Le Fonds Monétaire International pour les nuls #BESTOF

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Par Jean-Louis Caccomo Modifié le 24 juillet 2013 à 2h41

Avec la crise de l’Argentine, les grandes institutions internationales furent à nouveau sous les feux de l’actualité.

Je ne peux m'empêcher de réagir au commentaire d’un journaliste de France 3 déclarant : "le gouvernement argentin veut à la fois défendre les petites gens, et baisser les dépenses publiques pour faire plaisir au FMI, deux objectifs contradictoires". Le problème est que ce genre de commentaire, très courant dans les médias de notre pays, constitue en fait la pire plaisanterie intellectuelle.

Avant de présenter le Fond Monétaire International, il n’est pas inutile de rappeler que le souci de contrôler les dépenses s'impose à tous les agents économiques (aux ménages, aux entreprises, et aux Etats car des Etats peuvent, en effet, faire faillite comme le montre le drame argentin). L’Etat français, qui accumule déficit public sur déficit public devrait méditer cette triste aventure alors même que nos éminents conseillers prônent la relance par le déficit public sous le fallacieux prétexte qu’un Etat ne saurait être mis en faillite.

Le rôle des instances internationales (comme le FMI, ou les Banques Centrales) comme des arbitres neutres (normalement, les économistes, les commissions de finances) est de toujours rappeler ces évidences. Comment peut-on à la fois défendre le rôle de l’Etat dans l’économie si l’Etat n’a pas les moyens de ses ambitions (surtout en France où l’Etat prétend tout réguler) ? On ne peut mener de politique efficace avec des caisses vides, et encore moins avec un déficit non maîtrisé (il n’y a que chez nous que l’on peut croire financer les 35 heures avec le déficit de la sécurité sociale !). Une entreprise privée, qui ne sait pas gérer ses affaires, se verra sanctionner par la faillite ; c’est regrettable car elle mettra des gens dans la rue mais c’est son affaire.

Mais, un Etat, qui ne contrôle plus ses dépenses, court à la faillite du pays tout entier et met, de ce fait, en péril toute une nation. Je ne comprends pas cette volonté de jeter le discrédit les organisations internationales (FMI, OMC) à chaque fois qu’éclate une crise dans le monde. Si le FMI débloque des fonds sans condition (ce qui est théoriquement interdit par ses textes fondateurs), comme il l’a hélas fait pour l’Afrique dans les années 70, on va lui reprocher de n’avoir pas été sérieux sur l’usage des fonds. Mais, s’il impose des conditions à l’usage des fonds qu’on lui demande, alors on crie à l’ingérence ! Si le FMI n’existe pas, vers qui les pays en crise vont-ils se tourner ? C’est justement pourquoi le F.M.I. a été créé.



Du 1er juillet au 22 juillet 1944 à Bretton Woods – une petite station climatique située à 150 km au nord-ouest de Boston – les experts mandatés par les Etats en lutte contre les puissances de l’Axe se sont réunis à l’occasion d’une conférence monétaire internationale. Cette conférence fut dominée par deux délégations – celle de la Grande-Bretagne et celle des Etats-Unis – conduites par des personnalités éminentes et compétentes : J.M. Keynes, le maître de Cambridge et H.D. White, sous-secrétaire au Trésor américain et disciple du professeur J. Viner.

Ces deux délégations étaient représentatives de deux puissances économiques clés : la Grande-Bretagne représentait l’ancien pôle hégémonique ; les Etats-Unis confirmaient leur rôle de nouveau Leader, dont la prééminence a été incontestablement renforcée à l’occasion du second conflit mondial et à la faveur de la victoire des alliés. Deux décisions importantes ont marqué la fin de la conférence de BW : l’adoption d’un système de changes fixes mais ajustables centré sur un étalon de change-or ; la création de deux organisation internationales, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD).

Le FMI avait pour mission de veiller à l’équilibre des échanges internationaux et en garantir la stabilité tandis que la BIRD devait contribuer au financement de la reconstruction européenne. Aujourd’hui, la BIRD – plus connue sous le nom de "Banque mondiale" - se consacre exclusivement au financement du développement. Pour bien comprendre le fonctionnement du système de BW, il importe de présenter les accords de change.

Ces accords ont donné naissance à un système de parités fixes mais ajustables centré sur le dollar lui-même convertible en or. L’objectif de l’accord est triple : il s’agit de garantir la stabilité des équilibres internationaux, de restaurer la liberté du commerce international, de défendre l’expansion économique et l’emploi. Pour atteindre cet objectif ambitieux, l’accord s’appuie sur la définition d’une grille de parité fixes : chaque Etat membre du FMI doit déclarer la parité de sa monnaie en termes d’or ou en dollars des Etats-Unis "du poids et du titre en vigueur le 1er juillet 1944".



Ces déclarations permettent d’établir la grille des parités bilatérales officielles, parités que les Etats membres du FMI doivent s’engager à défendre : toutes les fois qu’un taux de change bilatéral constaté sur le marché tend à s’écarter de plus ou moins 1 % de la parité officielle, les banques centrales concernées sont tenues d’intervenir pour ramener le taux de change au voisinage du cours officiel. L’article IV des statuts du FMI est explicite : chaque pays membre a le choix entre une définition-or et une définition-dollar de la parité de sa monnaie. Dans la pratique, c’est le dollar qui va s’imposer comme la référence.

En effet, au sortir de la guerre, les Etats-Unis détenaient 60 % des réserves mondiales d’or – détenir du dollar revenait à détenir de l’or - et les pays européens étaient confrontés, quant à eux, à une grave pénurie de réserves (celles-ci ayant été largement sollicitées pendant la guerre). Ainsi, dès 1947, les Etats-Unis se sont engagés à vendre et à acheter de l’or contre des dollars au prix de 35 dollars l’once à toute banque centrale étrangère qui en ferait la demande.

Dans le même temps, la banque centrale américaine se dispensait d’intervenir sur le marché des changes, laissant aux autres banques centrales le soin de défendre les parités bilatérales. Quand un pays membre du FMI se trouvait confronté à une situation de déficit de ses comptes extérieurs (déficit commercial ou courant par exemple), il devait déterminer la nature de ce déficit. S’agit-il d’un déficit conjoncturel donc temporel, ou d’un déficit structurel révélateur d’un problème de compétitivité ?



Si le déficit s’avère temporaire, le pays membre avait recours aux crédits du FMI pour équilibrer ses paiements sans avoir à modifier sa parité. Si le déficit est structurel, le pays devait procéder à une dévaluation de sa monnaie et revoir la politique économique qui avait, de fait, miné sa compétitivité. Le FMI, dont le siège est à Washington, regroupait 181 pays en 1997 ; il tire l’essentiel de ces ressources des souscriptions – des quotes-parts – versées par les pays membres. Il fonctionne donc comme une sorte de "caisse d’entraide mutuelle" mise à la disposition des nations. Les quotes-parts sont fonction du revenu national, des avoirs en or et en dollars et de la situation du commerce extérieur de chaque pays ; elles peuvent être révisées périodiquement. Le montant des aides financières qu’un pays membre peut obtenir est en relation directe avec sa quote-part.

Au sein du Conseil des gouverneurs du FMI – 1 par Etat membre -, chaque pays dispose d’un nombre de voix proportionnel à sa quote-part. Jusqu’en 1968, les décisions étaient prises à la majorité qualifiée (70 % voire 85 % pour certaines questions cruciales) et les Etats-Unis disposaient d’un droit de veto. C’est le cas également des pays européens ou des pays en développement lorsqu’ils votent en groupe. La première tranche de crédit – c’est-à-dire 25 % de la quote-part – destinée à régler un déficit courant est accordée automatiquement par le FMI à chaque pays membre qui en fait la demande.

Mais, pour l’attribution des autres tranches, des conditions plus strictes sont soumises et l’octroi de crédits supplémentaires dépend de l’acceptation préalable d’un programme détaillé de politique économique visant à s’attaquer aux causes structurelles du déficit constaté. Sinon, si les déficits s’accumulent, c’est toute la communauté internationale qui se voit menacée par la défaillance d’un de ses membres. Cette procédure est pourtant vivement contestée aujourd’hui car l’on reproche au FMI d’imposer sa politique économique.

Si l’on considère le FMI comme une "caisse d’entraide", il a le devoir de fournir une telle assistance et d’émettre des conditions à l’octroi des crédits sinon la caisse serait vite ruinée. L’épisode de l’Argentine ou encore de la Turquie illustre complètement cette problématique.

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Article initialement publié le 27/10/2012

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Jean-Louis Caccomo est docteur en sciences économiques de l'université de la Méditerranée Maître de conférences - HDR à l'IAE de l'université de Perpignan Via-Domitia. Il est également spécialiste des questions d'innovation et de croissance économique ainsi que chercheur en tourisme international et chroniqueur économique. Il anime enfin, depuis 10 ans, un blog à vocation pédagogique à l'attention de ses étudiants et du grand public.