Fin des 35 heures : un pavé dans la mare

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Par Charles Sannat Publié le 31 octobre 2012 à 13h11

Oh la la, qu’est-ce qu’on rigole aujourd’hui. Moi j’adore le débat sur le retour de la fin de la chronique de la mort annoncée des 35 heures.

Bon, je ne vous cache pas qu’à titre personnel la fin des 35 heures, ça ne m’arrange pas. Je ne parle pas des miennes de 35 heures, je dois plutôt travailler une centaine d’heures par semaine, et pour tout vous dire, je fais partie de ceux qui ont la chance immense de ne pas vraiment travailler mais de réussir à vivre de leur passion. Non, je vous parle des 35 heures de ma femme. Ma femme, elle, elle travaille 35 heures. En réalité beaucoup plus… mais elle a des RTT. Elle adore ses RTT. Dès qu’on parle à la télé de supprimer ses RTT, elle voit rouge.

Comprenez-moi bien. Elle est très intelligente ma femme. Supprimer les RTT des autres, c’est autre chose, mais supprimer les siennes, certainement pas. C’est un peu comme le "travailler plus pour gagner plus". Tant que c’est l’autre qui doit travailler plus, aucun problème. Bref, revenons au débat, pour ne pas dire au psychodrame, du jour.

Les 35 heures. Notre Z’Ayrault du jour a déclaré, en réponse à une question de journaliste, qu’il ne voyait pas en quoi cela pose un problème de parler du retour des 39 heures, et qu’il n’est pas dogmatique. Cela s’appelle ouvrir le débat. Mais hop, une demi-journée de polémique plus tard, on referme le débat fissa, en disant que sous la gauche, les 35 heures sont intangibles et indépassables.

Franchement, merci Monsieur le Premier ministre, j’ai failli passer une très mauvaise soirée avec ma femme. Vous ne savez pas comment elle est ma femme quand elle est de mauvais poil, et menacer ses RTT, c’est me la mettre de mauvaise humeur. On respire. On respire, sauf que cet épisode, où on voit un Premier ministre recadré par son propre ministre du Travail, pose un vrai sujet. Celui du temps de travail. Et disons-le clairement, c’est un débat complexe.



Tout d’abord, il y a un véritable problème de quantité de travail disponible. Tout le monde peut s’accorder autour de cette réalité. Les millions de chômeurs dans notre pays et dans le monde entier, les dizaines de millions de personnes en temps partiel témoignent de ce triste état de fait. Ensuite, si nous regardons chez nos voisins, le temps de travail effectif est inférieur à 35 heures par semaine, que ce soit en Allemagne (32 heures) ou aux États-Unis (31 heures).

Après, il y a un problème de compétitivité. Évidemment, une entreprise dont les gars travaillent 39 heures par semaine (au même salaire) sera plus compétitive qu’une entreprise dont les ouvriers travaillent seulement 35 heures… au même salaire là aussi. L’idée des 35 heures reposait avant tout sur le concept de partage de la quantité de travail disponible. Imaginer que l’on puisse créer plus de richesses collectivement, en travaillant chacun un peu moins, est une erreur économique.

Néanmoins, force est de constater qu’il y a de moins en moins de boulot disponible et ce partout à travers le monde. Encore une fois, les causes en sont doubles. Les délocalisations d’un côté ont massacré nos industries. Les progrès de la robotique d’abord puis de l’informatique, dont on commence à peine à mesurer les gains de productivité, vont permettre de supprimer des centaines de milliers d’emplois. Pour vous donner un exemple, une banque comme Boursorama Banque fonctionne très bien avec quelques centaines de salariés et en plus votre carte bleue est gratuite.

On commence à parler de surcapacité de 186 000 collaborateurs dans les banques de détail en France (les agences au coin de la rue), et à dire qu’il va falloir supprimer tous ces postes. C’est une évidence en termes de compétitivité. Regardez Free, opérateur de téléphonie qui fonctionne avec 500 personnes, là ou SFR en a 15 000. Résultat : SFR et Orange vont devoir virer un peu plus de monde chaque année. On a bien un problème de fond de création de quantité de travail et pas uniquement en France.



Ce qui veut dire que les 35 heures n’ont pas vraiment créé d’emplois, puisque l’emploi manque chez nous comme chez les autres. Inversement, ce ne sont pas les 35 heures qui ont créé le chômage puisque nous en avons ni plus ni moins qu’ailleurs, et qu’il est globalement très élevé dans tous les pays du monde. Alors on peut débattre sur les 35 heures. Leur principal apport a été un peu plus de temps disponible pour les gens, et surtout le développement en France d’un secteur touristique et de centaines de milliers de chambres d’hôtes pour que nos titulaires de RTT puissent se promener et voir du pays. Mais il ne faut pas nier non plus que les 35 heures coûtent cher.

Alors doit-on accuser les 35 heures de tous nos maux ? Certainement pas dans la mesure où nous sommes les seuls à les avoir et que, dans ce cas, on devrait être les seuls à en souffrir. Donc c’est bien que les causes sont tout autres. Maintenant, évidemment, cela n’aide pas, mais si vous demandez à ma femme de renoncer à ses RTT, elle va très très mal le vivre ! Sinon, comme il se passe autre chose dans le monde que notre psychodrame national sur les RTT de ma femme, j’ai sélectionné pour vous cette superbe dépêche de l’AFP qui nous explique qu’en dépit du fait qu’on leur dise que tout va bien grâce à un matraquage intensif, eh bien les peuples d’en bas ont une perception légèrement différente de la vraie économie.

Europe : 75 % des consommateurs pensent que leur pays est en récession. Trois quarts des consommateurs européens estiment que leur pays est en récession, et 65 % d’entre eux déclarent avoir réduit leurs dépenses, selon une enquête du cabinet Nielsen réalisée fin août. Franchement, je suis particulièrement déçu. On leur explique que tout va bien, on leur prépare de sublimes statistiques de retour de la croissance européenne – et je ne vous parle même pas de la croissance américaine et du chômage qui baisse de façon considérable –, rien n’y fait. Les peuples se sentent en récession.

Au niveau mondial, ce sont 62 % des consommateurs qui pensent que leur pays est en récession, selon Nielsen qui a interrogé en ligne 29 000 consommateurs dans 58 pays entre le 10 août et le 7 septembre 2012. C’est une véritable honte. Un véritable travail d’orfèvre complètement ignoré carrément par les peuples entiers. Je pense qu’il va falloir contrôler Internet et les mots clés. Interdiction de rechercher le mot "récession", ou "crise économique". Comme en Chine. Ils ont tout compris ces Chinois.

Les pires évidemment, c’est nous. Les consommateurs français sont 83 % à considérer leur pays en récession, une hausse d’un point par rapport au trimestre précédent. Mais on vous dit que nous sommes en croissance Z’Ayrault, pardon, zéro, et vous n’y croyez pas. Mais comment doit-on vous le dire ? Vous, les Français, vous êtes tout simplement insupportables. En plus, tous ces crétins inquiets ont décidé d’arrêter de consommer, c’est-à-dire d’acheter des bidules très chers ne servant à rien et qui terminent dans des caves avant de finir à la brocante annuelle.

Pour s’adapter à la crise, 69 % des consommateurs au niveau mondial déclarent avoir réduit leurs dépenses, en hausse de deux points par rapport au deuxième trimestre et de 3 points par rapport à la même période de 2011. Au niveau européen, 57 % déclarent dépenser moins en achat de vêtements, 53 % disent réduire leur budget loisirs et 51 % achètent des marques moins cher pour les produits de grande consommation.

La "morosité persiste dans certains pays européens", comme l’Espagne (- 4 points), l’Allemagne (- 2 points à 86), la Finlande (- 5 points à 75). Moi qui croyais que tout allait mieux que bien chez nos amis germains de Germanie, il semblerait qu’ils n’aient pas un grand moral. Enfin, que voulez-vous, c’est comme ça, de toute façon il faut tenir jusqu’au 6 novembre.

En attendant le remaniement ministériel (surtout celui du premier d’entre eux), on peut dire qu’en tout cas, actuellement, à Matignon, c’est Ground Z’Ayrault !

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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