Il faut une prestation d’accueil du jeune enfant… pour les entreprises

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Par Jacques Bichot Publié le 21 février 2019 à 6h41
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@shutter - © Economie Matin
720 000Nous sommes passés de 802 000 naissances en 2010 à 720 000 en 2018, pour la France métropolitaine

Les difficultés de la conciliation entre vie familiale et travail professionnel féminin sont particulièrement fortes lors de la grossesse et des premières années de la vie de l’enfant. Pour l’entreprise, le congé de maternité est un vrai problème, et ce n’est pas en obligeant les pères à prendre eux-mêmes un congé de paternité qu’on le résoudra.

Les entreprises laissées seules face au congé maternité

Pour faciliter les choses côté famille, il existe des prestations. Certes, elles ont rétréci comme peau de chagrin, mais enfin elles existent, et si nos gouvernants avaient un souci intelligent de l’avenir du pays, les réformes que nous avons proposées dans un récent article de Futuribles (numéro de novembre-décembre 2018) pourraient donner une nouvelle vitalité à la politique familiale. En revanche, les entreprises sont laissées quasiment seules face au problème de la grossesse, du congé de maternité, et du retour au travail des jeunes mères. Ce n’est pas normal.

Pour une entreprise ou une administration, l’arrivée d’un bébé est difficile à gérer. Il faut assurer le remplacement temporaire de la jeune maman, aménager ses horaires, faire preuve de souplesse : tout cela entraîne des soucis, des problèmes d’organisation, et des frais. En étant ouvert à la maternité, en faisant tout son possible pour que tout se passe bien, pour que les futures mamans et les mamans ne soient pas stressées par les difficultés que créent leur état et leurs responsabilités, un employeur rend un service d’intérêt national. Il n’est pas normal que la collectivité nationale, par l’intermédiaire de la branche famille de la sécurité sociale, ne prenne pas en charge le coût de ce service.

Autrement dit, la France, où la natalité est en train de s’effondrer (de 802 000 naissances en 2010 à 720 000 en 2018, pour la France métropolitaine), aurait tout intérêt à instaurer une sorte de prime à la naissance … pour l’entreprise ou l’administration où sa maman travaille.

Un rôle dans le renouvellement des générations

Entendons-nous bien : il ne s’agirait en aucun cas d’une subvention, mais bien de la rémunération d’un service rendu. Une entreprise employant des femmes en âge d’avoir des bébés n’est pas seulement productrice des biens ou services qu’elle vend à ses clients, elle est aussi co-productrice de ce qu’il y a de plus précieux au monde : les enfants. Employons l’affreux langage des économistes : l’entreprise est coproductrice de capital humain. Elle n’investit pas seulement dans ce qui va servir à produire ce qu’elle vend ; elle investit aussi dans le patrimoine le plus précieux du pays, sa population. Et comme cet investissement dans les bébés est bon pour toute la communauté nationale, il serait normal que celle-ci prenne son coût en charge.

Elargissons notre vision étriquée de l’entreprise et de l’administration. Les établissements d’enseignement ne sont pas les seuls à contribuer à la formation du capital humain, les employeurs ont en la matière un rôle irremplaçable. Ils assument – parfois bien, parfois mal, voire très mal – un rôle dans le renouvellement des générations. Il est injuste et contreproductif qu’ils n’obtiennent pour cela aucune rétribution. Les enseignants sont rémunérés pour apprendre aux enfants et aux jeunes à lire, écrire, compter, etc. : pourquoi les employeurs de futures mamans et de mères de jeunes enfants ne le seraient-ils pas en raison de ce qu’ils font pour leur rendre possible la conciliation aussi peu stressante que possible entre leurs deux grandes responsabilités, celle de leur(s) enfant(s) et celle de leur travail professionnel ?

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.