La loi de Finances 2013 : foncièrement anti-innovation ?

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Par Larry Perlade Modifié le 18 octobre 2012 à 14h41
Comme chaque année, le Gouvernement échafaude à cette même période les futures modifications législatives qui régiront les dispositifs de financement de l’innovation, Crédit Impôt Recherche et Jeune Entreprise Innovante, pour la Loi de Finances votée à l'Assemblée. Bien que les informations qui filtrent ne soient que des pistes de travail, nous tenons à réagir tant les propositions faites à ce stade semblent contre-productives à l’égard des PME qui risquent de voir leur accès au financement public encore réduit. Un paradoxe quand on se doit au contraire de soutenir les emplois d’avenir et l’innovation dans les PME-PMI créatrices de valeur ! (Lire aussi "Crédit Impôt Recherche : comment faire économiser 300 millions d'euros à l'Etat" sur Economiematin.fr)

La suppression des taux préférentiels pour les PME innovantes

L’état des lieux : aujourd'hui, les entreprises qui déclarent leur premier Crédit Impôt Recherche (CIR) bénéficient d'un traitement avantageux : leur assiette de dépenses n'est pas multipliée par le taux de base (30 %), mais par un taux majoré : 40 % la première année et 35 % la seconde. Le montant de l'aide est donc plus important, leur permettant d'investir d'autant plus dans la R&D.

Le projet : avec son nouveau Projet de Loi, le Gouvernement veut purement et simplement annuler cet avantage, ce qui revient à réduire de 20 % le montant du CIR des deux premières années. Dans un contexte où l’accès au financement des start-up et des PME est de plus en plus difficile, cette mesure serait forcément destructrice d'emplois. Le pire ? Cette réforme n’affecte pas les grandes entreprises, qui ne verront pas leur taux modifié, car elles bénéficient déjà du CIR depuis de nombreuses années. Ces dernières sont pourtant moins créatrices d'emplois nets et certainement pas le moteur d'avenir en France !

Notre préconisation : conformément aux annonces qui ont été faites durant la campagne présidentielle qui s’engageaient à une réforme du CIR en faveur des PME-PMI, il serait beaucoup plus juste de plafonner le CIR au-delà d’une certaine taille d’entreprises, tout en revenant aux taux majorés d’avant 2011 (50 % puis 40 %) pour les nouveaux accédants. A coût équivalent, la réforme serait alors vraiment motivée par une volonté créatrice d'emplois !

L’élargissement de l'assiette à certaines immobilisations

Le projet : Le gouvernement veut permettre aux entreprises de bénéficier du CIR sur les " dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf par les PME, et qui sont affectées directement à la conception de prototypes de nouveaux produits, autres que les prototypes de recherche ".

Non seulement ces dépenses sont souvent déjà éligibles en l'état actuel de la loi, mais de surcroît, le gouvernement souhaite en plafonner le montant, et y appliquer un taux différencié de 20% ! Or, ces dépenses sont quasi-inexistantes dans les start-ups et les PME-PMI, et ne concerneront que les grandes entreprises (et encore, de façon marginale...), sans compter que le taux spécifique introduirait une complication nouvelle dans le calcul déjà complexe de l’assiette du CIR.

Qu’en conclure si ce n’est que cette mesure ne vaut que par son effet d’annonce, qu’il s’agit d’un simple contre- feu illusoire aux critiques qui s’élèveront contre la suppression annoncée des taux majorées, citée plus-haut ?


Notre préconisation : quitte à élargir, élargissons le champ de vision !
Notre plus gros problème en France est de mettre nos innovations sur le marché et d’en obtenir des succès commerciaux. OSEO qui l'a bien compris et prend en compte dans ses aides non seulement les coûts directs de R&D, mais aussi les dépenses liées à la mise sur le marché des innovations. Il serait donc très logique que le CIR en fasse autant, et inclue dans son assiette les dépenses commerciales et marketing directement rattachées aux résultats de la R&D. Un tel élargissement serait déterminant pour les start-ups qui ne seraient plus contraintes, faute de moyens réels de mise sur le marché de leurs innovations, de vendre prématurément leur affaire ou obligées, après avoir tant innové, de se tourner vers l’étranger pour lancer le fruit de leurs travaux...

La question du rescrit fiscal relatif au CIR

L’état des lieux : Le rescrit permet aux entreprises de demander un avis à l'administration sur l’éligibilité de leurs projets de R&D au CIR. Si elle part d'une bonne intention, cette procédure est cependant très imparfaite... Un rescrit négatif est en effet quasiment une fin de non recevoir (avec présomption de mauvaise foi si l’on passe outre), alors qu’un rescrit positif n’est pas une garantie absolue !

Or, si l’on s’en tient à la procédure normale (déclarative), les recours possibles sont multiples, le débat est vraiment contradictoire avec l’Administration, et les moyens de la convaincre sont nombreux.

Le projet : le gouvernement propose d'assouplir les règles sur le rescrit. En effet, aujourd'hui, l'entreprise ne peut adresser un rescrit à l'administration qu'en amont de ses travaux d'innovation. La loi propose de permettre un rescrit alors que les travaux d'innovation ont déjà débuté.

Notre avis : cette mesure, qui rétablit une certaine logique, ne change cependant rien au fond du problème du rescrit, qui est une procédure plus dangereuse que bénéfique pour les entreprises. En l'état, nous continuerons de recommander aux entreprises de ne pas présenter de rescrit à l'administration, et de défendre leur CIR par tous les recours prévus en cas de contestation.

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Larry PERLADE a créé NÉVA en 1995 pour accompagner les PME dans leurs recherches de financements publics. Depuis près de 18 ans, il est ainsi devenu un expert reconnu en financement de l’innovation et subventions R & D. Auparavant, il a été Vice-Président Directeur Général de FRED Joaillier USA et Secrétaire Général du groupe FRED Joaillier, avant de diriger le Centre d’Art Contemporain ARTCURIAL pour L'ORÉAL. Il a démarré son activité professionnelle chez Elf Aquitaine au Royaume-Uni. Larry PERLADE est diplômé d’HEC (1982), de l’Université de Berkeley (Californie) et de l’ESADE (Barcelone). 

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