"Presque tout le monde s’accorde à reconnaître que quelque chose ne va pas dans le système de l’État-providence." – Murray Rothbard, Pour une Nouvelle Liberté, 1973.
Le fossé appelé dette qui se creuse chaque année depuis 36 ans entre notre dépense publique et les recettes de prélèvements obligatoires n’épargnera pas le monopole étatique qui finance le système de soins. En effet, nos prélèvements obligatoires, parmi les 4 plus hauts du monde atteindront 44,5 % du PIB en 2012. L’assurance maladie d’État est financée à 70 % par l’impôt, assis sur les salaires bruts, improprement appelé charges sociales.
Ce fait bien connu conduit à s’interroger sur le système de soins français, le rôle de l’État et au final, notre santé. Au moment où se déroule aux USA une bataille juridique incertaine autour de l’Affordable Care Act et de la constitutionnalité de donner une amende aux citoyens n’ayant pas d’assurance maladie, posons-nous ici la même question : est-il du ressort de l’État d’obliger tout Français à s’assurer auprès du monopole et de le faire en payant un impôt sur son travail au lieu d’une prime d’assurance ?
Personne ne peut contester que ceux qui en ont les moyens puissent choisir de s’assurer ou de payer les soins qu’ils consomment et que ceux qui n’en ont pas les moyens soient d’une manière ou d’une autre à la charge de la collectivité. Dans ces conditions, l’obligation pour tous de payer un impôt à un monopole étatique n’améliore en rien les finances dudit monopole. Permettre à chacun de choisir de s’assurer pour la maladie ou de payer soi-même est une liberté à conquérir compatible avec la fourniture mutualisée des soins à ceux qui ne peuvent les financer.
La santé est d’abord pour l’immense majorité d’entre nous un capital individuel qu’on choisit de gaspiller ou de conserver à sa guise par son comportement. Ainsi, responsabiliser économiquement les citoyens revient à protéger leur santé, alors qu’instituer une gratuité apparente leur fait perdre les repères de survie. À côté des répercussions de nos choix de vie sur notre santé, la qualité de l’environnement au sens large influe évidemment sur notre santé individuelle.
Dans ce domaine, l’État a un rôle à jouer qui n’a rien à voir avec ses ingérences dans le système de soins. La santé n’est pas le résultat de l’action du système de soins. Elle se mesure par l’espérance de vie et par la durée de vie sans maladie chronique (cancers, maladies cardiovasculaires, métaboliques et dégénératives). Pour l’espérance de vie, la corrélation très robuste avec le PIB par habitant conduit à une constatation : c’est la croissance économique qui produit l’espérance de vie, effaçant un à un les maux ayant pesé sur l’espèce humaine, mortalité infantile, famine, épidémies, puis simples maladies.
Le système de soins produit des effets bien plus modestes que d’autres traits de la vie. Fumer fait perdre trois ans de vie, avoir des revenus bas ou ne pas faire d’exercice environ 15, être trop maigre 10, vivre à la campagne permet d’en gagner 6 ! En dépit des succès spectaculaires et visibles du système de soins, la dépense de soins inefficiente, autour de 30 %, empêche par éviction d’autres dépenses pourvoyeuses d’espérance de vie et de santé.
Il est donc illusoire de confier à l’État le choix du montant des dépenses de soins et la garantie de sa santé. Le capitalisme de marché est un système économique à la fois imprévisible dans son évolution et formidablement évolutif et efficient sur le plan humain. Car il produit des solutions efficaces aux problèmes de survie. Exclure certains champs économiques du marché conduit, dans des sociétés où les individus vivent tous dans le marché, à des dysfonctionnements majeurs.
Restreindre le marché par une connivence entre des d’entreprises oligopolistiques et l’État conduit aux mêmes dysfonctionnements. Le champ du soin et du système de soins est ostracisé de la sorte dans certains pays, dont la France. Cette exclusion est motivée par des arguments comme l’asymétrie de l’information, la nécessaire contribution de chacun, ou bien l’impossibilité de concilier soin et profit. Ces arguments sont souvent brandis avec la dose d’émotion et de peur nécessaires pour interdire tout débat.
Or les Français, qui savent choisir un abonnement téléphonique ou le contrat d’assurance de véhicules à moteur qui leur convient, sont tout à fait capables de choisir leur assureur maladie et le contrat qui va avec. Ils sont capables d’en changer s’il ne leur convient pas et ce, au bénéfice de leur pouvoir d’achat. Aujourd’hui, ils paient très cher une assurance limitée à un réseau restreint conventionné où la gratuité conduit à une consommation de soins inutiles et donc à des effets secondaires et des gaspillages.
Mais surtout, l’exclusion du marché interdit la concurrence et toute baisse des prix alors que le progrès technologique qui se poursuit devrait y conduire. Il est primordial de bâtir un système bien plus sûr et de mesurer la qualité. Ce qui est incompatible avec un monopole étatique en raison du conflit d’intérêt. Le patient a besoin de l’innovation pour survivre ou améliorer sa qualité de vie. L’innovation disruptive est freinée par une réglementation excessive et une fiscalité pénalisante.
L’innovation concerne le soin mais aussi l’organisation des structures de soins – l’essentiel de la rigidité des coûts est à ce niveau. L’innovation organisationnelle ne peut fonctionner que si les institutions sont souples et adaptatives et que la concurrence favorise les plus performantes. La planification étatique tourne donc le dos à l’exigence d’innovation. Parce que nous sommes tous différents il est crucial de personnaliser les soins, d’améliorer leur pertinence, de diminuer l’effet offre et d’en finir avec l’affirmation de la primauté des moyens.
Ces différents objectifs ne sont atteignables que dans un marché ouvert à la concurrence dans tous les domaines du soin. L’autonomie totale des hôpitaux, la tarification unique et l’évolution vers un paiement à la performance plutôt qu’à l’activité sont des étapes immédiates. En conclusion il y a mieux à faire que d’hésiter entre réguler la dépense de soins par la dette ou le rationnement. Il est temps de libérer les responsabilités et de permettre aux Français de choisir leur santé et leur vie.
Guy-André Pelouze
Article initialement publié sous le titre : "Système de Soins".