« Monsieur, votre lettre fait état du fait que vous voulez que Titan démarre une discussion. Vous pensez que nous sommes si stupides que ça ? Titan a l'argent et le savoir-faire pour produire des pneus. Qu'a le syndicat fou ? Il a le gouvernement français », aurait écrit, en anglais, le PDG de Titan, un fabricant de pneus américain dont le nom a circulé un temps pour reprendre l’usine Goodyear d’Amiens, promise à la fermeture. Il aurait écrit cette lettre surréaliste au ministre du Redressement Productif, Arnaud Montebourg, utilisant un ton, un vocabulaire, des tournures de phrase et une absence totale de diplomatie rare de la part d’un grand patron envers un ministre de la République…
Ce courrier intercepté a été publié sur le site des Echos hier. Son auteur, Maurice M. Taylor, est surnommé « l’ours » (« The Grizz ») par les analystes de Wall Street pour sa fermeté absolue lors des négociations. Il s’est présenté en 1996 aux élections présidentielles aux Etats-Unis du côté des Républicains. Il explique du bout de sa plume pourquoi son entreprise n’a aucunement l’intention de reprendre le site d’Amiens. Pourtant, l’an dernier, le groupe Titan avait proposé de reprendre plus de 500 salariés de l'usine Goodyear pour la fabrication de pneus agricoles. Le projet avait finalement capoté.
Au passage, il en profite pour se moquer de l’oisiveté présumée des salariés de l’usine. « J'ai visité cette usine plusieurs fois, écrit-il. Les salariés français touchent des salaires élevés mais ne travaillent que trois heures. Ils ont une heure pour leurs pauses et leur déjeuner, discutent pendant trois heures et travaillent trois heures. Je l'ai dit aux syndicalistes français. Ils m'ont répondu que c'était comme ça en France ».
Il conclut sa missive avec une violence et une amertume qui semblent au mieux parfaitement inutiles, au pire cruellement cynique : « Titan va acheter un fabricant de pneus chinois ou indien, payer moins d'un euro l'heure de salaire et exporter tous les pneus dont la France a besoin. Vous pouvez garder vos soi-disant ouvriers. Titan n'est pas intéressé par l'usine d'Amiens nord ».
Comme le rappelle le Huffington Post, en octobre dernier, le patron de Mitsubishi France avait été accusé d’avoir traité Arnaud Montebourg, déjà lui, « d'abruti mental », avant d’être forcé à démissionner de ses fonctions… Seulement là, ce monsieur est Américain !