[BEST OF] Production Personnelle de Cannabis

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Par Collectif La Main Invisible Modifié le 26 juillet 2016 à 8h50
Production Personnelle Cannabis
cc/flickr/!/_PeacePlusOne - © Economie Matin
16 %Entre 16 % et 31,4 % des fumeurs réguliers de cannabis déclarent cultiver leurs plantes pour tout ou partie de leur consommation personnelle, s'exposant ainsi à des peines maximales de 20 ans de prison et 7,5 millions d'euros d'amende.

"Comme d’autres le cannabis, on cultive chez nous le vague à l’âme, petite drogue douce et délétère." – François Mitterrand

Il n’est pas ici question de traiter de la consommation au sens large, ni du commerce du cannabis. Je comprends qu’une légalisation du commerce de stupéfiants puisse être sujet à débats, sur le fond ou sur la forme. Je n’évoque ici que la culture dans un cadre et un lieu privés, pour subvenir aux usages d’une consommation personnelle, car nous touchons de façon caractéristique à la plus pure liberté individuelle.

Un adulte cultivant chez lui quelques pieds de cannabis pour son usage privé nuit-il à la société ? Présente-t-il une menace pour autrui ? Le Trésor public en est-il lésé ? Quelle serait la différence avec la culture potagère pratiquée par des milliers de Français ? Le seul inconvénient pour des tiers découle de notre système de santé par répartition, puisque les risques encourus par le consommateur sont pris en charge financièrement par les autres cotisants. Mais il en va de même pour le tabac, l’alcool, les nuggets de poulet... et c’est un autre débat, évoqué ailleurs dans ce livre.

Pourtant, M. Dupont, qui travaille, paye ses impôts et s’arrête au feu orange, a vécu de plein fouet l’opposition entre la vie privée et une loi pour le moins arbitraire. Coût total de l’opération, un mois avec sursis et 3 000 € d’amende pour 8 pieds de cannabis plantés dans son jardin. Il ne remerciera jamais assez son voisin qui a rempli avec courage son devoir civique et citoyen, ni le législateur qui ne cesse de protéger les Français contre eux- mêmes, sans jamais les consulter d’ailleurs. Alors pourquoi cet interdit ?

Quelques décennies après sa prohibition, force est de constater que la consommation, et donc la culture du cannabis, ont été grandissantes sur l’ensemble de la planète, quelles que soient les conditions de pénalisation et de répression. La France, championne d’Europe de la consommation de psychotropes légaux et remboursés, est depuis long- temps sur le podium en termes de consommation de psychotropes illicites, le cannabis étant très largement en tête.


Or, selon une récente étude de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, entre 16 % et 31,4 % des fumeurs quotidiens, selon les tranches d’âge, déclarent cultiver leur cannabis, pour tout ou partie de leur consommation personnelle. Car cette production présente de nombreux avantages, tant pour le consommateur que pour l’ensemble de la société. Fumer du cannabis non coupé, qui a poussé de manière naturelle dans un jardin, présente moins de risques que consommer de la résine coupée au pneu et à la paraffine, qui a traversé une partie de l’Europe en "Go Fast" et dont le trafic alimente généreusement des gangs de plus en plus puissants. L’autoproduction ne profite à aucun réseau mafieux, elle ne fait forcer aucun barrage à un chauffeur de voiture volée armé jusqu’aux dents.

Néanmoins, le Code pénal prévoit pour la production, même pour usage personnel, une peine maximale de vingt ans de réclusion criminelle ou une amende pouvant aller jusqu’à 7 500 000 euros (art.222-35 du Code pénal). Mais comme pour les faits de consommation "simples", l’opportunité des poursuites pénales appartient au procureur et l’appréciation de la peine appartient au juge, ce qui fait que les sanctions maximales ne sont jamais infligées, sauf en cas de production quasi industrielle.

Dealer au coin de la rue est donc pénalement parfois moins risqué. Précisons d’ailleurs au passage qu’il est statistiquement tout à fait possible que le juge boive parfois un coup de trop, fume comme un pompier, ou soit sous antidépresseurs remboursés,... mais l’élu du peuple a dit que tout cela était légal...

Est-il inconcevable que notre pays adopte le point de vue de nombre de nations plus tolérantes : Australie, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Espagne, Canada, Suisse, Uruguay, etc., où la culture personnelle de petites quantités est dépénalisée ou tout simplement légale, sans provoquer de graves problèmes sanitaires ni de troubles à l’ordre public ? Quelles en seraient les conséquences ?


Elles seraient positives sur la qualité des produits, et elles diminueraient mécaniquement les importations via des réseaux mafieux. La consommation exploserait-elle en France pour autant ? Au vu de la consommation actuelle et eu égard à la facilité existante de trouver du cannabis, on peut sérieusement en douter !

La France se couvrirait-elle de champs de cannabis ? Paradoxe, la culture du tabac servant à couvrir ses propres besoins est autorisée depuis 1996 (trop aimable), il y a des millions de fumeurs, et les séchoirs à tabac n’ont pas envahi le pays. La seule raison qui semble justifier cette entrave à la liberté individuelle réside uniquement dans des choix politiques et la défense de certaines idéologies étatistes et dirigistes.

Je vous rappelle ce qu’on peut lire sur la page internet du ministère de l’Intérieur concernant les stupéfiants : "La loi est une règle de conduite en société, votée par les représentants du peuple et qui s’impose à tous. Protégeant l’individu et la société, elle se situe au carrefour de l’intérêt général et de la liberté individuelle. Elle peut ainsi interdire voire sanctionner certains actes dangereux ou préjudiciables à soi-même ou à la collectivité."

On peut une fois de plus se demander si ôter à ce point les libertés individuelles va dans le sens d’une meilleure protection des individus. En attendant, si vous cultivez des tomates, profitez-en, un jour qui sait... Enfin, je termine en précisant que je ne fais nullement ici l’apologie d’un produit nocif pour la santé et illégal.

Je le précise car le législateur a trouvé un moyen original d’empêcher tout débat grâce à l’article fourre-tout L.4321-4 du Code de la santé publique, qui dispose que la provocation à l’usage ou au trafic de stupéfiants, par la publicité ou l’incitation ou la présentation sous un jour favorable des produits classés stupéfiants, est punie de cinq ans d’emprison- nement et 75 000 € d’amende, même si l’incitation est restée sans effet.

Gilles Branquart

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Le collectif "La Main Invisible" publie "Libres", écrit par 100 auteurs bénévoles. De nombreuses questions d'actualités auxquels chaque auteur répond toujours de la même façon : Liberté.

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