Présenté le 28 septembre 2012, le projet de loi de finances pour 2013 s’est montré peu ambitieux en ce qui concerne le Crédit d’Impôt Recherche si on le compare au dernier rapport du sénateur BERSON (juillet 2012) qui préconisait pas moins de vingt-cinq mesures pour simplifier et recentrer le CIR en faveur des PME. La volonté gouvernementale s’est traduite par une modification à la marge de ce dispositif en « élargissant » les dépenses éligibles à celles dites d’innovation et en ouvrant les possibilités de rescrit aux projets en cours.
Si ces propositions sont effectivement intéressantes, elles n’en restent pas moins insuffisantes du point de vue de la sécurité juridique des entreprises bénéficiaires du CIR.
L’ouverture des dépenses à l’innovation est réservée aux PME et limitée aux seules dépenses engagées en aval de la R&D , c’est-à-dire celles qui sont engagées pour la « conception de prototypes de nouveaux produits ou installations pilotes de même nature ». L’assiette des dépenses éligibles reste classique : dotations aux amortissements, frais de personnel, frais de fonctionnement (forfait), frais de dépôt et de défense des dessins et modèles, dépenses de sous-traitance confiée à des bureaux d’études et d’ingénieries agréés. Afin d’en contrôler son coût, l’assiette de dépenses est plafonnée à 400 000 euros et ouvre ainsi droit à un crédit d’impôt qui ne pourra excéder 80 000 euros par an (taux de 20%).
Bien que la définition d’un nouveau produit soit apportée ("tout bien corporel ou incorporel qui n’est pas encore mis à disposition sur le marché et qui se distingue des produits existants ou précédents par des performances supérieures sur le plan technique, de l’éco-conception, de l’ergonomie ou de ses fonctionnalités"), ce nouveau dispositif pourrait engendrer des situations de risque fiscal inédites pour les PME innovantes : en effet, comment différencier avec certitude un prototype R&D déjà éligible au CIR au taux de 30% d’un prototype innovation éligible au taux réduit de 20% ?
Ce futur dispositif reste donc à préciser sur ses modalités mais également sur un sujet essentiel : est-il réservé aux seules PME qui déclarent des projets de R&D éligibles au CIR ? En l’état du projet, il semblerait que oui ce qui exclurait de fait un bon nombre de bénéficiaires. Enfin, cette mesure serait financée par la suppression des taux majorés, réservés aux primo (40%) et secundo déclarants (35%), dont les principales bénéficiaires sont… les PME. La réalité pratique ne correspond donc pas à l’objectif communiqué : favoriser les PME.
Afin de sécuriser les entreprises innovantes dans leur démarche, le gouvernement envisage d’étendre la procédure de rescrit CIR aux projets de R&D ayant déjà débuté. La demande doit toutefois être introduite six mois avant la date limite du dépôt de la déclaration CIR. Aussi, pour une entreprise clôturant au 31 décembre, le rescrit doit être déposé avant le 15 octobre de la même année. S’il est intéressant de sécuriser l’éligibilité d’un projet de R&D avant même sa déclaration, le gouvernement n’entend pas, en revanche, régler les difficultés rencontrées et constatées par l’ensemble des acteurs, y compris institutionnels, lors des contrôles des déclarations de CIR.
Le contrôle du CIR est très particulier et demande des compétences tant scientifiques que fiscales. Ainsi, bien que l’administration fiscale soit seule compétente pour procéder à des rectifications, elle peut solliciter l’avis d’un expert scientifique du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR). L’expert a un rôle essentiel dans la détermination du périmètre d’éligibilité des projets de R&D, d’autant plus que son avis est toujours suivi. Le MESR est également en droit de contrôler directement tout déclarant au CIR. Cette expertise qui scelle le sort d’un contribuable n’est encadrée par aucune règle contraignante de procédure fiscale « classique » : débat oral et contradictoire, prorogation du délai de réponse, recours hiérarchiques, contre expertise, etc. Ainsi, les droits et garanties du contribuable sont oubliés. Un encadrement de la procédure est d’autant plus important que chaque ministère a sa propre doctrine. Tel est le cas pour la qualification des techniciens de recherche éligibles. Pour cette catégorie de personnel de recherche, le MESR exige une qualification diplômante minimale de niveau bac+2 et il n’est donc pas rare que dans son avis l’expert exclut ce type de chercheur. Cette exigence ne ressortant toutefois d’aucune source légale, il est fréquent que l’administration fiscale ne suive pas, sur ce point, l’avis du MESR.
Il est donc important de maîtriser toutes les subtilités du dispositif CIR et de ses nombreuses sources juridiques. Face à l’accroissement des contrôles fiscaux, il devient urgent que le législateur uniformise et encadre les règles applicables au contrôle du CIR afin que tous les contribuables bénéficient des mêmes droits et garanties sans considération de l’impôt contrôlé. L’absence d’une telle mesure est d’autant plus regrettable qu’elle se fait à budget constant...