dépit des bonnes intentions" qui ont présidé à son organisation. "On ne peut pas être plus ingrat. Ça suffit", écrit le journal, qui avait suggéré aux Grecs de vendre leurs îles ou encore l’Acropole pour rembourser leurs dettes en 2010.

"Ce n’est pas le IVe Reich !", écrit le Frankfurter Allgemeine Zeitung, qui rappelle que jamais la chancelière n’a été ainsi reçue avec à la fois les honneurs militaires et les croix gammées des manifestants. "On peut ouvertement se demander si les témoignages de sympathie à mots couverts de la chancelière ont atteint les oreilles des manifestants", écrit le journal, pour lequel seul "un petit cadeau" chiffrable en milliards d’euros aurait pu changer quelque chose."

Voilà qui ne va pas aider Angela à vendre à son opinion publique déjà excédée l’idée d’une activation du MES et de transfert de fonds massifs pour sauver Athènes, alors que l’attitude du peuple a été prise par les Allemands comme une véritable insulte. La crise européenne, loin d’être finie, ne va pas tarder à rebondir.

Pour le moment, les gouvernements tentent désespérément de cacher toute la poussière sous le tapis, au moins jusqu’à l’élection américaine du 6 novembre. Il est fort probable que nous connaîtrons une nouvelle période de grande tension à l’issue des élections aux USA. D’ici là, les autorités feront tout pour maintenir les marchés en état de lévitation et la crise européenne en sourdine.

Mais il ne faut pas s’y tromper. La tension monte dans les plaques tectoniques. Lorsque tout lâchera, le tremblement de terre sera terrible.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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