Le marché veut croire que la croissance économique est en train de s’améliorer et que la politique économique apporte sa contribution à ce processus en formation. Attention à ce qu’il ne soit pas déçu.
Les rencontres du FMI, de la Banque Mondiale et du G20, au cours du weekend dernier à Washington, ont envoyé un triple message :
- L’expansion mondiale se poursuit à un rythme plus lent que prévu en octobre ;
- Pour protéger cette expansion, les responsables de politique économique s’engagent à atténuer les risques, à améliorer sa résilience et à agir rapidement si nécessaire ;
- La croissance devrait se raffermir en 2020, mais les risques restent orientés à la baisse.
L’écho à ce diagnostic envoyé par le marché est le suivant : la croissance mondiale est en passe de ré-accélération et la politique économique y participe.
Pour ce qui est du profil de la croissance, les investisseurs considèrent assurément qu’il vaut mieux retenir des prévisions du FMI les chiffres en glissement sur un an en fin d’année (T4 2019 comparé à T4 2018, par exemple) et pas ceux en moyenne annuelle (2019 par rapport 2018). Pourquoi cela ? Simplement parce que les seconds portent de trop la trace des contreperformances accumulées entre la fin de l’an passé et le début de celle en cours. C’est nettement moins le cas des premiers. Bref, aux yeux des investisseurs, il faut retenir des projections du FMI une croissance du PIB mondial de 3,5% en 2019 après 3,4% en 2018, plutôt que +3,3% après +3,6%. D’où une attention toute particulière aux indicateurs d’activité économique. Il est impératif qu’ils s’améliorent pour que le scénario « joué » par le marché puisse être confirmé. Avec qui plus est un ordonnancement logique, en relation avec un commerce international qu’on espère en amélioration : la Chine d’abord, l’Europe et les pays émergents ensuite et les Etats-Unis pour finir. En fin de semaine dernière, les statistiques chinoises du commerce extérieur et du financement de l’économie, dans les deux cas sur le mois de mars, envoyaient un message favorable. Ils devront être confirmés, mercredi prochain, par celles sur l’investissement, les ventes au détail et la production industrielle. Concernant, la Zone Euro, l’attention se portera jeudi sur la publication des enquêtes PMI préliminaires d’avril. Un rebond est attendu. Que cela ne soit pas le cas et la déception sera probablement grande. Du côté des Etats-Unis, économie moins ouverte sur l’extérieur, on sera attentif aux ventes au détail pour le mois de mars. Le chiffre sortira jeudi. Le noyau dur de celles-ci (le Control Group), qui a été plutôt mal orienté sur la période récente, est attendu à la hausse par le consensus des économistes : +0,5% après -0,2%.
Passons à la politique économique. Ce qu’on observe à aujourd’hui confirme-t-il les engagements pris à Washington ? Deux dimensions de celle-ci sont sous les projecteurs de l’actualité : la politique commerciale et la politique monétaire. Pour ce qui est de la première, les relations sino-américaines retiennent l’essentiel de l’attention. Les discussions menées tout au long des derniers mois vont-elles déboucher sur un accord ? Même si celui-ci ne peut qu’être partiel ; ce qui devrait cependant s’avérer suffisant pour ouvrir une trêve à même de durer quelques trimestres ou petites années. Je crois qu’il faut répondre par l’affirmative à la question. Je suis en effet frappé par les éléments de communication en provenance de l’Administration américaine. Ils insistent sur la symétrie en termes d’engagements et de contrôles de ceux-ci. Le gouvernement chinois ne signera un texte que s’il peut le présenter à son opinion publique comme une victoire. La Maison Blanche semble accepter cette nécessité.
Passons à la politique monétaire. La problématique du moment a deux dimensions : l’action et le cadre institutionnel de celle-ci. Concernant l’action, il est clair que la Fed et la BCE ont abandonné l’idée de normalisation (à poursuivre côté américain et à débuter côté européen). La seconde prépare même des mesures d’accommodement supplémentaire de son réglage (TLTRO assurément, peut-être extension de sa forward guidance et, de façon plus hypothétique, moduler le taux de dépôt négatif sur les réserves des banques commerciales, voire abaisser encore le niveau de ses taux directeurs). Pour ce qui est du cadre institutionnel, les critiques répétées du Président Trump sur l’action de la Fed ont ouvert le débat sur l’indépendance des banques centrales. A un moment caractérisé par une possible nécessité que celles-ci soient appelées à en faire davantage, celui-ci est plutôt malvenu. Surtout si on le prend d’une façon binaire : dépendance par rapport au pouvoir exécutif ou indépendance. Il prendrait plus de sens si on ouvrait la perspective de la complémentarité entre politique monétaire et autres instruments de politique économique sous le contrôle du gouvernement. Les banques centrales ne paraissent-elles pas aujourd’hui avoir moins de marges de manœuvre à disposition que ce ne fût le cas par exemple au moment de la « grande récession », il y a un peu plus de dix ans de cela ?