Et si l’on mettait la Sécurité Sociale en concurrence ?

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Par Collectif La Main Invisible Modifié le 24 octobre 2012 à 4h32

"Chaque gouvernement a eu son projet de réforme de la Sécurité sociale ; ils ont tous échoué. Ce n’est pas un hasard, car c’est le principe qui est mauvais. Ce qui signifie qu’on mette un terme au monopole de la Sécurité sociale." – Philippe Simonnot

Chaque fois que l’État sort de ses attributions régaliennes pour prendre en charge des fonctions par nature mieux assurées par la société civile, des catastrophes s’ensuivent. La sécurité sociale à la française, c’est une dette de plus de 130 milliards d’euros, des déficits renouvelés, des déremboursements continuels, des cotisations toujours en augmentation, des prix administrés, des retraites menacées, des abus incessants, des contraintes absurdes, tant envers les professionnels qu’envers les prétendus "assurés sociaux".

C’est d’abord l’institutionnalisation de l’irresponsabilité, car l’assuré, ou plutôt le bien nommé "assujetti", n’a aucun choix. Il doit sacrifier une partie du fruit de son travail à ce gouffre financier en y contribuant de façon aveugle, qui plus est à un coût très élevé si l’on veut bien se donner la peine de comparer les montants déboursés par le patron et ce qui reste in fine au salarié. Il doit en contrepartie accepter les "prestations" telles qu’elles sont, non contractuelles et déconnectées des cotisations, sans possibilité pour lui de faire jouer la concurrence ni de sortir du système.

Le peu d’esprit mutualiste qui était présent à l’origine de l’institution, tout à fait respectable puisque fondé sur le consentement des personnes, a été complètement dénaturé et étouffé sous la coercition, la bureaucratie, la réglementation administrative, le rafistolage perpétuel du système et le recours à l’endettement comme solution à tous les dysfonctionnements. Ce système apparemment si généreux (en réalité arbitraire et déresponsabilisant) ne tient que grâce aux déficits accumulés, que devront régler les générations futures.

Cette bien mal nommée sécurité sociale a été construite et gérée comme si ses ressources étaient illimitées et permettaient de réaliser l’utopie communiste du "à chacun selon ses besoins", et comme si l’on pouvait vivre au jour le jour en tirant immédiatement parti pour soi-même de la spoliation de son voisin. Heureusement que la même prétention planificatrice et totalisante n’a pas trouvé le même champ d’application dans le domaine de l’alimentation ou de l’agriculture, sans quoi pénuries, gaspillages et disettes seraient aujourd’hui la norme, comme autrefois dans les pays de l’Est.



Il nous paraît donc étrange, sauf à être un profiteur du système ou un technocrate qui en vit, de présenter comme un "acquis social" ce monopole imposé à partir de 1945, qui ne survit que par la contrainte et le déficit, et qui freine la croissance et le progrès. Mais il n’y a pas de raison de s’obstiner dans la poursuite de la catastrophe ni d’attendre la faillite finale, inéluctable, pour agir dès aujourd’hui. Un tel aveuglement serait d’autant plus inexcusable qu’il existe sur le marché une offre très vaste en matière de traitement du "risque social", qu’il s’agisse d’assurance maladie, de chômage, d’accidents du travail ou de vieillesse.

L’obligation d’assurance pourrait être conservée (pour éviter de mettre le non-assuré à la charge de la communauté), mais l’offre d’assurance serait libre et l’assuré pourrait comparer les contrats par lui-même, et opter selon sa situation. Les caisses actuelles pourraient tout à fait continuer à exister, puisqu’elles sont déjà de droit privé (lors de la création de la Sécurité sociale, il y eut une volonté claire de construire une organisation parallèle à celle de l’État) ; elles seraient en concurrence avec les autres mutuelles, les assurances et les organismes de prévoyance.

Les salariés toucheraient leur salaire complet, celui que débourse l’employeur, et qui leur est intégralement dû, libre à eux ensuite de choisir leur assurance. Le cas des retraites est plus délicat à traiter. Les hommes politiques du XXe siècle ont choisi la facilité en forçant le passage de la capitalisation (déjà bien développée avant 1945) à la répartition. Or la répartition est une escroquerie, car elle équivaut au mieux à un placement à 0 %, faute d’un nombre suffisant d’actifs cotisants rapporté au nombre de retraités. Elle pénalise la jeunesse, qui paie les pensions actuelles, jeunesse qui n’a aucune chance de retrouver un jour, l’âge de la retraite venu, l’équivalent de ce qu’elle a versé.

Il faudra donc envisager un passage progressif de la répartition à la capitalisation, ce qui a été réalisé avec succès dans certains pays (comme au Chili avec José Piñera). Il se trouve que la législation française actuelle est tout à fait préparée à la fin du monopole pour toutes les branches de la Sécurité sociale. En effet, l’acte unique européen de 1992 instaurait un marché unique et la fin des monopoles sociaux (car il était impensable d’obliger un Européen voulant s’installer en France à résilier ses assurances privées pour "adhérer" au système obligatoire français). Les directives européennes ont été transposées dans la loi française en 2001, et seule la tyrannie du statu quo et une peur irraisonnée de la part des hommes politiques ont empêché leur application pratique.



La solidarité doit être séparée de l’assurance, ce qui est déjà le cas en grande partie (ainsi la CMU est assurée par l’impôt, et non par les cotisations sociales). "Il ne faut pas étendre artificiellement la solidarité de manière à détruire la responsabilité ; en d’autres termes, il faut respecter la liberté" avertissait déjà Frédéric Bastiat.

Pourquoi jugerait-on le citoyen suffisamment mature et autonome pour pouvoir voter et influer sur l’avenir de son pays, mais pas pour choisir par lui-même sa propre assurance santé (comme peuvent le faire les Allemands, les Hollandais ou les Suisses) ou se constituer une épargne-retraite et cotiser à un fonds de pension (comme le font les Chiliens) ? Pourquoi le priver de la possibilité de gérer sa propre vie comme il l’entend ?

Thierry Falissard

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