La Banque, laboratoire d’expériences pour l’IA

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Par Claude Biton Publié le 21 février 2019 à 6h04
Intelligence Artificielle Secteur Finance
@shutter - © Economie Matin

La Banque est l’un des premiers secteurs à se poser la question de l’usage de l’IA, en termes d’opportunités et de risques. Opportunités, car la banque détient de très nombreuses informations sur ses clients et, sous réserve de respecter la réglementation (RGPD), elle peut s’en servir pour innover dans ses offres et ses services. Risques, car la transformation des canaux de distribution ainsi que celle des métiers impactent et déstabilisent les organisations et les équipes. Ce secteur est exemplaire, il est soumis à la plus fébrile et profonde transformation et déjà multicanal. Observons les leviers et les expériences en cours ...

L’IA au service de la relation client dans la banque

Le conseiller clientèle sait-il réellement écouter le client ? Il emmagasine des informations en entretien de face à face mais sait-il les utiliser pour rebondir sur des offres qui répondent vraiment au profil, au cycle de vie, aux besoins (présents et futurs) du client ? Souvent, il ne sait pas quoi en faire, sinon nourrir son appétit de relation humaine ou bien présenter/argumenter le « produit du moment », ce qui n’est vraiment pas la même chose que la relation client !

Fut un temps, la plupart des banques de détail mettaient à disposition de leur public des spécialistes en crédit, en immobilier, en gestion de patrimoine... Or, il est apparu clairement que le client voulait un référent unique, même si ce dernier devait convoquer un spécialiste en cas de besoin pour s’appuyer sur son expertise (tout comme un médecin généraliste avec ses confrères spécialistes).

Face à sa responsabilité de bien analyser, de bien diagnostiquer, de bien pronostiquer, de bien synthétiser, le conseiller est-il préparé ? Sait-il poser les bonnes questions à son client, conduire un entretien ? L’exploiter, en tirer la quintessence ?

Dans ce rôle de « consultant », il lui faut, aussi et entre autres, une grande culture.

Et, si la culture et la capacité de synthèse passent en grande partie par la lecture et la curiosité, on est en droit de s’inquiéter, même si ce n’est pas nouveau.1

La valeur ajoutée d’un décideur tient à sa capacité de synthèse

La synthèse a tant d’ennemis : perte de repères et de culture générale, manque d’une vision du détail et de l’ensemble... Comment arriver à identifier les tendances, à relever des signaux faibles ? Et surtout, comment le faire plus vite que son voisin ? Alors que tout s’accélère... Cela dépasse facilement l’entendement. Et c’est bien là que l’IA peut aider un conseiller clientèle à augmenter ses compétences.

La capacité à ordonnancer des informations, à en détecter les causes et les conséquences, à en tirer l’essentiel sans se laisser abuser par l’accessoire, pour décider, c’est l’enjeu. On admire ceux qui ont de ces fulgurances face à la complexité, le jaillissement d’une intelligence lumineuse. On se prend à rêver d’un nouveau monde où l’IA ferait cela de nous tous, des êtres augmentés, doués d’une vive intelligence assise sur une grande culture et une réelle capacité dans un domaine applicatif au moins, à trancher, avancer, aller de l’avant sans peur de se tromper. Un « decision maker ». Une « bête à concours » de synthèse de documents, d’informations, de données...

Et l’IA a bien cette capacité à engranger, ordonner et traiter les informations et données. Pour faire jaillir ce « saut créatif » qu’engendre la synthèse et qui permet d’avancer...

Pour en revenir à notre conseiller clientèle, bien seul face au client ... on veut espérer que l’IA participe très activement à cette synthèse, qu’elle intervienne pour apporter sa clairvoyance et amener des propositions d’offres pertinentes, ciblées au bon moment. Mais cette participation fonctionnera-t-elle comme une « prothèse indépendante et affaiblissante » ou comme une « alliée pédagogique et enrichissante » ?

L’IA s’inscrit dans le paysage d’une banque multicanal

Il n’y a pas lieu d’opposer un système de distribution où tout serait automatisé sans relation humaine et un système de distribution fondé sur l’humain, augmenté ou non de l’IA. Ces modalités de distribution doivent trouver leur place dans une gamme complète de canaux de distribution ... Une formule marketing, comme inventée tout exprès pour la banque, explique : « à demande banale, offre banale. Mais ce qui est banal pour certains, reste anomal pour d’autres. Mais ce qui est anomal aujourd’hui, demain sera banal » ...

Car il y aura toujours des demandes basiques (virement, lecture de sa position ...) qui ne nécessitent, dans la quasi-totalité des cas, aucune intervention manuelle, humaine. Une logistique automatisée doit faire l’affaire. C’est lorsqu’il s’agit soit de pédagogie (vente de produits complexes), soit de recherche de pertinence, soit de réassurance (perte d’une carte de paiement, vol d’un chéquier ...), que l’intelligence humaine, augmentée de l’artificielle, saura mieux œuvrer.

Même si la Banque a paru longue à comprendre que les centres de contacts devraient être à disposition quand le client le voulait (peut-être que sa convention collective rendait l’exercice plus délicat ...), elle est, depuis bien longtemps, exemplaire en matière de distribution multicanal ! Et tous les mix sont permis : si la relation n’était pas si centrale dans les préoccupations du client bancaire, pourquoi certaines banques digitales (ING Direct, par exemple), auraient-elles fait les frais de la création d’agences. Un réseau « en dur », ça coûte cher ...

C’est bien pour cela que le domaine bancaire est exemplaire des transformations qui se préparent dans l’économie : la banque est impactée par la digitalisation depuis longtemps (et aussi par la métamorphose de l’intermédiation, mais ça c’est une autre histoire). « La banque pourrait être la sidérurgie de demain » titrait en 1979 Michel Godet à la Une du Monde.

Rien ne se fera sans l’homme

La Banque offre des métiers à forte valeur ajoutée relationnelle (et aussi technique ...).

Si le personnel est réfractaire, les produits ne sont pas vendus, on le sait. La Banque ne peut pas n’être que du libre-service, il faut que le conseiller de clientèle, dans cette industrie de services, « fasse le job » ! Or, c’est son premier client : un produit mal vendu en interne sera mal vendu en externe (cf. le tout premier article sur le Marketing Interne que j’ai écrit en... 1981 : « La fin du Marketing Unidimensionnel »). L’IA devra donc être bien perçue en interne.

1) En 1968, Marshall Mc Luhan avec son ouvrage, La galaxie Gutenberg, avertissait déjà du danger des écrans, alors télévisuels, et de l’éloignement des masses de la chose écrite. Le ministre de l’éducation Blanquer a réintroduit à bon escient, il me semble, des heures de lecture à l’école primaire.

https://www.laprospective.fr/dyn/francais/articles/presse/archives/la-banque- pourrait-etre-la-siderurgie-de-demain---le-monde-22-fev--1979.pdf

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Claude Biton est président de CBC Développement et membre du SNCD, syndicat national de la communication directe. Éditeur de logiciels et services SaaS - DQM-Data Quality Management - Centre d’appels, il participe depuis plus de 20 ans à la mise en œuvre de solutions innovantes de Relation Client, de #CRM, de Centres de Contacts, au sein des organisations.