L’origine de la crise était à trouver non pas dans un excès de marché, comme l’ont dit et répété les politiques et les médias, mais dans les excès de l’Etat.
Dès lors l’Etat dont on célébrait le "Grand Retour" sur la scène économique (qu’il n’avait en vérité jamais quittée) ne pouvait qu’enfoncer les pays malades dans leur propre maladie. Crise dans la crise, l’agitation au chevet de l’euro a poussé l’interventionnisme étatique jusqu’à la caricature…
La crise de la dette souveraine est un effet indirect mais certain de l’intervention de la puissance publique par le biais d’une réglementation bancaire outrageusement favorable aux Etats. Le fameux ratio Cooke, ratio de solvabilité bancaire concocté à Bâle par les banques centrales, ne prend pas en compte les crédits bancaires accordés par les banques aux Etats sous prétexte qu’ils seraient sans risque.
On ne s’étonnera donc pas que les banques aient accumulé des quantités massives d’obligations publiques vis-à-vis d’Etats incités à s’endetter de manière apparemment illimitée. Mettre en cause le marché et les banques face à la montée de ce risque devenu mortel relève d’une escroquerie intellectuelle de haut vol. Nous nous trouvons tout de suite au cœur de notre sujet. Si la banque centrale américaine a pu intervenir, c’est que la monnaie qu’elle émet est une monnaie papier, une "fiat money", sans valeur intrinsèque. Le roi dollar est nu.
Alors que le but de la frappe monétaire (selon Nicolas Oresme auteur en 1355 du Traité de référence sur la monnaie) et de sa monopolisation par une autorité publique est de garantir la véracité de « l’avertissement » monétaire, c’est-à-dire de l’information monétaire qu’elle recèle, de conserver la "bonté" de la monnaie, de dispenser les échangistes de la vérification et de permettre ainsi des échanges confiants et un commerce honnête.
Il est d’éviter la fraude en confiant aux personnes publiques les plus fiables l’acte de monétisation, dont la répercussion est de portée universelle dans le commerce d’une communauté humaine… Le but de cette délégation de pouvoir n’est donc pas de légitimer la fraude du prince ou de l’Etat, mais de l’empêcher bel et bien…
En fait il se pourrait bien que la capacité (de falsification monétaire) des monarques absolus ait été bien moindre que celle de nos "monarques républicains" d’aujourd’hui, et c’est ce que nous allons essayer de montrer… Si l’Etat a considérablement accru son pouvoir en matière monétaire par rapport à ce qu’il était sous les monarchies "absolues" de l’Ancien Régime, c’est grâce à uns institution qui nous est devenue tellement familière que nous avons peine à imaginer une économie qui en serait privée :les banques centrales…
On l’a compris : en supprimant le garde-fou de la convertibilité métallique, les Etats font soudain apparaître en pleine lumière le projet qui se cachait derrière la création des grandes banques d’émission publiques aux XVII ème et XVII ème siècles. Leur coup d’état sur le monde bancaire avait débouché paradoxalement sur un apogée de stabilité monétaire grâce à un étalon-or qui réfrénerait les vélléités dépensières des gouvernements. Avec la suppression de la convertibilité métallique le coup d’état prend tout son sens…
Il est temps que la société civile s’organise pour faire prévaloir l’éthique monétaire défendu jadis par Oresme et qui a connu quelques heures de gloire aux XVIII et XIX èmes siècles. Il est temps qu’elle reprenne en main une partie du pouvoir monétaire désormais trop concentré dans les mains d’un gouvernement pour que ceux-ci n’en abusent pas.
Le monde a besoin d’un véritable étalon monétaire pour établir la métrique constante et universelle dont une mondialisation pacifique a besoin.
Extraits de "La monnaie : histoire d'une imposture" par Philippe Simmonot et Charles Le Lien. Perrin. Mai 2012. 19,90 euros