Eté 1999, Bernard Arnault injecte 115 millions de francs dans Aucland, et affiche haut et fort ses ambitions : devenir le leader de la vente aux enchères en France, et damer le pion à son concurrent, iBazar, lancé finalement avec six mois d’avance sur le site de Fabrice, mais qui a toujours refusé de céder la majorité de son capital.
Il faut dire aussi que Bernard Arnault, qui ne cache pas ses ambitions dans le Web, ne pouvait pas se permettre de passer à côté d’une telle pépite. Depuis six mois, le petit monde de la Net économie n’a qu’un mot à la bouche : Aucland. Fabrice Grinda à la une des Echos, Fabrice Grinda suivi par Capital... Il n’y en a que pour lui. A croire que les journalistes sont tombés amoureux de ce jeune prodige de la Net économie. En réalité, tous sont rentrés dans son jeu.
"Au début, inconnu des journalistes et des salles de rédaction, n’ayant pas de budget à investir dans une attachée de presse, je me suis amusé à contacter les journalistes et à leur proposer, à l’arraché, de me déplacer à leur rédaction pour les rencontrer cinq petites minutes. A chaque fois, la scène est identique : je reste une heure à dérouler mon histoire", raconte Fabrice le visage encore rouge d’émotion, un zeste de nostalgie dans le regard.
Cela fait déjà trois heures que nous sommes en entretien, et le trentenaire au look américain n’a pas relâché la cadence. Nous commençons à trouver le personnage attachant. Son enthousiasme et son bouillonnement viennent progressivement gommer la vanité et la fausse modestie qui nous avaient gênés au début. Son visage d’entrepreneur encore poupon, son parcours météorique des deux côtés de l’Atlantique et son QI hors du commun font mouche : Grinda devient le chouchou des médias et les journalistes multiplient les portraits de lui.
Surtout, il devient le spécialiste de la Net économie, le "client idéal", celui que les journalistes appellent en urgence pour nourrir un papier à quelques minutes du bouclage. C’est en grande partie cette exposition dans les médias qui va faire de lui une étoile montante et pousser Chahram Becharat, jeune polytechnicien d’origine iranienne qui tient d’une main de fer l’empire Internet du patron de LVMH, puis Bernard Arnault à s’intéresser à la start-up.
Après avoir topé avec Arnault, Fabrice a les moyens de ses ambitions et Aucland mène grande vie pendant quelques mois. C’est la rançon du succès. Il faut dire que le polyglotte (il parle quatre langues) fait maintenant partie de la garde rapprochée du patron de LVMH. Il franchit à sa guise la barrière de verre qui isole le big boss de la direction pour des discussions intimes, notamment sur le design du site ou le choix des publicités télé qui d’ailleurs, à l’époque, défraient la chronique. Il est loin le temps où Aucland serrait les coûts...
Extraits de "Grandeurs et misères des stars du Net" par Capucine Graby et Marc Simoncini. Editions Grasset (2012). 17,10 euros